La crise du lavandin frappe de plein fouet les exploitants drômois. Alors que le brin violet constitue l'emblème de leur territoire, les producteurs voient la concurrence de lavandins venus d'autres régions, provoquer la chute du cours.
Un sol rocailleux tirant sur l'ocre, rayé de vagues mauves. Le paysage du sud de la Drôme offre un spectacle enchanteur avec ses champs de lavande. Pourtant, cette culture millénaire de la haute Provence rencontre ces derniers temps bien des difficultés.
Une culture moins rentable
Au sud de Montélimar, à Châteauneuf-du-Rhône, Hervé Lauzier se retrouve contraint à une décision radicale. Il supprime 4 hectares sur 10 de lavandin de son exploitation. La plante aromatique ne fait plus recette. De l'herbe bien verte arrivant en haut des cuisses, il parcourt une parcelle de son exploitation.
"Il y a un an, ici, il y avait du lavandin à cette époque de l’année. On a fait la récolte l’année passée et compte tenu des cours et de la crise qui s’annonçaient, on a planté du sainfoin, cela va permettre de régénérer le sol et si ça redémarre d’ici 5 ou 6 ans on se remettra au lavandin." explique-t-il.
"Les agriculteurs, les industriels, on a pensé que c'était terminé le synthétique, que tout le monde allait se lancer vers les essences naturelles...les surfaces consacrées au lavandin ont presque triplé."
Un engouement pour le brin odorant qui a créé un déséquilibre. Nombreux sont les exploitants agricoles qui se sont endettés, qui ont acheté des machines et agrandi leur distillerie. Les emprunts à rembourser grignotent considérablement leur marge.
Une surproduction à l'origine de la crise
Après avoir atteint des records, il y a trois ans, le cours du lavandin a depuis dégringolé de plus de 60 %.
Dans le pays de Grignan, Gilles Estran prépare ses parcelles en vue de la récolte de juillet, mais il le sait, ce sera à perte.
Sur ses terres arides et rocailleuses, impossible pour lui d’envisager une autre culture.
"Je suis à Réauville, je ne peux pas faire autre chose, vu les chemins, je ne peux pas faire venir une moissonneuse. Mon grand père faisait déjà du lavandin" indique-t-il.
"C’est la double peine, on a les cours qui s’effondrent et le gasoil du tracteur et les engrais qui augmentent. Donc l’opération va être négative, on est en dessous du coût de production" déplore-t-il.
La chute des cours du lavandin, est avant tout une question de surproduction.
La production n'est plus exclusivement provençale, la Beauce, au sud de Paris, terre céréalière s'est mise au lavandin.
"Le cours du lavandin a subi une baisse de 60 % en 3 ans, détaille Alain Aubanel,
président du syndicat des producteurs français de plantes aromatiques. En 10 ans, on a doublé le tonnage produit mais la consommation n’a augmenté que de 50 %, donc aujourd’hui la moitié du lavandin produit est toujours en stock dans les cuves."
Inverser la tendance
Rétablir l’équilibre est primordial.
"Il faut que l’on baisse au moins de 30 % les surfaces dédiées, ce n’est pas si difficile, affirme-t-il. Si chaque producteur baisse ses plantations de 10 % pendant 3 ans, on aura nos 30 %"
Selon lui, l'avenir de la production repose sur une responsabilité collective de tous les producteurs.
"Et si l’on fait ça dans trois ans on pense que les choses reviendront dans la normale. Sinon la crise sera durable 10 ans 15 ans… Le problème c’est que dans 5 ou 6 ans il pourrait bien ne plus y avoir de production dans les zones traditionnelles. Il restera peut-être un petit peu de lavande en plaine ou dans la Beauce mais dans nos régions c’est fini il n’y en aura plus. "
Les professionnels du secteur envisagent l’instauration d’un droit de plantations afin de réguler le marché et sauver l’une des cultures emblématiques de la Drôme.