Témoignages. "Ça m’a apporté ma carrière de rêve" : comment la compétition mondiale des métiers Worldskills a servi de tremplin à ces jeunes

Publié le Écrit par Emilie Barthe
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Quatre jours de compétition autour de son métier, ça marque ! Dan McCabe, Yousra Assali et Cloé Lemaréchal se souviennent parfaitement de leur participation à la compétition mondiale des métiers Worldskills en 2017, 2019 et 2022. Alors que la 47ème édition se déroule du 10 au 15 septembre à Lyon, ces jeunes nous racontent leur expérience.

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Ils travaillent dans la mode, l’électronique, la maçonnerie. Ils sont designers de jeux vidéo, coiffeurs, infirmiers. Ils sont jeunes et surtout, ils sont les meilleurs dans leur profession. 1500 hommes et femmes de moins de 23 ans s’apprêtent à s’affronter du 10 au 15 septembre 2024 à Lyon, à l’occasion de la 47ème édition des Worldskills. L’objectif ? Être le meilleur dans son métier.

"J’avais une épreuve de patronage. J'avais une épreuve de dessin où il fallait faire un croquis. Il y avait une épreuve de moulage. Et ensuite, je devais réaliser une veste sur le thème de l'équitation, avec différentes contraintes, dont la matière, les poches, le col. Bien sûr, tout ça, dans un temps restreint". Cloé Lemaréchal se remémore sa participation à l’édition spéciale des Worldskills, organisée à Helsinki en octobre 2022.

"Je n’ai jamais autant repoussé mes limites"

Parmi les 59 métiers en compétition, les six secteurs d'activité représentés (bâtiment, industrie, services à la personne, transport, logistique, information et communication), la jeune femme a concouru dans la catégorie Mode et création, pendant près de 4 jours consécutifs. "On arrivait à 8 heures le matin, et on terminait à 18 heures. Je dormais quatre heures par nuit. Je crois que je n’ai jamais autant repoussé mes limites", explique la Normande de 25 ans.

D’autant plus qu’elle partait avec un obstacle supplémentaire : sa dyslexie. Cloé confond sa gauche et sa droite, à du mal avec l’orthographe, la grammaire et les langues étrangères. Et la boulette est vite arrivée lors des Worldskills 2022 alors qu’elle n'avait parlé à personne de son handicap.

"J’ai loupé le tirage au sort en anglais. Je n'ai pas réalisé la bonne consigne et à aucun moment je me suis dit qu’il fallait vérifier", se souvient Cloé, qui a pourtant remporté le prix du meilleur de la nation pour la France. La jeune femme a participé quelques mois plus tard à l'Abilympics, la version paralympique des Worldskills. Aujourd’hui, Cloé s’épanouit dans une maison de haute couture à Paris et prouve que l’on peut réussir même en étant dyslexique.

Yousra, première femme à concourir dans la catégorie électronique

Yousra Assali a, elle aussi, dû se battre deux fois plus que ses adversaires : pour prouver qu’elle avait sa place, tout simplement. Première participation aux Worldskills à Kazan en 2019, première femme à concourir dans le domaine de l’électronique et première à représenter le continent africain, la jeune Marocaine subissait beaucoup de pression sur ses épaules.

C'était un défi. Les gens disaient que les filles ne concouraient pas donc elles ne seraient pas acceptées. Je voulais prouver qu’ils avaient tort, que des femmes pouvaient faire quelque chose d'incroyable dans un domaine masculin

Yousra Assali

Première femme à concourrir dans la catégorie electronique à l'occasion des Worldskills 2019 organisés à Kazan

La jeune femme a "adoré [être] la seule africaine et la seule marocaine dans la compétition". Yousra garde en mémoire cette fameuse parade où tout le monde défilait, comme pour les Jeux olympiques, avec sa délégation et son drapeau. "Quand je me préparais, je disais toujours à ma famille et à mes amis, ‘Croyez-moi, en 2019, je serai là’. Les gens riaient mais je leur ai prouvé que j’en étais capable. C'est tellement fort".

Des années de préparation

Des sentiments à la hauteur de l’évènement qu’ils ont vécu et pour lequel ils se sont préparés pendant des années. "Je me suis entraîné pendant deux ans", souligne Dan McCabe. Le Britannique a concouru dans la catégorie du Digital Game Art à l’occasion des Worldskills organisés à Abu Dhabi en 2017.

"J’ai pratiqué et j’ai fait beaucoup de compétitions. C’était deux ans à temps plein", ajoute le jeune homme qui a appris à créer des jeux vidéo sur le tas.

"Tous mes week-ends, je les passais à m'entraîner. Je pouvais rester deux heures à travailler sur du dessin, deux heures à travailler sur une thématique de colle, travailler ma technicité, les finitions, les matières, les volumes et aller chercher d’autres compétences", explique Cloé qui a préparé cette compétition pendant près de 5 ans, dont 3 très intenses.  

"Ce que j’attendais et ce que j'ai découvert étaient très différents"

Accéder aux Worldskills, c’est remporter une série de championnats jusqu’aux nationaux et la sélection pour THE compétition à l’international.

Pour Yousra, c’était l’objectif ultime. "J’attendais une expérience internationale pour observer les compétences d’autres nations dans l'électronique, échanger et savoir à quel point ils sont différents du Maroc dans leur façon de faire", explique la jeune femme qui a beaucoup discuté avec le représentant de la Corée.

"C’est quand même le troisième gros évènement international accueilli en France en 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques", tient à souligner Franck Le Roux, directeur général de Worldskills Lyon 2024. Et comme les deux compétitions sportives, les Worldskills auront leur cérémonie d’ouverture et de clôture. 

Cloé regrette de ne pas avoir saisi l'ampleur de l'opportunité pour échanger et d’être restée trop concentrée sur son travail : "Je ne voyais que par les médailles", affirme-t-elle.

Mais quand tu vois les modèles à la fin, tu vois qu’il y a une culture dans l'interprétation du sujet. Dans les pays musulmans, tu ne vas pas avoir de grandes ouvertures, de grands décolletés. Au Canada, c’est la culture du costume. Les finitions ne sont pas toutes les mêmes. J’aurais peut-être dû communiquer avec eux pour avoir une autre vision que la mienne.

Cloé Lemaréchal

Concurrente dans la catégorie "Mode et création" lors des Worlskills 2022 à Helsinki

"Ce que j’attendais de la compétition et ce que j'ai découvert étaient très différents", renchérit Dan. "J’attendais une grande compétition avec de nombreux pays, très concurrentielle. En réalité, c'était un moment bouleversant et ça m'a défini en tant qu'individu. C'était autant une compétition qu'une expérience d'amélioration personnelle".

Repartir avec de nouveaux apprentissages...  

Tous les participants ressortent changés par leur vécu et les différentes rencontres qu’ils ont faites sur place."Cette expérience m’a apporté ma carrière de rêve", déclare Dan. Le jeune homme qui n’a pas de diplôme est aujourd’hui créateur de jeux vidéo pour Star Citizen, repéré par son employeur lors des Worldskills en 2017.

"Elle m'a apporté des amis de tous les endroits du monde", renchérit le Britannique qui revient tout juste d’un voyage en Australie où il a rendu visite à l’un de ses camarades de la compétition. Il prévoit prochainement un déplacement à Paris pour aller voir Cloé, avant sa venue à Lyon pour l’édition 2024 des Worldskills. Quant à la jeune femme dans le milieu de la mode : "

J’ai eu une énorme prise de recul. Quand on est sur des fashion week, où il faut que le produit soit monté pour le lendemain, je vois que je maîtrise mon stress parce que j'ai vécu tellement pire. À la base, je n’étais pas du tout une personne prête à affronter le stress, la pression, les questionnements. Je n’étais pas une personne calme

Cloé Lemaréchal

Concurrente dans la catégorie "Mode et création" lors des Worlskills 2022 à Helsinki

Yousra ressort de cette expérience avec plus de confiance en elle. "Je suis capable de me présenter moi et mes projets, face à un public, ce qui n'était pas le cas auparavant. J'étais trop timide et je n'étais pas capable de prendre le lead et de dire ‘je sais quelque chose, je peux faire quelque chose’. Aujourd'hui, je peux le dire", conclut la Marocaine qui encourage les jeunes à se lancer dans leurs projets, peu importent les préjugés.

Susciter des vocations

Pour le public également, l’expérience est enrichissante. "On n'est pas dans un salon d'orientation, là, c’est autre chose. On cherche à montrer la pratique des métiers tel qu'elles se pratiquent aujourd'hui et donc, quelque part, faire la promotion de ces métiers et des formations professionnelles qui les y conduisent", souligne Franck Le Roux, directeur de l'édition organisée à Lyon. Il s’attend à accueillir près de 250 000 personnes en septembre prochain, dont plusieurs dizaines de milliers de publics scolaires.

Il espère ainsi susciter des vocations, y compris dans les métiers en tension comme les soins infirmiers : "On a besoin de faire cette promotion des métiers, comment ils se pratiquent aujourd’hui, quelles sont leurs valeurs, quels sont leurs aspects positifs. On a besoin de les voir sous leur meilleur jour pour donner envie aux jeunes", conclut le directeur.

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