Grenoble : une étude propose un nouvel indicateur pour mesurer l'impact des particules fines sur la santé

Des chercheurs de l'IRD, du CNRS et de l'université Grenoble Alpes ont participé à une étude européenne sur les propriétés oxydantes de certaines particules fines, causes de maladies cardio-vasculaires et respiratoires. Ouvrant la porte à une nouvelle manière de mesurer la pollution atmosphérique.

La dangerosité des particules fines est-elle assez bien évaluée ? Actuellement, elle est mesurée grâce à deux critères majeurs : leur concentration dans l'air et leur taille, sans distinction de composition. Une étude européenne, à laquelle ont participé des chercheurs de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), du CNRS et de l'université Grenoble Alpes propose d'allonger la liste.

L'étude, publiée le 19 novembre dans la prestigieuse revue scientifique Nature, s'est intéressée au caractère oxydant de ces particules fines, une propriété qui attaque les cellules polmonaires : c'est le stress oxydant.

Ce stress oxydant "est le facteur dominant de nombreux problèmes cardio-vasculaires et respiratoires qui découlent de la pollution atmosphérique", explique Gaëlle Uzu, biogéochimiste de l’atmosphère à l'Institut des géosciences de l’environnement (IGE) à Grenoble. Le but de l'étude a alors été de comparer le potentiel oxydant de différentes particules fines, et donc leurs différents niveaux de dangerosité.
 

Les voitures émettent les particules les plus dangereuses

Et d'après les travaux des chercheurs et chercheuses, les particules émises par l'usure des freins et des pneus de voiture sont les plus dangereuses de toutes, à concentration égale. Par exemple, "les plaquettes de frein émettent des particules assez grossières, qui contiennent du cuivre", au fort potentiel oxydant, précise Gaëlle Uzu.  Et puis il y a la "combustion de la biomasse", donc du bois, au "potentiel oxydant en lui-même plus bas que celui du trafic", mais dont la concentration peut être beaucoup plus importante. Ainsi, les mesures atmosphériques lors du dernier pic de pollution sur l'agglomération lyonnaise montraient que "15% des particules venaient de la route, et 50% de la combustion de biomasse", affirme-t-elle.

Des quantités de particules fines que l'étude estime réservése aux zones urbaines, où le trafic routier et la densité de population augmentent les émissionst, tandis que les zones rurales se trouvent relativement épargnées. Toutes les zones rurales ? Non :

Sauf les vallées alpines, toutes les vallées alpines. On est dans des zones parfois très peu peuplées, mais le relief et les inversions de températures font stagner des grandes concentrations de particules à potentiel oxydant élevé.

Gaëlle Uzu, biogéochimiste à l'IGE

Avec le bonus hivernal : "Plus il fait froid, plus on allume les chauffages". Ainsi, la vallée de l'Arve est passée en alerte rouge pollution atmosphérique ce vendredi 27 novembre, malgré la réduction du trafic routier causé par le confinement.
 

10% de la mortalité est liée à la pollution atmosphérique

Et cette pollution dans la vallée de l'Arve découle notamment de la combustion du bois de chauffage. "Quand on brûle 50 kg de végétaux dans un jardin, c’est comme parcourir 8 500 km avec une voiture à essence en matière d’émissions de particules fines", abonde Gaëlle Uzu. Des particules au potentiel oxydant, donc nocif, très fort.

En soit, l'on savait déjà avant cette étude que de fortes concentrations de particules fines étaient dangereuses pour la santé. En juin 2016, Santé Publique France estimait que "la mortalité attribuable à la pollution de l’air représente 9,6 % de la mortalité totale" en France. 

Pour Gaëlle Uzu, "cet indicateur a pour but à terme de venir compléter" la palette existente. "On arrive déjà à avoir beaucoup de données grâce aux concentrations, on peut être encore plus efficaces si on s’attaque aux sources oxydantes."

Avec pour bénéfices possibles une prévention ciblée lors de pics de pollution, ou des politiques publiques axées en priorité sur les sources de particules fines les plus dangereuses. Ainsi, le remplacement de nombreux poêles à bois par des poêles fermés et filtrant mieux, labélisés Flamme verte, a permis de diminuer les émissions totales de particules fines de 8% dans la vallée de l'Arve sur les cinq dernières années, rapporte la scientifique. 
 

Encore dix ans de recherche

Selon Gaëlle Uzu, il reste à l'équipe "encore au moins dix ans de recherche avant de pouvoir proposer cet indicateur à la réglementation, et les jalons sont très nombreux". Dix ans pour, notamment, parvenir à cerner les maladies déclenchées par la pollution de l'air, en éliminant les facteurs ayant pu agir en même temps, comme le tabagisme par exemple.

Un défi de taille, auquel se sont heurtés ce mardi 24 novembre neuf plaignants de la vallée de l'Arve, qui accusaient l'Etat de carence fautive dans la gestion de la pollution atmosphérique. Et si le tribunal administratif de Grenoble a reconnu une faute de l'Etat, il a estimé que les plaignants ne sont pas parvenus à établir un lien entre cette pollution et leurs problèmes de santé, parfois devenus chroniques."Ce sont des études qui prennent du temps", confirme Gaëlle Uzu, qui garde l'espoir après avoir mis trois ans à faire publier l'article paru dans Nature. Heureusement, les équipes grenobloises sont à la pointe de la recherche française et européenne dans le domaine de la pollution atmosphérique. Et selon elle, ce n'est "pas une coïncidence qu'on soit installés à Grenoble".
 
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