Témoignage. "Je suis un élève SDF", un agent de la fonction publique se retrouve sans logement à Lyon

Publié le Écrit par Marie Bail
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Arrivé à Lyon pour une formation de six mois au sein de l'Ecole nationale des finances publiques, un fonctionnaire de 55 ans se trouve sans logement. Depuis début octobre, il vit en auberge de jeunesse dans l'attente de trouver un hébergement.

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En septembre, Frédéric Pourrot réussit le concours de contrôleurs des impôts. Cet agent des finances publiques au service recouvrement à Avignon choisit d'intégrer la formation pour six mois de l'Ecole nationale des finances publiques (ENFIP) à Lyon. "J'avais réussi Paris et Clermont mais Lyon se trouve à 1h30 de mon domicile donc je voulais être au plus proche.", explique l'élève contrôleur.

La formation débute au 1er octobre, Frédéric commence donc à chercher un logement dès le lendemain et se rapproche de l'Association pour le logement des stagiaires (ALS) de l'école. "Ils m'ont proposé un logement à 517 euros que j'ai refusé car c'était en dehors de mon budget", détaille l'agent, qui dispose déjà d'un logement réservé aux travailleurs de la fonction publique à Avignon. "Je me suis dit que j'allais trouver moins cher en arrivant à Lyon".

Avec un salaire mensuel de 1 890 euros, Frédéric Pourrot se met en quête d'un logement entre 350 et 400 euros par mois. Ce n'est qu'une fois arrivé à Lyon qu'il réalise la difficulté à se loger. En dehors de l'ALS, le marché est complètement saturé. Résultat, il vit en auberge de jeunesse et partage en ce moment un dortoir de 18 lits. Dans la chambre : des étudiants, des travailleurs et des voyageurs de passage. "C'est impossible de se sentir bien dans ces conditions, je ne peux pas étudier dans l'auberge le week-end, c'est bruyant et tout n'est pas toujours propre".

Une semaine en auberge lui revient à 140 euros. "Un mois me reviendra plus cher que si j'avais accepté le premier logement proposé", regrette-t-il amèrement. Dans les deux cas, il pourrait avoir du mal à subvenir à ses besoins. "L'assistante sociale de l'école m'a incité à monter un dossier de demande d'aides pour avoir un coup de pouce financier si mon budget se dégrade.", confie Frédéric.

"Situation habituelle"

"Cette année, la promotion compte 560 élèves or l'association de l'école dispose de 135 logements sur deux sites, en faisant appel au parc privé", détaille-t-il. Selon lui, sa situation est "dramatique mais habituelle" bien qu'il n'ait pas connaissance d'autres élèves dans son cas. Ses camarades de promotion sont déjà résidents à Lyon ou ont réussi à se loger. D'autres font le choix de longs trajets aller/retour pour se rendre en cours. Impossible pour Frédéric de prendre le train au quotidien entre Avignon et Lyon.

L'agent d'Etat essaie de visiter des appartements en dehors de ses 20 heures de cours hebdomadaires. "L'école nous interdit de visiter pendant les heures de cours, donc beaucoup d'offres me passent sous le nez", estime-t-il. Le fonctionnaire a publié des annonces partout sur les sites de recherche, même sur des sites réservés à la colocation ou au partage de logement avec des seniors. "À 55 ans, mon dossier n'est pas privilégié, et je suis trop âgé pour rejoindre un foyer de jeunes travailleurs". Une autre solution serait de prendre la place d'un élève qui se désisterait de la formation.

La situation lui semble ubuesque, il ne s'attendait pas à avoir autant de mal à trouver un logement. Car il y a deux ans, Frédéric avait déjà effectué un stage au sein de l'ENFIP. À l’époque, il avait pu être hébergé dans une des résidences de l'école dans le 9e arrondissement de Lyon sans problème moyennant un loyer de 270 euros mensuels.

Difficile pour lui d'envisager la poursuite de ses études dans ces conditions. "Si je ne trouve pas de solution d'ici un mois, j'abandonne la formation", lâche-t-il avec amertume. Le cas échéant, il pourra retrouver son poste d'agent à Avignon. "C'est quand même dommage d'avoir réussi un concours et de ne pas poursuivre".

Manque de logement pour la fonction publique

Publié en avril dernier, un rapport du député David Amiel (Ensemble) dénonce les difficultés d'accès au logement des agents publics. Selon ce rapport, sur 105 000 demandes de logement social, seuls 21 000 logements ont été attribués aux agents de l'Etat en 2023, tous corps confondus.

Dans la fonction publique d'Etat, la préfecture dispose d'un "contingent" de réservations de 5% des logements sociaux. En 2011, l’inspection générale de l’administration relevait qu’à l’exception de l’Ile-de-France, le taux de réservation sur le contingent préfectoral réservé aux agents publics restait sensiblement inférieur au taux théorique de 5 % dans le Rhône avec seulement 3,3 % des logements réservés. En cause notamment "la mauvaise adéquation des logements proposés aux attentes des agents (surface et nombre de pièces, localisation et environnement, état du logement)".

Le parlementaire David Amiel préconise également de dresser rapidement un diagnostic, territoire par territoire, des besoins de logement des agents publics. "Les besoins de logement social ou intermédiaire, de soutien à l’accession à la propriété ou de logement temporaire sont très différents d’un territoire à l’autre. Ils sont indispensables.", souligne-t-il. Toujours selon son rapport, le manque d'accès au logement pour les fonctionnaires "menace le fonctionnement des services publics".

Dans la métropole de Lyon, il existe au moins deux résidences réservées à l'hébergement temporaire d'agents de l'Etat. Situées dans le 8ème arrondissement de Lyon et ouvertes respectivement en 1999 et 2010, elles offrent une centaine de chambres et studios de 18m² à 34m² et quelques appartements de 67m². 

Ces difficultés sont à l’image de la situation nationale et de la tension du marché locatif. Le rapport souligne un phénomène de goulet d’étranglement produit par la baisse de 23% des mises en services de logements sociaux depuis 2015 et conjugué à la diminution du "taux de rotation" des logements sociaux depuis la fin des années 1990. Au niveau national, 2,7 millions de ménages sont en attente d'un logement social cette année, un record selon l'Union sociale pour l'habitat.

La préfecture du Rhône et la métropole de Lyon n'avaient pas encore répondu à nos questions au moment de la publication de cet article. 

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