La polémique de ce mois de février sur les menus sans viandes à Lyon est la quatrième controverse nationale déclenchée par le nouveau maire EELV de Lyon, Gregory Doucet, depuis son élection. Ses positions controversées sont-elles subies ou délibérées ?
A croire qu'il les collectionne. La polémique sur les menus sans viande dans les cantines lyonnaises, en ce mois de février 2021, est la quatrième controverse médiatique déclenchée par le nouveau maire écologiste de Lyon, Gregory Doucet, depuis son élection au printemps dernier. Ces prises de positions, qui ressemblent à des maladresses, présentent pourtant, pour lui, un intérêt politique certain.
L'essentiel, c'est qu'on en parle
Avant la polémique sur le retrait de la viande dans les cantines scolaires à Lyon, il y avait eu celle sur le Tour de France, l'été dernier, que Gregory Doucet jugeait "machiste et polluant". En septembre, c'était celle sur le vœu des échevins, le maire refusant de participer à la traditionnelle messe. Et un mois après son élection, c'était son refus de laisser la patrouille de France survoler Lyon pour le 14 juillet qui défrayait la chronique. A chaque fois, une prise de position pour se démarquer, et à chaque fois, des controverses passionnées, relayées dans les médias nationaux. A chaque fois, la polémique s'enflamme, puis le maire de Lyon revient pour expliquer, nuancer, apaiser. Et à chaque fois, au final, il bénéficie d'une présence médiatique accrue. "Qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'on parle de moi," disait Léon Zitrone. Serait-ce alors une stratégie volontaire ?
"Tout le monde a intérêt aux polémiques"
Interrogé, le maire de Lyon nie toute préméditation, et pour cause : selon lui, ce sont les autres qui lancent les hostilités : "Je ne sais pas à l'avance ce qui va déclencher des réactions. Regardez d’où viennent les attaques, elles viennent d'abord de la droite, et de LREM, parce que nous sommes perçus comme une menace pour les prochaines échéances électorales ! Forcément une menace, vous l’attaquez !" Des polémiques subies ? Pas tout à fait. Pour Paul Bacot, Professeur émérite de Science po Lyon, le déclenchement des polémiques est "à la fois volontaire et involontaire. C'est un mélange. Certains parlent d'un maire néophyte, d'un amateur. Mais ce qui est sûr, c'est que tout le monde politique a intérêt à ces polémiques. Ses adversaires, parce qu'on est en campagne. Et lui-même, parce qu'après avoir pris une mairie, il faut bien qu'il marque le changement."
Semer la zizanie
D'ailleurs, même si certaines positions sont clivantes, les controverses servent l'équipe écologiste. D'une part, parce qu'elles parlent à sa base électorale, d'autre part, parce qu'elles peuvent semer la zizanie chez l'adversaire. Dernière illustration, la question des menus sans viande déchire le gouvernement : le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, déclare que la mesure est "aberrante d'un point de vue nutritionnel et est une honte d'un point de vue social", en contradiction avec sa collègue, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, qui défend l'alimentation végétarienne face à "des clichés éculés", et qualifie la polémique de "débat préhistorique". Des députés LREM s'écharpent autour de Mme Pompili, accusée dans un tweet par le député LREM Jean-Baptiste Moreau de manquer de "loyauté". Et au final, le maire de Lyon savoure : "Je ne vais pas revenir sur les polémiques du gouvernement, de toute façon ils sont en train de se chamailler entre eux", réagit-il sur BFMTV.
"Il ne s'agit pas d'amateurisme"
Pour Daniel Navrot, politologue lyonnais, ces polémiques enflent parce que "les écologistes sont la cible. Il n'y a pas de spécificité Doucet, il y a des propos ou des formules chez tous les maires écologistes qui suscitent des polémiques. (Les sapins de noël, le développement de la 5G... ndlr) Les écologistes inquiètent. Mais eux même ont besoin de marqueurs, et Gregory Doucet, comme les autres, sait qu’on est dans un monde où on attend "la petite phrase". Il ne s'agit pas d'amateurisme." Tout juste concède-t-il des maladresses de communication chez les nouveaux élus : "ils ont une vraie démarche de fond. A eux de l'expliquer, peut-être en étant plus pédagogues." Au final, si les effets des décisions prises et des propos ne sont pas prémédités, dès lors qu'apparaît une polémique, le maire de Lyon lsait l'utiliser à son avantage. D'autant que l'essentiel, pour lui, c'est qu'on en parle.