Si vivre avec un conjoint maltraitant est difficilement supportable, cela peut devenir un enfer pendant le confinement imposé par l’épidémie de coronavirus. A Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) six femmes ont déjà pris la fuite depuis le 17 mars. Voici le témoignage de l’une d’elle.
Pendant le confinement imposé par l'épidémie de coronavirus, vivre avec un conjoint violent devient plus insupportable que jamais. Depuis le 17 mars, six femmes victimes de maltraitance à Clermont-Ferrand ont fui leur domicile pour se réfugier dans un logement mis à leur disposition par l'association Ce-Cler, un chiffre beaucoup plus élevé qu'en temps normal. L'un d'elle, Viviane (*) a accepté de témoigner.
« Je suis partie parce que ça n’allait plus… Avant le confinement, avec mon mari on se prenait souvent la tête mais je prenais sur moi. Mais là ce n’était plus supportable ».
C’était le 10 avril, après plus de trois semaines de confinement, Viviane, une jeune maman de 35 ans, a décidé de partir, de quitter celui avec qui elle vivait depuis 15 ans et avec qui elle a eu ses deux petites filles.
« Ce jour-là, il avait bu, raconte-t-elle. Il a eu des propos très durs et très violents envers moi et mes filles… ça a été le déclic. Ses propos m’ont fait mal, surtout parce qu’il s’en est pris aussi aux enfants… Ca m’a aussi fait mal car cela faisait quand même 15 ans que nous étions ensemble. Le pire c’est que lendemain, il ne se rappelait même plus de ce qu’il avait dit… »
L’humiliation de trop
Ce jour-là pour Viviane, c’est l’humiliation de trop, même si son mari n’aurait jamais été physiquement violent. « Il ne nous a jamais frappées mais malgré tout je ne pouvais plus rester. Car les mots blessent aussi. J’étais déjà partie deux fois auparavant et j’avais fini par revenir. J’ai été trop bonne… Il m’avait dit qu’il changerait mais ça n’a jamais été le cas. Pourtant je l’avais prévenu… si je devais partir une troisième fois ce serait la dernière, je ne reviendrai plus ».Alors ce jour-là, c’est plus résolue que jamais que Viviane a pris son téléphone. « J’ai appelé quelqu’un de ma famille qui a vécu la même chose pour avoir des conseils, car j’étais déterminée à partir. Cette personne ne pouvait pas m’héberger et elle m’a dit de me faire aider ».
Suivant ces conseils, Viviane, par l'intermédiaire du 115, entre alors en contact avec l’association Cecler, une association d’insertion dont l’une des missions est l’hébergement d’urgence. « Quand j’ai eu l’association au téléphone, ils m’ont dit qu’ils me tiendraient au courant… et j’ai eu de la chance car ils m’ont rappelée le jour même pour me dire qu’il y avait une place pour nous ».
"Mes filles comprennent
mais c'est dur pour elles "
S’en est alors suivi le départ. « Quand je suis partie, il m’a laissé récupérer mes affaires et m’a donné de l’argent pour que l’on puisse manger… ça m’a touchée malgré tout. Il était en pleurs, il a compris qu’il avait été trop loin. Je sais que dans son entourage, beaucoup de monde a essayé de lui parler, de le raisonner pour lui faire comprendre que c’était pas bien. Ce qui me rassure c’est que pour l’instant il est retourné chez ses parents. Mais même si je sais qu’il regrette, c’est trop tard ».Depuis, Viviane et ses deux petites filles sont installées dans un des logements mis à sa disposition par CeCler.
« Mes filles comprennent, poursuit la jeune maman, mais c’est dur pour elles… Une colocataire de la résidence m’aide car pour moi aussi c’est difficile à gérer. Elle parle beaucoup avec les petites notamment pour leur expliquer que leur père ne peut pas parler comme ça à leur maman . Je suis toujours en contact avec lui, j’essaie de lui parler, pour mes filles, car il reste leur père malgré tout. Et il m’a dit qu’il serait toujours là pour elles… »
"Pendant le confinement
on ne peut les orienter nulle part"
Dans sa résidence, Viviane bénéficie chaque jour de petits-déjeuners et de colis pour les repas, fournis par CeCler. Elle peut aussi compter sur le soutien de travailleurs sociaux, notamment pour ses démarches, même si, comme le souligne Fatima, « c’est très compliqué d’aider ces femmes pendant le confinement car tout est à l’arrêt et on ne peut les orienter nulle part ».
Aujourd’hui pour Viviane, qui n’a pour vivre que le RSA, il s’agit maintenant de se tourner vers l’avenir. « Les choses vont se mettre en place... J’ai regardé au niveau de la CAF, comme je me retrouve seule je vais toucher un peu plus. J’ai aussi commencé à regarder des appartements mais c’est pas évident, surtout avec le confinement. C’est pareil pour le travail ».
Malgré tout, Viviane garde un espoir : celui de reconstruire sa vie loin de son mari pour offrir une vie meilleure à ses deux petites filles.
(*) Prénom modifié
Victimes de violences conjugales, que faire?
Si vous êtes victimes de violences conjugales et que vous êtes en danger, il vous faut contacter le 17, numéro d’urgence qui permet de joindre à tout moment les services de Gendarmerie ou de Police. Ce numéro est gratuit et accessible 24h24 et 7j/7.Pour celles qui ne peuvent pas sortir téléphoner ni faire de bruit, le ministère de l'Intérieur a également ouvert, depuis le 1er avril, un nouveau dispositif d'aide aux victimes qui permet de donner l'alerte via un SMS envoyé au 114.
Si vous souhaitez quitter votre domicile mais que vous ne savez pas où aller, il vous faut appeler le 115, numéro de la plate-forme de premier accueil qui se chargera de contacter les structures d'accueil pour vous trouver une solution.
Enfin si vous avez besoin d’un soutien immédiat et de parler de votre situation, c'est le 3919 qu'il faut composer, le numéro mis en place à l’intention des victimes, mais aussi les témoins de violences.