En 2018, le couperet tombe et la vie de Soline bascule : elle est atteinte d’un cancer du sein. Pour cette maman de 2 enfants, c’est la sidération. Aujourd’hui en rémission, elle nous parle de son combat face à la maladie.
Soline Bonhomme a 41 ans. Elle est mariée, a 2 enfants et travaille à l’Université d'Auvergne à Clermont-Ferrand. Le 10 juillet 2018, sa vie bascule. Elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein : “Quelques mois avant, en me douchant, j'avais senti une boule, dans mon sein droit, sur le côté externe du sein, sur le bombé du sein. J'avais senti cette masse dure dans mon sein.“ Elle décide de réagir immédiatement, au vu de ses antécédents familiaux : “Ma sœur a eu ce cancer-là 2 ans avant. J'ai pris rendez-vous chez ma gynécologue. Elle ne m'a pas prescrit tout de suite d'échographie et de mammographie parce qu’elle pensait qu’il n’y avait pas à s’inquiéter. Mon mari est médecin et, un peu inquiet au vu de mes antécédents familiaux, il a demandé un 2ème avis, celui d’une amie gynécologue. Sandrine, mon amie, m'a prescrit une mammo-écho. C’était tout début juillet. Ensuite, c’est allé très vite. La radiologue a fait tout de suite une biopsie parce qu'elle a vu quelque chose qui n'était pas net.”
"J'étais en état de sidération, en larmes"
Même si le cancer n'était pas encore confirmé, Soline comprend alors que sa vie est en train de basculer : “C'était la sidération au début. Je me revois au Pôle Santé République. J’étais toute seule parce que dans ma tête, j’y allais pour un examen de contrôle. Je ne pensais vraiment pas avoir quelque chose. Quand la radiologue m'a fait passer la biopsie, elle était embêtée, elle m'a dit de revenir pour les résultats à n'importe quelle heure la semaine suivante. J’ai bien senti qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. J'ai appelé mon mari en pleurs. J'étais en état de sidération, en larmes. J’étais choquée, avec la sensation que cela s'abattait sur moi et en me disant que ce n'est pas possible.” S’ensuit alors quelques jours d’attente, insupportable : “Ce qui a été très dur à vivre pour moi, au-delà de la biopsie que j'ai passée, c'est l'attente du résultat. Qu'est-ce qui va me tomber dessus ? L'attente a été très longue. C'est mon mari qui me l'a annoncé lui-même, ça a été aussi un coup. Quand je vous en reparle, ça m'émeut. Après, une fois que j'ai eu l'annonce, j'étais quasiment soulagée de savoir ce que j’avais. Comme ma sœur avait eu à peu près le même cancer, et que je l'avais accompagnée pour quelques-unes de ses chimios, quelque part, je ne partais pas à l'inconnu. En plus sa chimio s'était plutôt bien passée. Il n'y avait pas eu de gros effets secondaires. Ça s'était plutôt bien passé, dans les limites de comment peut bien se passer un cancer.”
Un traitement long
Pas de temps à perdre face à la maladie. Quelques jours après, Soline rentre en salle d'opération : “J'ai été opérée de ce qu'on appelle une tumorectomie. Ils ont pu opérer la tumeur. J'ai eu la chance de conserver mon sein. Dès qu’on m'a détecté le cancer, j’ai été opérée une semaine après.” Avec un cancer de grade 3, Soline attaque un traitement avec 4 séances de chimiothérapie, “avec un produit qui fait perdre les cheveux”. Elle perd également ses cils et ses sourcils. Les séances sont espacées de 3 semaines. Au terme de ces 4 premières séances, la chimiothérapie continue avec un second produit, “celui qui peut abîmer un peu les terminaisons nerveuses, donc on nous met des poches réfrigérées aux chevilles et aux poignets pour éviter d’abîmer les ongles". Soline a fait, au total, 16 séances de chimiothérapie. “ Ce qui a été dur pour moi, ça a été de perdre mes cils et mes sourcils. C'est là qu'on se rend compte qu’on a une tête de malade et ça je ne voulais pas. Je voulais rester digne. Je ne supporte pas d'être en état de victime et que les gens puissent compatir. Dans la rue, malgré les foulards, les jolies boucles d'oreilles, le maquillage, on voit les regards des gens. Ça vous renvoie le fait que vous avez quand même une mine de quelqu'un qui est malade. C'est ça qui a été le plus dur pour moi.”
La rémission
Malgré des effets secondaires, le traitement fonctionne bien, se souvient Soline. "Certaines odeurs étaient compliquées. Sur les 4 premières séances, c'était les odeurs de nourriture, de viande, qui me dégoûtaient. Puis il y a eu les odeurs de certains produits ménagers. Je n’ai pas perdu l'appétit. C'est vraiment une chance”. Au terme de 6 mois de chimiothérapie, Soline attaque des rayons, “dans mon cas, 25 séances de rayon et 6 mois environ de traitement en plus avec la radiothérapie.” Après plus d’un an de combat, Soline est en train de gagner sa guerre contre le cancer : “Ça a été la fin du traitement médicamenteux. J’ai eu des bons résultats. Je touche du bois, je suis en rémission. J'ai un suivi tous les 6 mois avec l'oncologue, la radiothérapeute et le chirurgien. J'ai une prise de sang à faire qui permet au médecin de voir si certains marqueurs sont dans la norme. Au-delà de ça, j'ai également une IRM par an ainsi qu’une écho et une mammo, ça sera, je pense, à vie.”
"Vous avez une épée de Damoclès au-dessus de la tête"
Soline Bonhomme, en rémission après un cancer du sein
Après la fin de ces traitements, un nouveau combat commence pour Soline, qui fait face à un violent sentiment de solitude. "C'est compliqué d'expliquer ce qu'on ressent à quelqu'un qui ne vit pas la même chose que vous. Quand on est dans la phase de traitement, on est un peu comme à la guerre. On est en guerre contre la maladie. Vous partez au combat. On est dans la lutte. Il y a des moments difficiles dans l'après cancer. Quand vous êtes dans le combat, vous êtes dans le combat. Après, il y a les soins de support, c'est hyper important. J'ai beaucoup fait de soins de support. J'ai essayé de m'occuper de moi au maximum pour tenir le coup. Ce qui a été difficile pour moi, c'est de me sentir plus seule et isolée après les traitements. Vous avez une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ce n'est pas l'histoire de parler de choses qui fâchent, mais vous savez que sur ces cancers-là, en tous les cas le mien, la récidive est possible donc vous ne videz pas tous les tiroirs dans votre tête”.
"Je ne m'en fais pas pour grand-chose, il n’y a plus grand chose qui me fait peur"
La pandémie qui arrive ensuite n’arrange rien, Soline ne peut alors plus continuer à travailler. “En longue maladie, il y a des gens qui continuent de bosser, mais ce n'est pas possible pour tout le monde. Il faut tenir le coup. J'avais un contrat avec la mairie de Clermont et j'allais dans les écoles, m'occuper d'enfants sur les temps périscolaires. Avec le COVID, je me suis retrouvée sans boulot. Quand je parle d'isolement, c'est vraiment à ce moment-là que je l'ai senti. Il me restait un bout de lien social où je pouvais me sentir utile. Mais sans celui-ci, c’était un peu dur moralement et nerveusement.” Alors, avec une amie rencontrée en chimiothérapie, Soline se plonge dans l’écriture d’un livre : “Moi, j'ai toujours voulu écrire. J'ai écrit un bouquin. Je n'aurais pas eu le cancer, je n'aurais pas écrit. Ça peut être une chance. C'est à double tranchant car ça pousse à adopter une autre philosophie de vie. On se dit : “Mais qu'est-ce qu'on risque ?” Cela peut permettre aux gens de découvrir des talents cachés, de faire des choses qu'ils n'auraient jamais osé faire. On se demande où est le sens de sa vie, et si je meurs dans 6 mois, qu'est-ce que j'ai envie de faire ? C'est un accélérateur de vie. Je suis du genre à beaucoup relativiser, mais là je suis passée à un stade au-dessus. Je ne m'en fais pas pour grand-chose, il n’y a plus grand chose qui me fait peur. Le message que j’aimerais faire passer c’est que la vie a ses merveilles, il faut être content de vivre.”
Elle nuance : "J'ai la chance d'avoir un contexte matériel favorable. Je n'ai pas de souci financier. Il y a des gens qui cumulent maladie et situation financière précaire. Et ça, c'est encore autre chose. On est dans une autre dimension."
S'écouter et prendre soin de soi
Soline conseille également à toutes les femmes traversant la même épreuve qu’elle de “Ne pas s'oublier et se faire passer au premier plan, ce n'est pas devenir égoïste. J’en ai discuté beaucoup avec des femmes qui avaient le même discours que moi et qui disaient, “Moi, j'ai toujours été là pour les autres” Mais quand on traverse ça, il faut s'aider soi-même. Il faut essayer autant que faire se peut, d'aller bien et faire tout ce qui peut nous faire du bien.” Elle explique : “Je suis aussi sophrologue. Quand on a diagnostiqué le cancer, j'étais bien armée pour m'occuper au mieux de moi, de ma respiration. J'avais des cartes en main, même si ça a été compliqué.”
Désormais, Soline croque la vie à pleines dents : boxe, cuisine, écriture, chant... Pour elle, les femmes atteintes du même cancer doivent se faire plaisir et prendre soin d’elles : “Pendant le cancer, il ne faut pas oublier sa féminité et se faire encore plus jolie pour surmonter tout ça, ne pas s'oublier en tant que femme pendant le traitement et après le traitement. Il faut être fier de qui on est et marcher la tête haute dans la rue. On n’est pas obligé de se maquiller mais il faut continuer à prendre soin de soi, c'est hyper important. Et aussi ne pas hésiter d'user des soins de support qui peuvent être proposés parce que c'est une grande aide. Ça permet de discuter avec des gens qui ont une très bonne écoute. Je pense par exemple à un socio esthéticien qui s'occupait de moi. Il ne faut pas hésiter à parler à un psychologue et prendre soin de sa santé mentale.”
"A la moindre anomalie, quelque chose qui nous semble un peu dur par exemple, on va consulter"
Elle recommande également de faire preuve d’une grande attention et de ne pas négliger l’autopalpation : “Il faut se palper sous la douche. Ce n'est pas compliqué, il y a plein de tutos qui sont très bien sur internet. Il faut faire tout le tour du sein, aller sous les aisselles... Moi, si je ne m'étais pas touché le sein, si je ne l’avais pas senti, la tumeur aurait continué à grossir et ça n’aurait pas été la même limonade. Alors, à la moindre anomalie, quelque chose qui nous semble un peu dur par exemple, on va consulter. Il vaut mieux y aller pour rien que d'y aller trop tard”. Malgré sa positivité, Soline garde un œil sur sa maladie : "Dans le cadre de mon cancer, les médecins se positionnent favorablement après 5 ans, 5 ans, ça passe vite, mais ce n'est pas rien non plus. J’ai 2 enfants qui ont 8 et 11 ans. Quand j'ai eu le cancer, ils étaient petits. La première réaction de maman que j'ai eue, c'est que je me suis dit “J’espère que je vais voir grandir mes enfants”. Ça aide parce qu'on se bat pour eux, d'un autre côté, on se dit “Si je pars, ils vivront sans moi”. Alors, Soline croque la vie, et pour elle, “chaque jour qui passe est un bonus.”