ENQUÊTE. Des images ultra violentes d'adolescents tabassés attisent la peur des habitants à Valence

durée de la vidéo : 00h01mn39s
La police municipale a dû se rendre aux abord des écoles pour sécuriser les lieux et rassurer les parents
À Valence, des familles décrivent des "scènes de barbarie". Une guerre du quotidien dont certaines armes tiennent dans un smartphone.avec des images de violence, ensuite relayées sur les réseaux sociaux. ©FTV

Un adolescent pantalon baissé, battu à coup de barre de fer, des menaces directes d'habitants du quartier rival, à Valence des familles décrivent des "scènes de barbarie". Une guerre du quotidien dont certaines armes tiennent dans un smartphone.

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Des flèches indiquent des jeunes hommes à abattre ou à tabasser, un groupe s'abat sur un adolescent et le frappe jusqu'au sang sur le crâne, ces images diffusées sur les réseaux sociaux et filmées à Valence sont réécurrentes dans les quartiers du Plan (dit "la ZUP" et de Fontbarlettes). 

Des vidéos utilisées comme outils d'intimidation, des trophées de guerre, ou des preuves que chacun occupe le terrain. Les appels à la vengeance ou les photos d'insultes sont autant de provocations qui à leur tour donnent lieu à de nouvelles violences, elles aussi filmées et le cercle devient infernal.  "On a eu echo de témoignages glaçants, il y a eu à nouveau des règlements de compte et des scènes effoyables. A cela s'est ajouté ce fameux sondage et ça a été la goutte d'eau." raconte une mère de famille*. Le sondage auquel elle fait allusion est une demande formulée sur Instagram :

Une menace visant drectement les jeunes filles ou les petites filles en raison de leur quartier. Une étape de trop pour des familles pourtant habituées depuis plusieurs années à vivre dans un climat de violence. Certaines d'entre elles avaient annoncé qu'elles n'emmèneraient plus leurs enfants à l'école sans renforts policiers. 

Si elles réagissent aussi vite et de façon déterminée, c'est parce que plusieurs menaces ces dernières années ont déjà été suivies d'effets poussant même certaines familles à partir à l'étranger. 

"On a une très grosse inquiétude, des parents sont tendus, c'est horrible. Il était essentiel qu'il y ait une présence policière sur notre quartier ce matin mais ça ne suffit pas, il n' y a pas que les trajets d'école. On a conscience que les forces de l'ordre ne peuvent pas être en permanence sur le quartier donc ça pose une réelle question : comment peut-on assurer la sécurité de nos enfants?"  

Une plainte de la mairie

A court terme, les familles craignent en effet qu'un de leurs enfants se retrouve visé, ou tout simplement qu'il soit au mauvais endroit au mauvais moment. Aller dans le quartier de Fontbarlettes quand on vient du Plan peut être présenté comme une provocation et aboutir à un lynchage. Des actes insensés à la fois très codifiés (rapport au territoire et au clan) et en même temps totalement immatures. "Ces films sont montés comme une vidéo de vacances" s'insurge un habitant du quartier. 

Le maire de Valence, Nicolas Daragon, a porté plainte pour trouble à l'ordre public. La réponse judiciaire à la diffusion de menaces d'enlèvement et d'images de rixes pourrait sans doute mettre un frein à cette escalade mais les auteurs s'ils peuvent parfois être identifiés sont difficilement présentés devant les tribunaux faute de preuves. 

Depuis la loi du 5 mars 2007, le Code pénal considère "constitutif d'un acte de complicité" le fait d'enregistrer "sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives" à la commission d'une agression (article 222-33-3).

Celui qui filme risque autant que celui qui commet les violences. Les peines encourues varient en fonction de la gravité de l'acte incriminé, de 750 euros d'amende si la victime s'en tire sans lésion, à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende en cas d'infirmité permanente, ou 15 ans pour un homicide involontaire.

"Les menaces d'enlèvement c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", explique une habitante, "mais il faut comprendre que c'est une situation globale. On nous a dit qu'un diagnostic était en cours dans le cadre de la Force d'Action Républicaine. Il faut recréer de la confiance entre les habitants et faire revivre ce quartier" espère-t-elle. 

Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas 

La Force d'Action Républicaine est un dispositif déployé dans trois villes en France de façon expérimentale : Maubeuge, Besançon et Valence. Initié après les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, ce plan prévoit en plusieurs étapes de rétablir l'ordre dans les quartiers difficiles et d'apporter les solutions concrètes pour résoudre les problèmes du territoire.

Des attaques à l'arme à feu avaient fait quatre morts au cours du mois de mai 2023 et donné lieu à deux opérations coup de poing, en septembre, puis mi-décembre. Ces descentes de police, réalisées avec des renforts nationaux, ont permis d'arrêter une quinzaine de personnes et de saisir argent liquide, drogue et armes. Mais une habitante tempère ces résultats : 

"Il y a eu une série d'arrestations, une période de calme et ça recommence. Le même sentiment d'incompréhension et d'abandon se poursuit. C'est la même situation que l'année dernière donc il n'y a pas eu de solution efficace depuis et c'est pour ça que nous avons décidé d'intervenir à nouveau". 

Une période de 6 semaines de diagnostic doit déboucher sur un plan d'actions. Lors du lancement de la phase 2 de ce dispositif, Gilles Clavreul, le Préfet coordinateur de la FAR disait vouloir "donner la parole à ceux qu'on n’entend pas. Recueillir la parole des habitants pour être au plus près de leurs besoins".

Il avait également promis de "soulever le capot des politiques publiques : est-ce qu'on a le personnel qu'il faut ? Est-ce que les politiques décidées sont appliquées avec efficacité ? Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, de mieux ? On consultera et on associera les habitants" .

Une consultation très attendue par les habitants qui ont le "sentiment jusqu'ici d'avoir été écoutés mais pas entendus". 

*Touts les témoins de ce reportage souhaitent être citées de façon anonyme pour des raisons de sécurité. 

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