Le moral n'est pas au beau fixe dans les stations de ski iséroises, alors que les vacances de Noël débutent ce vendredi 18 décembre. En cause, la fermeture des remontées mécaniques et des bars et restaurants qui plongent ces villes dans un certain silence.
De la tristesse, de la morosité, du dépit, de la résignation même. A Lans-en-Vercors, l'ambiance n'est pas à la fête en ce mois de décembre. La fermeture des remontées mécaniques et des bars et restaurants, en raison de la pandémie de coronavirus, y sont liés. "On n'arrive pas à rentrer dans les périodes festives, constate le maire de la commune, Michaël Kraemer. On a de la neige, mais le taux de réservation est en berne. Les gens ne savent pas s'ils doivent sortir ou pas, s'ils doivent être d'humeur joyeuse, il n'y a pas de joie de vivre. Je n'ai jamais ressenti ça sur la station."
Le sentiment est partagé un peu partout en Isère, à trois jours du début des vacances de Noël. "Si je vous disais que le moral était au beau fixe, vous ne me croiriez pas", avance Pierre Balme, maire délégué de Vénosc - Les Deux Alpes et président des maires des stations de l'Isère. Dans le département, il sent des professionnels "démoralisés" face à "une situation qu'on n'a jamais connue".
Pierre Balme ressent de l'inquiétude. Par rapport aux remontée mécaniques, surtout. Elles ne rouvriront le 7 janvier que si la situation sanitaire du pays s'améliore.
"On a l'impression d'avoir été stigmatisés. On a été les sacrifiés du moment, comme le monde de la culture. Il y a beaucoup d'incompréhension."
Michaël Kraemer a même lâché que "les professionnels de ski ne croient pas" à une réouverture "le 7 janvier, tout comme les bars et les restaurants le 20 janvier".
Quelques réservations de gites à Lans-en-Vercors
Ces stations n'ont pas d'autres solutions que de s'adapter, à court-terme. Le maire de Lans-en-Vercors promet que les personnes qui viendront dans sa station "seront très bien accueillies, avec le sourire, par tous ceux qui peuvent travailler". Ceux qui possèdent une résidence secondaire devraient faire le déplacement."Ils vont revenir pour prendre l'air", assure Michaël Kraemer. Pierre Balme en est tout aussi certain. "Ils vont trouver la liberté à la montagne." A Lans-en-Vercors, les réservations de gîtes de grande taille ont connu "une petite accélération" ces deux derniers jours. Prometteur.
Côté activités, pas de ski alpin d'ici la fin de l'année sauf pour les sportifs de haut niveau et les jeunes dans des clubs. "Le club de ski a renouvelé son parc d'accueil des petits, des enfants", avance Michaël Kraemer, dont la clientèle de la station est surtout locale car à proximité de Grenoble.
La diversification s'impose donc, avec une plus grande place pour le ski de fond, mais pas uniquement. "Raquettes, ski de randonnée, balades, luge", cite Pierre Balme. A Vaujany, son directeur de station, Pierre-Emmanuel Jacquemet, et son équipe ont cherché "des nouveautés qui ne nécessitent pas d'investissements" : découverte des coulisses de la station (comment se fait le damage, la production de neige de culture, la sécurisation des pistes), initiation à la recherche de victimes d'avalanches, au biathlon pour les enfants, balades en chiens de traineau... Il espère une fréquentation de 20 à 30 % durant les fêtes.
Mais, l'image d'Epinal des vacances à la montagne va prendre un sacré coup sans bars et restaurants, souvent pris d'assaut après la fatigue des journées sur les pistes. "On a enlevé un bout du côté "montagne"", assure M. Kraemer. "Il faut faire notre deuil là-dessus", concède M. Balme, qui a mené des actions pour favoriser le recours aux restaurateurs. "J'ai essayé de rapprocher les résidences de tourisme avec les restaurateurs, qui vont livrer plusieurs clients dans la même zone. On n'est pas sur du clic and collect, mais sur du clic et portage à domicile."
Ne pas rouvrir en février serait un drame
Dans ces stations iséroises, l'inquiétude se situe encore plus à moyen et long-terme. "On avance au jour le jour. Les professionnels marchent sur des oeufs, explique le maire de Lans-en-Vercors depuis 2014. En plein milieu de la deuxième semaine des vacances de la Toussaint, le confinement leur est tombé dessus. Ca plane sur la tête de tout le monde."
Le futur manque de fréquentation internationale pour les mois à venir devrait également pénaliser une station comme Les Deux Alpes, à la clientèle internationale.
"L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ne vont pas ouvrir leurs frontières avant un moment, la clientèle anglaise, on ne sait pas trop. Plus de 4 000 Espagnols viennent habituellement les premiers jours de décembre, les tours opérateurs des pays de l'Est ne se feront pas... C'est une saison en demi-teinte, voire pire."
M. Balme, par ailleurs administrateur de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) à l'administration et aux affaires institutionnelles, espère une réouverture des remontées mécaniques et des bars et restaurants courant janvier pour que tout soit opérationnel en février. "Janvier est un mois creux. Notre grande crainte, c'est qu'on ne puisse pas assurer février. Ce serait un drame." Les mois de février et mars peuvent représenter 60 % du chiffre d'affaires total de la station.
Il craint également que "l'équilibre socio-économique de la montagne" soit en danger. Lui le juge déjà "fragile".
"Ca passe par des investissements, un soutien financier de l'Etat et une plus grande compréhension économique des services de l'Etat. Il ne faut pas sanctuariser la montagne, elle est dynamique !"
Un message positif qui ne devrait pas faire oublier des fêtes de fin d'année bien difficiles pour les professionnels liés aux stations de ski.