CARTE. Polluants éternels : explorez les zones contaminées par les PFAS au sud de Lyon après publication de nouvelles analyses

Un sol 80 fois plus pollué que la valeur témoin au stade du Brotillon, à Pierre-Bénite. Un air 10 fois plus pollué à la gare d'Oullins et des teneurs dans les carottes 158 fois au dessus du seuil d'alerte européen. Les résultats des analyses officielles de PFAS au sud de Lyon sont enfin publiés. Explorez notre carte interactive.

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Un an. Cela fait presque un an que les habitants du sud de Lyon entendent parler des PFAS, ces "polluants éternels", qui sont à la fois mutagènes, reprotoxiques et parfois même cancérogènes. L'été dernier, après la révélation du scandale sanitaire par les journalistes de l'émission "Vert de rage", la préfecture avait promis une vaste étude de l'environnement. Depuis, les résultats tombent au compte-gouttes (d'abord dans l'eau, les poissons, les œufs, puis les légumes) provoquant la confusion et la consternation des habitants.

Aujourd'hui, la Direction de l'environnement, la DREAL publie enfin les résultats de ses prélèvements dans l'air, dans le sol et dans les végétaux. Après des mois d'attente, le tableau est enfin complet. Rassurant pour certains, inquiétant pour d'autres. Presque un an après la découverte de cette pollution, il est donc temps de faire un état des lieux. Nous avons résumé et compilé les résultats dans une carte interactive.

 Pour plus de lisibilité, tous les résultats ont été convertis en nanogrammes par litre ou par kilo. Nous n'avons gardé que ceux qui nous paraissaient inquiétants ou qui dépassaient certains seuils. L'intégralité des résultats est désormais disponible sur le site de la DREAL.

Autour de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite, les PFAS sont partout. Et partout, ils dépassent les valeurs témoins, les seuils et les niveaux d'alerte. L'endroit est l'épicentre d'une pollution qui pourrait également être responsable de la contamination de l'eau potable d'au moins 120 communes, bien plus au sud de l'agglomération lyonnaise. En l'état actuel des connaissances sur les PFAS (et surtout parce que ces molécules sont encore loin d'être recherchées partout) Pierre-Bénite est l'endroit le plus pollué de France.

Dans les sols

Il n'existe aujourd'hui en France aucune réglementation concernant la présence des PFAS dans les sols. C'est un argument que les pouvoirs publics sont enclins à utiliser. Autre élément de langage : "l'imprégnation est globale", comprendre : des PFAS, on en trouve partout. C'est malheureusement exact.

Il est donc difficile de caractériser l'importance de la pollution sud-lyonnaise en se basant uniquement sur des chiffres bruts. Pour avoir de quoi les comparer, la DREAL a donc réalisé des "prélèvements témoins", au nord de Lyon notamment, et établi une moyenne de contamination (8000 ng/kg pour la somme de 22 PFAS).

Pour se rendre compte de l'ampleur de la pollution à Pierre-Bénite, un premier exercice consiste donc à faire des divisions. Par exemple, sur le stade du Brotillon, situé juste à côté de la plateforme industrielle et fermé pendant quelques jours au mois de mai 2022, on trouve des teneurs en PFAS jusqu'à 80 fois supérieures à celles de la moyenne témoin (642000 ng/kg). Parmi les molécules les plus présentes, le PFNA et le PFUndA, perfluorés utilisés par l'industriel Arkema jusqu'en 2016.

Dans le parc Trassarioux, les teneurs sont 8 fois plus élevées. Dans les jardins partagés de la rue Brotillon, dans la rue Docteur Roux et au parc Manillier, elles sont jusqu'à 5 fois plus élevées. Plus on s'éloigne, plus logiquement, les teneurs diminuent. Mais, même à Irigny, commune voisine, on trouve 33000 ng/kg de PFAS dans le sol d'une école, c'est-à-dire plus de 4 fois au dessus de la valeur témoin.

Deuxième exercice, chercher une norme, un seuil ou une valeur de référence appliquée dans un pays voisin. Le Danemark, par exemple, a déjà planché sur le sujet. Depuis juillet 2021, une valeur guide (1000 ng/kg pour PFOA+PFOS+PFHxS+PFNA) permet de " garantir que les utilisations des terres à accès libre pour des utilisations sensibles sont sans danger pour la santé, par exemple les jardins privés, les jardins d'enfants et les terrains de jeu ." Nouveau calcul : au stade du Brotillon, où les enfants de Pierre-Bénite jouent tous les jours, nous sommes donc 14 fois au dessus. Mais également 51 fois au dessus de la norme hawaïenne applicables pour les écoles et les parcs pour le PFNA, et 24 fois au dessus de la valeur d'intervention indicative hollandaise pour le PFNA, à partir de laquelle le pays estime qu'il y a un risque d'altération des caractéristiques fonctionnelles du sol pour l'homme, les plantes et les animaux.

"Ces données n’appellent pas, en l’état de la réglementation nationale et compte tenu du faible risque d’exposition, de recommandations particulières à l’échelle locale (...). Une recherche bibliographique au sein d’organismes internationaux a permis de compiler plusieurs valeurs repères qui sont purement indicatives et ne sont pas des valeurs sanitaires" , peut-on néanmoins lire sur le site de l'Etat dédié à la problématique.

Dans l'air ambiant

Les services de l'Etat ont également réalisé des analyses de l'air pendant 90 jours en 13 points différents. On y retrouve principalement du 6:2 FTS et du PFHxA, qui sont les nouvelles molécules utilisées par les deux industriels, et que l'on appelle également des composés à chaîne courte.

"Les résultats sont rassurants puisque toutes les concentrations en PFAS mesurées sont largement inférieures aux valeurs repères les plus restrictives au niveau international" , précise les pouvoirs publics. 

Mais encore une fois, pour comparer les chiffres, la DREAL a fait des "prélèvements témoins", à plus de 5 km des deux usines. Il est intéressant de constater qu'à la gare d'Oullins, on respire 10 fois plus de 6:2 FTS qu'à Vénissieux (point témoin le plus éloigné) par exemple. Ou qu'au parc de Gerland, on respire 33 fois plus de PFHxA.

Ces deux composés étant peu voire pas du tout réglementés, ni en France, ni ailleurs dans le monde, il est impossible de les comparer à une norme ou une valeur limite étrangère.

Dans les œufs

Depuis le 1er janvier 2023, l'Union Européenne impose à ses pays membres des teneurs maximales de PFAS dans certaines denrées alimentaires mises sur le marché, notamment les œufs. Elles ne concernent que les professionnels.

Dans les abords immédiats de la plateforme industrielle, il n'y a pas de producteur ou agriculteur installé, mais la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) a quand même prélevé et analysé les œufs de particuliers à Pierre-Bénite et à Oullins.

Les teneurs en PFNA et PFOA y sont entre 7 et 16 fois plus élevées que la valeur maximale établie par l'Europe. Là aussi, on retrouve en grande majorité du PFNA. "La présence de ces PFAS dans les œufs s’expliquerait par la contamination des sols : en picorant, les poules se contaminent, et contaminent ensuite leurs œufs" , explique la préfecture. Leur consommation, ainsi que celle de la chair des poules est donc fortement déconseillée par les services de l'Etat.

De nouvelles campagnes de prélèvement, plus étendues, ont été réalisées par les communes au premier trimestre 2023. Les résultats sont attendus par de nombreux habitants.

Dans les légumes

Il n'existe pas encore de teneurs maximales fixées pour les fruits et légumes par l'Union Européenne, à l'inverse des œufs, poissons, crustacés et viandes. En revanche, l'Europe conseille une surveillance plus large des PFAS dans les aliments, pour pouvoir, d'ici à 2025, fixer de nouvelles normes. Dans ce cadre là, dit l'Europe, "une enquête plus approfondie sur les causes de la contamination devrait être menée lorsque les valeurs indicatives sont dépassées."

Les carottes analysées dans les jardins partagés d'Arkema révèlent un taux 158 fois au dessus de ce seuil indicatif pour le PFNA et 5 fois supérieur pour le PFOA. Les betteraves sont 5 fois au dessus pour le PFOA.

La préfecture insiste sur le fait que ces valeurs repères sont "purement indicatives et ne sont pas des valeurs sanitaires", elle n'a donc ni déconseillé ni interdit leur consommation.

On retrouve par ailleurs dans la totalité des légumes prélevés du PFHxA, molécule utilisée notamment par Daikin et désormais considérée comme toxique.

D'autres légumes ont récemment été analysés par les services de l'Etat dans certaines communes plus éloignées (Thurins, Chaussan...) mais irriguées avec l'eau du Rhône. Les teneurs retrouvées, si elles excèdent la valeur repère européenne pour les mâches, sont bien moins importantes que celles détectées aux abords immédiats de la plateforme industrielle.

Dans l'eau

Depuis des années, peut-être même des décennies, les deux usines de Pierre-Bénite rejettent des PFAS directement dans l'eau du Rhône. La pratique n'est pas interdite. Car bien qu'Arkema rejette parfois jusqu'à 2.000.000 ng/L de 6:2 FTS dans le fleuve, son débit et sa force de dilution permettent d'atténuer la pollution des eaux superficielles. On retrouve 280 ng/L de cette même molécule quelques kilomètres en aval de la plateforme, au niveau de Ternay.

Mais ce qui inquiète les autorités, c'est que ces polluants se sont accumulés dans la nappe phréatique. Sous la plateforme industrielle, la pollution est importante, entre 3100 et 3800 ng/L pour la somme de 25 PFAS.

Plus on s'en éloigne, plus la présence des PFAS dans les eaux souterraines est faible. Elle n'est cependant pas négligeable. Car c'est précisément dans la nappe alluviale du fleuve que l'on capte l'eau pour alimenter le réseau potable de nombreuses communes.

Ainsi, dans les captages de Ternay, et dans une moindre mesure dans celui de Grigny, on retrouve des PFAS. Impossible d'affirmer que la présence de ces molécules n'est due qu'à l'activité de la plateforme de Pierre-Bénite. Mais une dizaine de communes boivent aujourd'hui de l'eau dans laquelle on trouve deux fois plus de "polluants éternels" que ce que prévoit la norme européenne (100 ng/L pour la somme de 20 PFAS), qui doit être appliquée en France d'ici 2026. Dans une centaine d'autres communes, les teneurs flirtent avec la réglementation. Voici une carte des zones polluées.

Les services de l'Etat tiennent à rappeler que les résultats peuvent fluctuer d'un prélèvement à l'autre. C'est ainsi qu'en décembre, un prélèvement réalisé sur l'eau potable de Grigny affichait un résultat de 325 ng/L, soit plus de trois fois au dessus de la norme. Les pouvoirs publics font l'hypothèse soit d'une erreur d'analyse par le laboratoire, soit du passage d'un pic de pollution. La variation de ces résultats appelle donc une surveillance régulière.

Au cours de ses investigations sur le reste de la région, la préfecture a identifié treize autres sites industriels potentiellement émetteurs de PFAS.

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