Les trois candidats au second tour des élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), Fabienne Grébert (EELV) et Andrea Kotarac (RN), participaient au grand débat de l'entre-deux tours, ce jeudi 24 juin sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes.
Dernière ligne droite avant le second tour des élections régionales. Les électeurs sont appelés aux urnes le 27 juin pour désigner leur président de région. A quelques jours du scrutin, jeudi 24 juin, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes organisait un débat entre les trois candidats encore en lice au second tour.
- Laurent Wauquiez (LR), président sortant de la région ;
- Fabienne Grébert (EELV) ;
- Andrea Kotarac (RN).
Revoir le grand débat de l'entre-deux tours en direct vidéo ci-dessous.
Que retenir du débat ?
Trois finalistes, donc, se sont affrontés pour ce dernier grand débat animé par Pauline Alleau, Olivier Michel de France 3 et Nicolas Crozel, de France Bleu.
Avec un premier tour de table sur un chiffre qui a profondément marqué, voire choqué dimanche dernier, celui de l’abstention : « 67% des électeurs ne se sont pas déplacés pour aller voter. Deux habitants de la région sur trois. Du jamais-vu toutes élections confondues » souligne Nicolas Crozel. Chez les jeunes de moins de 35 ans, l’abstention est littéralement vertigineuse. Ils sont plus de 80 % à ne pas avoir participé au scrutin.
Dans un bref reportage, des jeunes notamment, interrogés par France 3, donnent un panel d’explications : « j’ai souvent été déçu, j’étais pas au courant, j’aime ma ville mais je ne sais pas à quoi ça sert, c’est trop abstrait, par Internet ce serait mieux, on ne voit les politiques que lorsqu’il y a des élections. »
« Il y a vraiment de quoi s’inquiéter après ce qu’on vient d’entendre, quel engagement concret vous prenez aujourd’hui, ce soir, pour redonner envie à ces jeunes d’aller voter dimanche ? » interroge Olivier Michel.
Andrea Kotarac désigne les responsables de cette abstention record : « Dans les réponses de ces jeunes, vous avez toute l’explication. Les gens disent qu’ils ont été déçus, trahis, moi j’en veux un peu à M. Wauquiez qui a refusé tous les débats sauf un, j’en veux surtout au gouvernement qui n’a pas fait ce qu’il fallait pour envoyer les professions de foi, qui avait promis des clips télévisuels à profusion, il n’y a rien eu de tout ça, mon engagement c'est de rendre compte de mon mandat, faire des référendums locaux, rendre le pouvoir au peuple français. »
Fabienne Grébert a le diagnostic : « La Démocratie, c’est pas un rendez-vous une fois tous les 6 ans, quand il y a des élections, puis plus rien ne se passe. Moi, je mettrai en place une convention citoyenne, pas une convention manquée pour une loi climat, mais un rendez-vous permanent avec les citoyens pour concevoir l'avenir, évaluer et ajuster les politiques publiques au fil de l’eau si besoin, en toute transparence. Et puis nous, on est pas là pour un tremplin politique comme certains. »
Et elle passe directement à l’offensive, interpelle face à face le président sortant : « Tiens, d’ailleurs M. Wauquiez, vous pouvez nous dire si vous êtes candidat à la présidentielle ? »
Laurent Wauquiez reste souriant et choisit l’esquive, comme il le fera d’ailleurs tout au long du débat. Il se désole : « Ça me touche beaucoup ce que j’ai entendu, parce que j’ai mon fils qui a 18 ans et qui a voté dimanche pour la première fois, j'ai échangé avec lui, avec ses amis, on retrouve ces sujets qui doivent tous nous interpeller.. Le vote électronique, c’est un mauvais prétexte, on ne vote pas comme on achète d’un clic un produit, mettre un bulletin dans l’urne, c’est un geste symbolique. Je pense que les politiques doivent avoir entre eux des échanges dignes, et pas jouer le jeu des petites phrases ou des caricatures. C’est aussi une erreur de tronçonner ainsi les électeurs. Un retraité sur deux s’est abstenu dimanche, et ça doit nous préoccuper. La politique doit s'incarner dans du concret. Je veux m'adresser aux jeunes actifs comme à ceux qui ont travaillé toute leur vie, à l'ensemble des habitants".
Une campagne trop nationalisée ?
Au soir du 1er tour, tout le monde s’est interrogé : ce scrutin régional n’a-t-il pas été trop nationalisé ? « Pendant cette campagne, vous avez tous abordé à un moment ou à un autre et de manière différente, la question de la sécurité. Or, ce n’est pas une compétence de la Région. Est-ce que cette semaine vous vous êtes dit, on en a fait trop ? » demande Olivier Michel.
Réponse lapidaire d’Andrea Kotarac dont le slogan était « Une région qui vous protège » : « non, je pense surtout que c’est un vote de colère, les gens se sentent trahis par les partis au pouvoir. Je les comprends, mais je dis aux électeurs du Rassemblement national que cela ne va que renforcer leur colère, parce que l'abstention, c'est donner le choix du destin de la région et du pays à leurs adversaires. C’est vrai que c’est le RN qui s’est le plus abstenu, avec 72 %, nous les appelons à aller voter. Nous du coup, on a des réserves de voix » glisse-t-il au passage.
Laurent Wauquiez balaie l’argument : « Non, au contraire, cela prouve que nous sommes en connexion avec les préoccupations de nos électeurs. Car la sécurité, je vous l’assure, c’est important pour eux, et cela relève de notre compétence en partie, notamment pour les agents de sécurité ferroviaire. On va continuer, on ne peut pas dire, on reste les bras croisés, je continuerai à me préoccuper de la sécurité, c'est fondamental ».
Fabienne Grébert, elle, botte en touche : « il faut s’occuper de la vie quotidienne des gens et l’insécurité pour nous, c'est celle du dérèglement climatique. La région n’a rien fait, elle ne s’occupe pas de la transition écologique, l'insécurité qui monte, c'est l'échec de la politique de M Wauquier, nous, on n’est pas là pour un carriérisme personnel. »
Alain Wauquiez réplique calmement : « c’est toujours comme ça, quand on interroge Madame Grébert, elle n’a pas de proposition sur la sécurité. Nous, on veut protéger les lycées, développer la reconnaissance faciale, et plaider pour le durcissement de la réponse judiciaire. »
Andrea Kotarac tranche : « Nous n’avons pas du tout la même vision que ces deux partis. Mr Wauquiez a un point de vue purement quantitatf, le nôtre est qualitatif. On veut mettre un référent sécurité dans chaque collège, et pas simplement des portiques ou des agents de sécurité comme le propose Laurent Wauquiez. On partage l'idée, mais certains collèges en ont besoin, d’autres pas, et il dénonce : le président Wauquiez avait dit qu’il priverait les familles des délinquants multirécivistes des aides sociales, il ne l’a jamais fait. Rien n’a bougé. Nous le ferons ».
Environnement et transports
Pauline Alleau lance le débat sur cette thématique importante pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Laurent Wauquiez, lors de sa déclaration de candidature, en mai à Tarare dans le Rhône, avait affirmé que la qualité de l’air serait « la grande cause de son mandat en cas de réélection. »
Il persiste et signe. Mais concrètement, cela se traduira comment ? « Pendant 5 ans, on a déjà travaillé. On a réduit les particules fines dans la vallée de l’Arve. La solution, c’est la relocalisation, qui diminue les flux(…) L'empreinte carbone, c'est ce que nous importons, il faut relocaliser les emplois, manger ce qu’on plante, acheter ce que l'on fabrique, et non pas des produits qui font trois fois le tour du monde, consommer ce qui est proche de chez nous, ça c'est ma bataille. »
Etes-vous convaincue Fabienne Grébert ? demande Nicolas Crozel de cette « positive attitude écologiste » ? « Non je m’étouffe quand j'entends ça, depuis ce mandat, il y a toujours autant de camions, de maladies liées à la pollution, rien n’est fait. Les gazs à effet de serre sont en constante augmentation. Moi j’incarne l’écologie des solutions, avec quatre points : une alimentation bio, la rénovation des logements, la transition écologique des entreprises et le développement du ferroviaire. »
Et la position du candidat RN sur cette question ? « On est tous d’accord pour agir mais là encore on a pas la même optique. Je ne suis pas pour l’écologie punitive de Madame Grébert On demande aux gens de changer de voiture, quand ils n’en ont pas les moyens. Il y a aussi une précarité énergétique, un problème de rénovation thermique qu'il faut mener avec des entreprises locales, il n’y a pas que l’air, il y a aussi les sols à dépolluer. » Et de descendre en flammes l’éolien : « Une catastrophe, c’est une escroquerie écologique que vous financez en partie M. Wauquiez. »
Fabienne Grébert est contre la gratuité des transports, à l’exception des transports scolaires. Elle entend développer le mode collectif, le RER métropolitain, « dans lequel M. Wauquiez ne veut pas mettre un sou de plus ». Laurent Wauquiez s’agace cette fois, pour la première fois : « Cessez un peu d’être agressive, et d’être dans la caricature. Vous souriez ? Cela me rassure, (…) et ce que vous dites est faux, j’ai pris la défense de toutes les petites lignes, y compris en milieu rural, j’ai défendu la ligne Grenoble – Gap, vous ne connaissez pas vos dossiers. »
Le candidat RN, lui aussi, revendique la défense des petites lignes de chemin de fer, et met en cause la qualité de l’offre, les lenteurs du train entre Lyon et Clermont, plus cher que la voiture, et le mauvais cadencement du Léman Express." Il faut rénover le rail et son offre ridicule, que l'on puisse prendre le train au quotidien (...) quant à la gratuité, je suis contre, elle serait à la charge du contribuable".
Et le Lyon-Turin ?
Le projet a divisé, pendant la campagne, les socialistes et les écologistes. EELV était contre, Najat Vallaud-Belkacem était pour.
Il a fallu trouver un terrain d’entente : « Nous nous retrouvons sur la nécessité de faire du fret ferroviaire, ici et maintenant, on avait convenu que celle qui arriverait en tête porterait ce projet" explique Fabienne Grébert, sans vraiment répondre sur la question du Lyon-Turin : "Notre priorité est au fret ferroviaire. Et nous ne voulons pas de cette autoroute en Haute-Savoie, dont le futur candidat à la présidentielle vante les mérites soi-disant pour désenclaver le Chablais . Il y a en ce moment des travaux sous le tunnel du Mont-Blanc qui vont déverser encore plus de véhicules et de camions. C’est un choix irresponsable et inconscient, ce n’est que du bitume et de la pollution. »
Laurent Wauquiez le rappelle en un mot : « Vous avez une position idéologique, pour moi, le Lyon-Turin, c’est tout simplement une priorité. »
Quant à Andrea Kotarac, il n’est pas contre, mais ne le met pas lui non plus en tête de sa liste d'urgences « d’autant qu’il s’agit d’un projet aux fonds européens, et qu’il est surtout temps de consacrer un budget à la remise en état et à la rénovation des routes, comme pour le rail. »
Quelle offre de soins pour demain ?
Un peu éclipsée lors de la campagne, la santé est pourtant au cœur des préoccupations des citoyens après la crise sanitaire. Pour beaucoup d’habitants des zones rurales, l’accès aux soins est un souci majeur. Alors quelles propositions ?
Pour Fabienne Grébert, la clé est dans la formation, le recrutement de personnel soignant, dans des centres de santé pour « éviter par exemple que des femmes accouchent dans leur voiture ». Elle veut créer des maisons de "bien-vivre", miser sur la prévention auprès des plus précaires, encourager le sport, "éduquer" à mieux cuisiner, sensibiliser aux dégâts des addictions, et offrir des bourses pour les étudiants de santé.
Andrea Kotarac propose « un bus mobile avec des spécialistes de toutes les disciplines de médecine, le localisme, c’est ça, développer la vie et les services sur son territoire. Du coup, on ne prend pas sa voiture. On entend aider les étudiants en médecine, dès la 2e année, avec leur engagement en retour qu’ils restent sur place. Pour faire renouveler une ordonnance, on peut aussi simplement développer la télé-médecine. »
Laurent Wauquiez veut corriger : « Il ne faut pas se tromper, on parle de vraie urgence médicale, dans une région de montagne, c’est pas de la compétence de la Région, mais comme la sécurité, on ne peut pas baisser les bras. Il faut recruter des médecins, et les salarier, quand on n'a pas d’autres solutions. Des élus dans l'intercommunalité l’ont fait, il faut les aider, on s’aperçoit que certains médecins sont volontaires, même dans des déserts médicaux. »
Quel « mode » de présidence ?
Au soir du 1er tour, Laurent Wauquiez est arrivé en tête avec 13% des inscrits, Fabienne Grébert 4,5% des inscrits et Andréa Kotarac 3,9% des inscrits.
Quand Olivier Michel leur demande si le faible pourcentage de ces suffrages là ne chagrine pas leur légitimité, la question ne plait pas à Laurent Wauquiez : « Ne me demandez pas d’anticiper l’abstention, je l’ai dit dès le premier tour, il faut aller voter. Il faut que les gens voient ce qu’on fait, ne pas seulement communiquer, mais faire, c’est le plus important, on a récompensé notre bilan et nous continuerons à travailler. »
Fabinne Grebert propose un autre modèle : « moi, je veux changer de gouvernance, comme on le fait à Annecy. On travaille sur des projets aussi avec la droite, il faut de la concertation avec les élus, avec les citoyens, élaborer des projets locaux, de territoires, c’est un travail collectif. »
Et le candidat RN, comment compte-il travailler avec l’opposition ? « Je n’ai pas vraiment envie de travailler avec l’union des divorcés, nous avons le plus grand nombre d’abstentionnistes, donc le plus de réserves. C’est une région qui n’a pas d’identité. Nous avons deux défis : combattre l’islamisme et l’indigénisme. Dire que le mois décolonial a eu lieu à Grenoble, organisé par une association financée par la Région. »
Laurent Wauquiez cette fois sort de ses gonds : « Je combats le communautarisme et l'extrémisme, vous le savez ! Et vous, vous pouvez nous dire où vous étiez il y a quatre ans ? Chez la France Insoumise à défiler pour l’immigration illégale. Celui qui a changé, c’est vous, passé de l’extrême gauche à l’extrême droite ! »
Piqué à son talon d’Achille, celui-ci riposte : « j’ai démissioné, je n’ai pas défilé, et j’ai toujours combattu l’islamo-gauchisme ».
Ce sera la seule réelle passe d’armes un peu musclée de ce débat qui s’est achevé avec cette tradition sur le service public. Chaque candidat disposait de 45 secondes pour s’exprimer face caméra, selon l’ordre établi par tirage au sort en début d’émission.
C’est Fabienne Grébert, la première, qui s’adresse à ses électeurs : « Nous avons un projet, une vision, une véritable ambition pour une écologie de solution. Vous avez le choix entre la surveillance ou la bienveillance, ceux qui offrent des chambres froides aux chasseurs et la transition écologique en confiance. Notre bulletin, c’est celui de l’espoir, et moi, je serai une présidente à temps plein ».
Sans relever cette enième pique, Laurent Wauquiez remercie d’abord ses électeurs « Cela m’a touché, on s’est battus pendant 5 ans, en cette crise de covid avec les masques, les centres de vaccination, merci. On a encore besoin de vous dimanche, c’est le vote de l’espérance. »
Le mot de la fin revient à Andrea Kotarac : « J’ai compris votre colère" assure-t-il à ses électeurs, "vous avez l’impression d’être trahis, sur les thèmes de la sécurité, de l’immigration, moi je veux défendre notre identité et notre justice sociale, venez surtout voter. »
Abstention, prime au sortant... Le bilan du premier tour
Plus qu'une véritable tendance entre les candidats, c'est l'abstention massive qui a marqué le premier tour des élections départementales et régionales. En Auvergne-Rhône-Alpes, 67,4% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes le 20 juin. Une participation historiquement faible qui a favorisé les sortants, en l'occurrence Laurent Wauquiez.
Président de la région depuis la fusion, il est sorti en tête du premier tour avec 43,8% des suffrages. Une longueur devant l'écologiste Fabienne Grébert (14,5%) qui a créé la surprise en terminant deuxième, et Andrea Kotarac (12,3%). Tout juste qualifiée pour le second tour, Najat Vallaud-Belkacem s'est retirée au profit d'une liste commune de la gauche et des écologistes portée par Fabienne Grébert. La communiste alliée à LFI Cécile Cukierman s'est également jointe à cette union dans l'espoir de renverser la vapeur.
Pour La République en marche (LREM), c'était la douche froide après le premier tour. Avec 9,87% des suffrages exprimés, Bruno Bonnell a manqué de peu la barre des 10% nécessaires pour maintenir sa liste. Au total, 2 200 votes lui ont manqué pour se qualifier. Douche froide également pour le candidat RN, crédité de 22% d'intentions de vote, qui obtiendra un score inférieur de 10 points à ce qu'annonçaient les sondages. Pour la première fois, l'abstention n'a pas profité au parti de Marine Le Pen. Seul un quart des ouvriers ont voté au niveau national, une manne qui est historiquement le ciment de l’électorat du RN.
Wauquiez en tête, selon un sondage
Laurent Wauquiez remporterait le second tour des élections régionales avec 58% des voix et une abstention légèrement plus forte qu'au premier, selon un sondage OpinionWay publié jeudi. L'enquête anticipe un taux de participation de 31% dimanche, inférieur à celui de 32,6% enregistré le 20 juin. Les électeurs les plus jeunes seraient très peu nombreux à vouloir se déplacer.
Le président sortant, à la tête d'une liste LR-UDI, est crédité de 58% des intentions de vote, contre 43,8% des suffrages obtenus au premier tour et 40,6% au second tour de l'élection de 2015 qui avait donné lieu à une triangulaire comparable.
La liste conduite par la candidate EELV Fabienne Grébert, obtiendrait 29% des voix, soit un peu moins que les scores cumulés de ces listes au premier tour (31,4%). En 2015, la liste d'union de la gauche et des Verts avait totalisé 36,8% des suffrages au second tour. Le candidat du RN, Andrea Kotarac, arriverait en troisième position avec 13% des voix, contre 12,3% le 20 juin et 22,5% pour la liste du FN en 2015.