Depuis près de 40 ans, l'Auvergne espère un TGV, mais aucun des projets envisagés ne s'est jamais réalisé. Les trains "classiques", jamais remplacés, vont encore devoir assurer le service pendant plusieurs années ...
Entre Clermont-Ferrand et Paris, les trains sont célèbres pour leurs retards et plus encore pour la durée de ceux-ci. Plus d’une centaine a dépassé une heure en 2023 et près d’une trentaine les trois heures, sans parler des 19 heures de périple qu’ont subi les passagers en juin dernier.
Les retards du Clermont-Paris, dans la presse, c’est ce qu’on appelle “un marronnier”. Un événement qui revient régulièrement. L’âge des Intercités qui relient ces deux villes (35 ans pour les locomotives, près de 50 ans pour les voitures passagers) n’y est sans doute pas pour rien…
Le TGV Auvergne, une très vieille idée
Cela fait longtemps que les Auvergnats espèrent pouvoir voyager dans des trains plus modernes, très longtemps… Dès les années 80, Clermont caressait l’idée d’un TGV.
En septembre 1982, une belle rame orange a même fait le déplacement dans la capitale auvergnate pour se faire baptiser de son nom. Le maire d’alors, Roger Quilliot, visite la cabine. Il ne le sait pas encore, mais il n’aura plus jamais l’occasion de voir cette belle machine dans sa ville.
Valéry Giscard d’Estaing et l'hypothèse Montchanin
L’un des premiers à pousser pour un TGV auvergnat s’appelle Valéry Giscard d’Estaing. L’ancien président de la République, alors président de région, appelait de ses vœux la construction d’une voie à grande vitesse entre la capitale auvergnate et Montchanin, en Saône-et-Loire, qui aurait permis de se connecter à la ligne TGV sud-est, entre Paris et Lyon. A la fin des années 80, la région s’engage même à financer des études pour près de 3 millions de francs. Le reportage d’époque évoque alors l’année 1993 pour une potentielle mise en service.
1993, c’est optimiste, même pour Valéry Giscard d’Estaing qui demande en 1989 que la construction puisse être engagée à la fin de la décennie qui suit. En 1990, lorsque le Conseil Régional renouvelle son vœu, on évoque alors l’année 1998.
Mais le tracé via Montchanin ne fait pas l’unanimité chez les élus. Certains, dans le bassin montluçonnais notamment, estiment qu’il oublie des territoires, en particulier les bassins de Montluçon et de Moulins. "La ligne TGV Clermont Montchanin est une ligne qui ne sert pas l’Auvergne. Elle la dessert" tacle Pierre Goldberg, maire de Montluçon en 1990. Il soutient alors un projet alternatif baptisé “Centre Auvergne Catalogne” qui desservirait Clermont via Bourges, Montluçon et qui se prolongerait jusqu’à Barcelone. D’autres cherchent des solutions alternatives et moins coûteuses, comme celle d’un train pendulaire.
Espoirs et déceptions
En 1991, le TGV s’éloigne encore. Cette année-là, le schéma directeur des lignes à grandes vitesses prévoit toujours la construction de la ligne mais aucune date n’est plus fixée.
En 1995, l’arrivée au pouvoir de Jacques Chriac redonne de l’espoir à Valéry Giscard d’Estaing, qui estime alors que l'absence de TGV est une punition du pouvoir socialiste envers une région de droite. Les premiers signes sont encourageants. Quelques semaines après sa nomination, le premier ministre Alain Juppé annonce la désignation d’une personnalité pour préparer le projet. La confiance renaît. Mais les années passent et rien ne se concrétise.
En décembre 2003, le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) n’est pas très rassurant pour les Auvergnats. Jean-Pierre Raffarin, qui le préside alors, annonce 8 projets de ligne à grande vitesse. Clermont - Paris n’y figure pas.
La tentative de transversale Alpes - Auvergne - Atlantique
En 2004, Valéry Giscard d’Estaing perd les élections régionales et la région change de bord politique. Son remplaçant, le socialiste Pierre-Joël Bonté, n’est pas convaincu par le projet de son prédécesseur. En 2005, le Conseil économique et social régional lui donne raison en réclamant l’abandon du projet via Montchanin, trop coûteux (1,4 milliard d’euros) et peu compatible avec la saturation programmée de la ligne Paris Lyon Marseille.
Une autre proposition est alors mise sur la table : une transversale Alpes - Auvergne - Atlantique (Bordeaux - Lyon via Limoges et Clermont Ferrand) qui, selon le CESR, présente un intérêt européen et qui aurait l’avantage d’être soutenue par plusieurs régions françaises. Mais là encore, la question principale, celle des financements, n’est pas réglée et le projet reste dans les cartons.
Le projet POCL (Paris - Orléans - Clermont - Lyon)
En 2007, une nouvelle idée émerge : celle d’une ligne Paris - Lyon qui passerait par l’Auvergne. En plus de desservir le centre de la France, elle permettrait de doubler la ligne existante dont la saturation est évoquée à moyen terme.
En octobre de cette même année, Brice Hortefeux, qui envisage alors une candidature aux élections municipales à Clermont-Ferrand, annonce avec Dominique Bussereau, alors secrétaire d’Etat aux Transports une étude de faisabilité. Le tracé proposé passerait par Orléans, Bourges, et Clermont-Ferrand avant de rejoindre Lyon. La capitale auvergnate serait à 2 heures de Paris et à 55 minutes de Lyon.
2007, c’est aussi l’année du Grenelle de l’environnement, lancé par Nicolas Sarkozy. Ces rencontres politiques débouchent sur un plan ambitieux qui prévoit la construction de 2000 km de ligne à grande vitesse d’ici 2020. Clermont, qui n’est pas dans la liste au départ, finit par obtenir l’inscription de son TGV dans la loi en 2009 mais le texte classe la ligne dans la liste des projets secondaires, à réaliser après 2020.
Même l'alternance au sommet de l'Etat ne semble plus pouvoir arrêter le TGV auvergnat. Début 2012, François Hollande est en campagne. Devant les milliers de Clermontois réunis pour l’écouter sur la place de Jaude : il promet : "Je sais ici ce que vous attendez, une ligne TGV ! Vous l'aurez parce que ça fait partie de ce que nous devons faire pour des régions comme les nôtres !"
Mais toutes ces promesses ne vont aboutir qu'à de nouvelles désillusions.
Un TGV qui s'éloigne
Entre 2011 et 2015, une série de consultations du public a lieu. On débat sur les tracés. Le choix médian, direct, est majoritaire, avec le soutien des régions Rhône-Alpes, Bourgogne et Auvergne mais la région Centre, Montluçon et Bourges poussent pour un tracé ouest qui permettrait leur desserte.
Mais alors que les collectivités se divisent sur le chemin à prendre, la perspective de la LGV elle-même s’éloigne encore un peu. En 2013, le rapport de la commission "Mobilité 21" préconise une sortie du tout-TGV et conseille de ne pas donner la priorité à la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon. La commission estime que “les conditions ne devraient pas permettre de justifier l’engagement des travaux avant 2030.” Le coût, alors estimé entre 12 et 15 milliards d’euros est jugé prohibitif par rapport aux bénéfices apportés.
Dès lors, le TGV auvergnat a du plomb dans l’aile et ça ne s'arrange pas par la suite. Le 1er février, le Conseil d'Orientation des Infrastructures préconise l’abandon du projet avec éventuel réexamen en 2028. Aujourd'hui, le dossier est gelé et le TGV clermontois n’est plus à l’horizon.
Les voitures Corail en attendant Oxygène...
En attendant, les Auvergnats doivent faire avec les voitures Corail en service depuis les années 70 et maintes fois rénovées. En attendant les nouveaux trains "Oxygène" qui doivent les remplacer, elles vont devoir assurer le service pendant plusieurs années, en un peu plus de trois heures. Elles devraient même jouer les prolongations puisque les nouvelles rames sont elles aussi en retard. Annoncées en 2023, puis 2025, elles ne devraient pas pointer le bout de leur capot en Auvergne avant 2027 …
Où va le train en Auvergne-Rhône-Alpes : c'est le thème du magazine Enquêtes de Région à retrouver sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. À voir ce mercredi 1er mai à 23h00 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, et, à tout moment, en REPLAY sur france.tv
Présentation : Julien Le Coq - Rédaction en chef : Laurent Mazurier