Cette année 2024 marque les cent ans du restaurant étoilé du chef Paul Bocuse. La petite guinguette des bords de Saône est devenue un temple de la gastronomie mondiale. Mais la maison familiale a toujours souhaité garder son ADN.
Il faut un peu d'imagination pour se plonger dans l'histoire du célèbre restaurant de Paul Bocuse. En 1924, ce qui allait devenir un temple de la gastronomie n'est encore qu'une modeste guinguette des bords de Saône. Il n'y a pas de route, les Lyonnais viennent profiter de la plage en calèche. L'établissement vient d'être repris par le père de Paul Bocuse.
C'était une auberge amicale, on venait manger le fromage blanc, le jambon cru, boire un petit blanc et jouer aux boules. Ça fonctionnait de manière très simple, avec des habitués. Madame Bocuse était à la caisse, il y avait deux serveuses.
Alain Vavro, designer, architecte et ami de Paul Bocuse
Monsieur Paul
Après ses années d'apprentissage chez les plus grands chefs de l'époque, Paul Bocuse est appelé par son père en 1956. C'est l'année qui va tout changer. Ils sont deux Bocuse en cuisine. C'est à ce moment-là que Paul Bocuse va devenir Monsieur Paul. Le jeune chef va apporter tout son savoir-faire et le faire savoir. En 1958, c'est la première étoile au guide Michelin. "Il y avait encore les toilettes dans la cour et des parasols à fleurs sur la terrasse. Ça n'avait rien d'un étoilé". Alain, l'ami de trente ans, explique que c'est à ce moment-là que Paul Bocuse a compris la force du guide.
La métamorphose
Le petit restaurant qui ne comptait que neuf tables va commencer sa métamorphose. L'épopée débute. Meilleur Ouvrier de France en 1961, deuxième étoile l'année suivante, puis la consécration en 1965 avec la troisième étoile au guide Michelin.
On agrandit la salle, on ouvre les cuisines sur le restaurant :"il sort les cuisiniers des cuisines".
L'anecdote de la façade
Lors d'un voyage en URSS, en 1985, il découvre les datchas. Des maisons typiques toutes en couleur. Il souhaite faire briller son restaurant, comme ces maisons. Il décide de refaire la façade du bâtiment avec des couleurs vives. La petite commune de Collonges-au-Mont-d'Or n'y est pas très favorable. Elle préfère des tons "rose quai de Saône". Il n'en fera rien. En 1987, le restaurant prend les couleurs actuelles : du vert et du rouge clinquant. "Il voulait que ça se voit de loin" explique l'auteur d'un ouvrage consacré à cet anniversaire. Comme son nom. Privé de l'usage commercial de son nom de famille suite à des différends familiaux, il finit par le récupérer. Il appose Paul Bocuse en grandes lettres sur le toit du restaurant.
Ce temple de la gastronomie, c'est l'homme. Cette maison, c'est un phare dans la nuit. C'est un repère, un refuge pour les cuisiniers, comme pour les clients. Cette maison a attiré les plus grands, mais c'est bien Paul Bocuse qui a fait cette maison.
Christophe Magnette, auteur du lire "D'auberges et d'histoire" (Bocuse édition)
Le sol n'a pas changé
En 2018, l'année de sa mort, d'importants travaux de rénovation sont entrepris. Le restaurant restera fermé plusieurs semaines. Les cuisines sont réaménagées, plus spacieuses, plus ergonomiques. La salle du restaurant est mise au goût du jour. Mais le sol en carrelage reste d'origine. "C'était une volonté de sa part, il ne voulait pas que l'on change le sol. C'était la salle à manger avec ses parents".
Seul, le bureau qui servait à Monsieur Paul est resté "dans son jus". Son ami, Alain Vavro, présente la pièce dans cette vidéo.
Les travaux n'ont pas changé l'ADN de la maison. Une maison qui vit, c'est une maison qui évolue. C'était important pour nous de garder cette façon de penser : faire évoluer la tradition tout en la modernisant, un tout petit peu.
Vincent Le Roux, directeur de l'Aubberge du Pont de Collonges
"Je suis né ici, je mourrai ici"
L'établissement, bien qu'ayant perdu sa troisième étoile en 2020, accueille une centaine de convives par jour. On compte sur cette année du centenaire pour continuer à communiquer sur les valeurs chères à la maison Bocuse : tradition, créativité, excellence et transmission. Un menu complet du centenaire a été spécialement concocté, il est affiché à 370 euros par personne.
Une maison à laquelle était très attaché le chef. Il disait souvent à ses proches : "je suis né dans cette maison, je mourrai dans cette maison". Paul Bocuse est né en 1926 au premier étage de sa maison, il y est mort en 2018.