Retour sur l'affaire Mila en cinq dates avant le procès de 13 personnes pour cyberharcèlement

Treize prévenus comparaîssent, ce jeudi 3 juin, devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir harcelé en ligne, et pour certains menacé de mort Mila, une adolescente de l'Isère. Retour sur cette affaire de cyberharcèlement en cinq dates clés.

Le 18 janvier 2020 : les vidéos à l'origine de l'affaire

Les premiers faits de l'affaire remontent au 18 janvier 2020. L'adolescente de 16 ans, qui aspire à devenir chanteuse, ouvre une discussion vidéo en direct avec les abonnés de son compte Instagram. Elle y discute de sa vie privée et de ses préférences amoureuses.

Les échanges s'orientent sur la religion. Dans un premier temps, Mila assume toutes les "rejeter". Par la suite, elle publie une "story", une vidéo censée ne durer que 24 heures, pour justifier ses propos. C'est cette dernière vidéo qui déclenche un torrent d'insultes à son égard. Elle y déclare :

Je déteste la religion, (…) le Coran il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde. (…) J’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s’exciter, j’en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du c**, merci, au revoir.

Mila

La vidéo est enregistrée, diffusée et commentée sur différents réseaux sociaux. Les internautes s'enflamment. Et de plus en plus de messages de haine lui sont adressés. L'adolescente se défend et met en avant le droit au blasphème.

Ce jeudi 3 juin, son avocat, Maître Richard Malka, a expliqué à Radio France que la jeune fille a reçu près de 100 000 messages haineux : "Jamais dans l’histoire de ce pays une jeune fille n’a reçu 100 000 messages haineux, avec évidemment une connotation sexiste, homophobe (la jeune fille a parlé publiquement de son homosexualité au cours de sa première vidéo, ndlr)."

Le 3 février 2020 : son témoignage dans l'émission "Quotidien"

Le 3 février 2020, en pleine polémique, Mila est l'invitée de l'émission "Quotidien". Elle évoque sa situation pour la première fois depuis le début de l'affaire. 

Elle explique "ne rien avoir fait de mal" et poursuit : "Il y a deux choses que je regrette dans cette histoire : c'est de l'avoir dit sur les réseaux sociaux, je n'avais pas conscience de l'ampleur que ça pouvait prendre, et de l'avoir dit de manière aussi vulgaire", avant de revenir sur son droit à critiquer une religion, mais pas des personnes : "Les gens qui ne sont pas capables de faire cette différence, ils sont débiles."

"Ma vie est clairement en pause", explique-t-elle avant de raconter qu'elle était déscolarisée depuis le début de l'affaire : "Je n'étais pas en sécurité dans mon établissement. Vu les menaces que j'ai reçu des personnes de mon lycée, j'aurais pu être brûlée à l'acide, me faire frapper. J'étais menacée d'être déshabillée en public, d'être enterrée vivante. C'était parti vraiment loin."

En juin 2020, ses parents dénoncent "l’inertie" de l’Éducation nationale après une déscolarisation de quatre mois. Ils ont ajouté que tous les établissements du secteur public de la région affirmaient ne pas être en mesure d’assurer la sécurité de l'adolescente.

Dans son intervention ce jeudi 3 juin, Maître Richard Malka est revenu sur sa situation actuelle :

Elle, elle reste confinée aujourd’hui et pour plusieurs années. Elle, elle ne peut pas aller en terrasse. C’est la première fois dans l’histoire de ce pays qu’une jeune femme de cet âge-là fait l’objet d’une protection policière 24 heures sur 24. Cela n'existait pas.

Maître Richard Malka

Le 14 novembre 2020 : une nouvelle vidéo critique envers l'islam

Près d'un an après le début de l'affaire, l'adolescente repartage sur le réseau TikTok une vidéo où elle s'en prend à ses détracteurs. Elle y déclare notamment : "Et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du c** je ne les ai toujours pas sortis."

Fuse alors une nouvelle salve de menaces : "qu'elle crève", "tu mérites de te faire égorger" ou "je vais te faire une Samuel Paty" - du nom du professeur d'histoire-géo décapité en octobre après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Elle est exclue de son nouveau lycée militaire après avoir par mégarde cité le nom de l'internat où elle vivait.

La classe politique reprend l'affaire en mains et de nouvelles charges sont retenues contre les auteurs des menaces :

Le 9 février 2021 : des premières retombées judiciaires

Le parquet de Vienne (Isère) avait ouvert mi-novembre une enquête pour "menaces de mort par écrit et harcèlement électronique", suite à cette nouvelle vidéo.

Le parquet s'était dessaisi de l'affaire, début décembre, au profit du pôle national de lutte contre la haine en ligne du tribunal judiciaire de Paris.

Le 9 février 2021, cinq personnes, âgées de 18 à 30 ans, dispersées sur le territoire français, sont placées en garde à vue pour cyberharcèlement et menaces de mort. Dans les semaines suivantes, d'autres auteurs de menaces s'ajoutent à ce groupe. Les prévenus sont tous renvoyés devant le tribunal correctionnel et comparaîssent ce jeudi 3 juin.

Auparavant, deux personnes avaient déjà été condamnées à des peines de prison pour avoir menacé de mort la jeune fille.

Le 3 juin 2021 : le procès de "la terreur numérique"

Ce jeudi 3 juin, 13 prévenus comparaîssent donc devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir harcelé en ligne l'adolescente iséroise.

Certains seront également jugés pour menaces de mort, et pour l'un d'eux menace de crime. Deux d'entre eux ont formulé des demandes de renvoi, qui seront examinées à l'ouverture de l'audience à 13h30.

"Ce procès est celui de la terreur numérique qui déchaîne des meutes sexistes, homophobes, intolérantes contre une adolescente", avait estimé auprès de l'AFP Richard Malka.

Les treize jeunes hommes et femmes jugés jeudi sont renvoyés en majorité pour un seul message parmi les milliers d'insultes et menaces reçues par Mila. "Sur plusieurs milliers de tweets, on a identifié quelques-uns (des auteurs) et ce sont ceux-là qui sont poursuivis (...) On fait assumer à celui qui a fait un tweet la totalité des menaces des autres", regrette Maître Gérard Chemla, un avocat d'un des prévenus.

Les prévenus encourent deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour le harcèlement en ligne, trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour les menaces de mort.

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