La vente de tous les magasins Casino est confirmée. Reçue à Bercy par Bruno Le Maire ce mercredi 13 décembre, l'intersyndicale en a obtenu confirmation. Pour plus de précisions, il faudra attendre le 11 janvier. Mais déjà, la situation rappelle un autre traumatisme social qui a marqué les Stéphanois : la disparition de Manufrance dans les années 70 et 80.
L'intersyndicale de Casino a été reçue mercredi 13 décembre dans la matinée par Bruno Le Maire au ministère de l’Économie. L'entretien a duré 45 minutes. Les représentants des salariés du groupe Casino étaient venus alerter à nouveau le gouvernement sur la situation de cette enseigne. À la sortie de sa réunion avec Bercy, elle a expliqué s'opposer "fermement au démantèlement du groupe à travers la disparition de l'enseigne Casino". Les salariés ne veulent pas voir disparaître un autre fleuron de la ville de Saint-Etienne.
"Vigilant sur l'emploi"
Le ministre de l'Économie a redit "suivre de près" la situation du groupe en péril Casino, au sortir de ce rendez-vous avec les représentants du personnel et à quelques jours d'une mobilisation à Saint-Etienne. Face à ces inquiétudes, Bruno Le Maire a répété, comme en juillet, que les salariés n'avaient pas à payer "les erreurs stratégiques commises depuis plusieurs années" par la direction de Casino. Le groupe est aujourd'hui très lourdement endetté. Le chiffre officiel est de plus de 6 milliards d'euros de dette fin 2022.
Interrogé sur la situation du groupe, Bruno Le Maire a déclaré : "nous veillerons au maintien du siège à Saint-Etienne", lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat. Le ministre de l'Économie entend également peser pour "s'assurer qu'avec le reste de la grande distribution française" possiblement candidate au rachat de magasins, "l'ensemble des salariés puissent trouver une solution", a-t-il déclaré en réponse à une question du sénateur de la Loire Pierre-Jean Rochette.
Le sénateur de la Loire Pierre-Jean Rochette (LIRT) arborait une cravate verte, couleur de l'AS Saint-Etienne et du groupe Casino, pour interpeller le ministre de l'Économie lors des questions au gouvernement au Sénat.
"Je suis au côté des salariés, j'ai reçu ce matin l'intersyndicale (...), je continuerai à la recevoir, et je suis là pour défendre les intérêts des salariés et garantir le respect de l'ordre public et économique", a assuré Bruno Le Maire.
L'un des porte-paroles de l'intersyndicale, Jean Pastor, a expliqué ce mercredi à l'AFP que le ministre avait promis que "l'examen des offres de reprise serait réalisé sous l'angle social". Mais "on ne peut pas croire qu'il n'y aura pas de perte d'emploi", a-t-il ajouté.
Sinistre écho venu du passé
Au sein de ce mastodonte de la distribution né il y a 125 ans à Saint-Etienne, on redoute donc une lourde casse sociale. Pour les Stéphanois, la situation de Casino rappelle très mauvais souvenirs : ceux de la fin de Manufrance. La Manufacture française d'armes et cycles de Saint-Étienne, créée en 1887, était une autre entreprise emblématique de Saint-Etienne.
"Quand on disait que ça pouvait être un nouveau Manufrance, la direction depuis plusieurs années est dans le déni complet, elle se veut systématiquement rassurante. Mais tous les éléments factuels démontrent que la situation est extrêmement critique, que tous les magasins risquent d'être vendus début 2024", a indiqué Bernard Touminet, représentant syndical CFDT Casino, lors de la grande manifestation stéphanoise du 5 décembre dernier. Une manifestation historique pour le groupe Casino et qui a rassemblé plus d'un millier de personnes.
À Saint-Etienne, au siège du groupe de grande distribution, une majorité des 2000 salariés ne travaillent que pour les magasins, hyper et supermarchés. Selon les syndicats, ces emplois seraient menacés en cas de cession de l'ensemble du parc de magasins grands formats par Casino.
Si on n'a plus de magasins, on peut être amené à fermer du jour au lendemain, comme ça s'était passé pour Manufrance. Jusqu'au dernier moment, on avait fait croire aux salariés qu'il y avait un espoir de reprise"
Guillaume Touminetreprésentant syndical CFDT Casino
La Loire pourrait perdre les 4000 emplois du siège, de la logistique et de certains magasins. Un sinistre écho aux 4000 emplois perdus chez Manufrance, il y a quelques décennies.
Démantèlement
Les salariés de Manufrance étaient, eux aussi, montés à Paris, en septembre 1980, pour alerter et trouver le soutien des pouvoirs publics. En vain.
"On téléphone à l'intersyndicale en disant : finalement, vous serez reçus par le chef de cabinet de Monsieur Monory, le ministre de l'Industrie. Et les voila partis à Paris. Il y a une manifestation. Ils sont très bien accueillis par les Parisiens. Ça leur permet aussi d'alerter l'opinion publique. Ils vont être reçus par ce chef de cabinet très au fait du dossier et peut essayer de trouver des solutions avec eux”, raconte Nadine Saura, responsable collecte et classement aux Archives Départementales de la Loire.
L'entreprise Manufrance finira finalement vendue à la découpe et démantelée. C'est le sort que craignent aujourd’hui les salariés du groupe Casino, à qui la vente de tous les magasins et des entrepôts a été confirmée par le ministre de l'Économie ce mercredi matin.
Nouvelle mobilisation
Les salariés sont toutefois bien déterminés à se battre. L'intersyndicale du groupe a lancé un nouvel appel à manifester dimanche matin, 17 décembre, à Saint-Etienne "face à la menace de disparition d'emplois". Tous les Stéphanois sont conviés à défiler pour tenter de sauver l’autre fleuron centenaire de Saint-Etienne, fondé par Geoffroy Guichard en 1898. Le groupe de distribution vieux de 125 ans, qui employait 200 000 personnes dans le monde fin 2022, dont 50 000 en France, est aujourd'hui dans une situation financière très périlleuse.