Myriam Epailly a eu recours aux bandelettes pour résorber sa gêne liée à une descente d'organes puis pour soigner des fuites urinaires. Mais, depuis 11 ans et la pose de ces implants, elle souffre au quotidien. Pour dénoncer ces complications, cette habitante de Seyssuel en Isère a décidé de témoigner.
Ce sont des bandelettes posées pour lutter contre les descentes d’organes et les fuites urinaires. En France, chaque année, près de 30 000 femmes y ont recours.
Parfois, ces implants peuvent créer des complications importantes et rendre le quotidien de celles qui les portent, infernal. C’est le cas de Myriam Epailly, une habitante de Seyssuel à côté de Vienne, en Isère. Après quatre accouchements et une vie passée à pratiquer du sport, Myriam souffre de descente d’organes alors qu'elle a à peine 50 ans.
"J'ai fait confiance"
Très gênée et dans l'impossibilité de continuer ses activités sportives, elle se fait opérer en 2012 sur les conseils d’un urologue pour la pose de deux bandelettes promontofixation : "Pour moi, cette opération, c’était miraculeux, une opération de confort. Lors de la consultation, j’ai posé deux-trois questions, ça me semblait tenir la route, et je suis repartie avec une date d’opération."
L’opération se passe bien, deux bandelettes sont posées mais quelques jours plus tard, des complications aparaissent, alors que jamais le médecin n'avait abordé avec elle de possibles effets secondaires.
"Jamais, le médecin ne m’a dit que je ne pourrais pas les enlever, jamais il ne m’a dit que ces bandelettes pouvaient occasionner de graves complications même si c’est un petit pourcentage. Moi, j’étais en parfaite santé, je n’ai jamais été malade de ma vie, je suis rentrée dans les hôpitaux que pour les accouchements donc que pour de bonnes nouvelles alors j’ai fait confiance", explique Myriam.
"Je me faisais pipi dessus"
Parmi les complications, des incontinences urinaires : "Je me faisais pipi dessus alors qu’avant, je n’avais pas de fuite urinaire, explique Myriam, je ne pouvais pas rester comme ça, je ne pouvais plus sortir de chez moi, car je ne savais pas si j’allais me faire pipi dessus ou pas."
Deux mois plus tard, l’urologue lui propose la pose d’une troisième bandelette pour résorber ces fuites urinaires : "Après cette opération, plus rien ne pouvait sortir de mon corps, tout était bloqué. Je n’arrivais plus à uriner du tout."
La seule solution pour Myriam, s’auto-sonder : "Je suis repartie chez moi avec ma poche à pipi. Pour une femme, c’est très contraignant et dégradant de faire ça. Mais je l’ai fait, j’ai joué le jeu parce que les médecins me disaient que ça allait rentrer dans l’ordre donc je me suis dit : 'Faisons le'."
"Comment voulez-vous que je vive comme ça ?"
Mais l’auto-sondage lui provoque des infections urinaires très douloureuses. Aujourd’hui, 11 ans après la pose de ces bandelettes, elle en comptabilise plus d’une quarantaine : "J’ai des symptômes, j’ai mal, j’ai le bas du ventre en feu, je suis fatiguée d’être rongée par les infections, je suis rongée par les antibiotiques aussi... Comment voulez-vous que je vive comme ça ?", nous dit Myriam des sanglots dans la voix.
Car ce n'est pas le seul symptôme, des douleurs au dos insupportables l'obligent à porter un corset : "Au niveau du dos, j’ai tout fait aussi, j’ai essayé la kinésithérapie, des dizaines d’heures, j’ai porté des semelles, j’ai porté un corset pendant plus de six mois..."
Mais rien n'y fait, une fois le corset enlevé, les douleurs sont toujours là : "J'ai passé les 11 dernières années à courir les médecins pour trouver des solutions. Je suis tellement en colère contre les médecins qui ont nié tout ce que je vivais, qui ont nié mes douleurs, qui ont tout fait pour que je ne relie pas mes bandelettes à tous mes problèmes. "
"Balance ta bandelette"
Mais en décembre dernier, elle s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule à souffrir. Avec sa fille, elles tombent sur le site "Balance ta bandelette", une association lancée par des femmes qui souffrent elles aussi après la pose de bandelettes. Myriam y lit des centaines de témoignages, de femmes qui, comme elle, vivent un enfer.
Certaines ont même déposé plainte : "Les bras m’en sont tombés... Il y a des femmes qui n'ont plus de vie. Moi, je n’en suis pas à ce point, j’espère que je n’en arriverai pas là. J’ai lu les témoignages de femmes qui sont handicapées, dans des fauteuils roulants, qui sont dans des lits, qui ne peuvent plus travailler, qui ont des douleurs insoutenables ou qui sont sous morphine du matin au soir et la morphine ne les soulage même plus."
Après des années d’errance médicale, Myriam retrouve un peu d’espoir grâce à ce site : "C’était un soulagement de lire que je n’étais pas seule, que je n’étais pas folle, qu’on ne m’avait pas écoutée et que pourtant, j’avais raison."
L'espoir d'une opération aux Etats-Unis
Après des heures à échanger avec ces femmes, Myriam demande à ce qu’on lui fasse une échographie translabiale : "Elle a montré que ma bandelette n’est pas placée au bon endroit et qu'elle est toute enroulée sur elle-même. Est-ce qu’elle a été posée comme ça ? Est-ce qu’elle a bougé ? Je n’en sais rien, mais en tout cas ce qui est sûr et certain, c’est qu’aujourd’hui, je ne peux plus uriner."
Désormais, Myriam a qu’une seule chose en tête : qu’on lui retire ces trois bandelettes. À l’automne prochain, elle va se rendre aux Etats-Unis pour subir cette opération coûteuse dont elle attend beaucoup, car pour l’instant en France, l’opération n’est que très peu réalisée : "J’espère évidemment qu’après tout ça, si je n’ai plus l’urètre bloqué, je retrouve une hygiène urologique correcte. Je peux espérer que tous mes organes ne pendront plus. Je garde cet espoir."
Aujourd’hui, en France, comme Myriam, des centaines de femmes sont victimes d’effets secondaires. Elles souhaitent dénoncer ces douleurs et ces souffrances liées à la pose de ces bandelettes. Elles se sont réunies pour mener une action en justice.
Selon le site "Balance ta bandelette", elles seraient près de 113 à avoir déposé plainte pour tromperie et blessure volontaire.
"300 000 femmes ont bénéficié de cette chirurgie"
Face à ces situations, le docteur Caroline Thuillier, chirurgien urologue au CHU de Grenoble, assure que la méthode des bandelettes a montré son efficacité dans de nombreuses études : "Il y a eu plus de 300 000 femmes qui ont bénéficié de cette chirurgie qui a révolutionné l’incontinence urinaire dans certaines situations. Les bandelettes synthétiques depuis une vingtaine d’années qu’elles existent ont fait l’objet d’un suivi et de publication, donc aujourd’hui, on a vraiment des données scientifiques solides."
La médecin ne nie pas les complications, mais elle souligne qu'elles sont largement minoritaires dans le rapport bénéfice-risque : "En médecine, on se base sur des données de la littérature scientifique qui est arrivée assez rapidement après les premières années de pose et il y a un certain nombre de douleurs obturatrices qui ont été notées dans la littérature, mais encore une fois dans des proportions qui sont très faibles et finalement les médecins ont pu apporter un soin au patient ", conclut l'urologue.
Depuis 2020, une réglementation encadre la pratique et la pose de ces bandelettes sous-urétrales, elle prévoit notamment une information précise sur les risques de complication et la réalisation d’un bilan médical complet antérieur à la pose.