Témoignages. "Ils croient que c’est comme à la télé un arabe", des habitants de la banlieue de Lyon réagissent à la montée de l'extrême droite

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Dans le quartier des clochettes à Saint-Fons, les habitants s’inquiètent de la montée de l’extrême droite. Reportage lors d’une médiation nomade organisée par le Mouvement pour une alternative non-violente, qui vient à la rencontre des habitants du quartier pour échanger, et créer du lien social. ©France Télévisions
Publié le Mis à jour le Écrit par Alexandra Marie Ertiani et Blandine Lavignon

Dans le quartier des clochettes à Saint-Fons, les habitants s’inquiètent de la montée de l’extrême droite. Reportage lors d’une médiation nomade organisée par le Mouvement pour une alternative non-violente, qui vient à la rencontre des habitants du quartier pour échanger, et créer du lien social.

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Alors que le jour commence à tomber, un camion coloré débarque dans le quartier prioritaire des clochettes, à Saint Fons. Aussitôt, des bénévoles s’activent pour en sortir des tables, des bancs, quelques jeux, et surtout un thé à la menthe, de ceux qui délient les langues.  

En quelques minutes, un espace de convivialité est créé dans ce quartier qui en manque tant. D’ordinaire, les jeunes se retrouvent sur les marches en béton qui mènent aux barres d’immeuble, à défaut des bancs qu’ils réclament depuis des années. À Lyon, cela fait sept ans que le dispositif Médiation nomade sillonne les quartiers prioritaires pour y passer la soirée. Une initiative du MAN, le mouvement pour une alternative non-violente, l’association historique à l'initiative de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983.  

Au début, les jeunes sont un peu méfiants, chambrent, taclent en s’approchant du camion. Puis, peu à peu, le lien se noue et la discussion se crée. D’abord sur les petites choses du quotidien, pour finir sur des débats de société. Un sujet revient autour de la table : le second tour des élections législatives.  

"On est endormis aussi, les trois quarts on n'est pas allé voter"

Ceux présents ce soir sont en majorité dans des formations professionnelles, et viennent de rentrer de la journée de travail. Kamel, l’un des plus âgés, lance : "j’aimerais bien qu’il y ait une journée où tous les enfants d’immigrés ne travaillent pas, on va voir comment la France va tourner. J'ai été choqué de voir le score du RN de la 14ème circonscription dont on fait partie. Pour certains on est des immigrés, y’a rien qui change, c’est comme ça. Que ce soit la droite, la gauche, ce que vous voulez, il n’y a rien qui change". Lors du premier tour des élections législatives le 30 juin dernier, le candidat RN Cédric Mermet est arrivé en deuxième position, avec 28,21% des voix. 

"Mais nous, on est endormis aussi, les trois quarts on n'est pas allé voter" coupe un des jeunes. “Pourquoi eux, ils votent et nous, on ne vote pas ? Eux, ils ont la haine, leurs pensées se retrouvent dans un candidat, nous, on ne se retrouve pas".

Kamel reprend : "Ils se trompent sur les problèmes, ils nous parlent d’immigration, de migrants, d’insécurité, c’est vrai on ne va pas se voiler la face il y en a. Mais le vrai problème des Français c’est augmenter les salaires ! Tout a augmenté. Tu vis comment ? Tu ne vis plus. Le vrai problème c’est le pouvoir d’achat, les Français eux, ils veulent bien vivre". Pour cet habitant comme pour les autres présents, les médias ont une profonde responsabilité dans cette montée de l’extrême droite. Ils se sentent pointés du doigt, comme des boucs émissaires.  

"Ils croient que c’est comme à la télé un arabe"

Bilel, 25 ans, prend la parole : "la liberté d’expression elle va que dans un sens. Si les gens d’extrême droite ne pouvaient pas venir sur les plateaux, vous pensez qu’il y aurait 12 millions de votes RN aujourd’hui ? 12 millions de cons, je suis désolé je dois le dire. Ils se sont fait endoctriner, ils ont écouté deux trois fois CNEWS, ils habitent dans des campagnes, ils n'ont jamais vu un arabe de leur vie, ils croient que c’est comme à la télé". Nos journalistes l’avaient rencontré il y a 6 ans, alors qu’il était encore adolescent, lors d’une des premières médiations. Pour lui le constat est amer : rien n’a changé, "on est, et on restera des enfants d’immigrés". Un autre confie, désabusé : "je suis dans la haine, car je vois le vrai visage des gens, ce qu’ils pensent réellement. Je suis livreur, toute la journée je vois des gens ils sont tous gentils mais derrière ils votent RN".  

Régulièrement, Xavier Dormont, le médiateur du dispositif, reprend la parole, pose des questions. Il connaît bien ces jeunes qui le surnomment Miguel car c'est toujours lui qui revient de semaines, en semaines, depuis plusieurs années. Les médiations nomades ambitionnent de remplir un vide, mais pas se substituer à un manque d’infrastructures. Xavier explique : "j’ai fait 500 soirées dans 25 quartiers, j’ai toujours été accueilli les bras ouverts. Dans ce contexte électoral, on sent de leur côté de la peur, de la crainte, de la colère".

"Tu ne peux pas laisser ton pays comme ça"

Les plus petits écoutent attentivement les aînés, sans oser trop prendre la parole. Lorsqu’on les écoute, leurs dires sont les mêmes que ceux des anciens, il y a six ans. Imen, 17 ans, témoigne :  "On demande à la mairie de mettre des éclairages, de mettre des poubelles, rien n’est fait. On est obligé de mettre les phares des voitures pour faire l’interview là. On demande d’avoir un petit terrain de foot on ne l’a jamais eu. Maintenant on a grandi, c’est trop tard mais ce serait pour les petits". L’adolescent aurait aimé pouvoir aller voter, et assure qu’il ira, dès qu’il le pourra : "faut voter c’est important, tu ne peux pas laisser ton pays comme ça. Une personne vote, une autre aussi, une autre aussi et ça fait des millions, l’union fait la force. Si tu ne veux pas voter, tu vas voir ton pays mort". 

Chez les plus jeunes, il y a aussi Sofian, le petit frère de Bilel. Il apprécie la venue de la caravane. "C’est super intéressant, ils nous apprennent plein de choses. Ça nous permet de voir le monde extérieur parce qu'on est souvent au quartier, on ne sort pas trop. Souvent sur les réseaux sociaux, on entend que les jeunes de quartiers sont irrespectueux, en gros on est des mauvaises personnes. Sauf qu’on n’est pas du tout comme ça. Moi je ne m'y connais pas trop en politique, mais ça fait peur je me dis imagine, ils arrachent le voile de ma mère. Je suis en France, je suis né français, ma nationalité c’est français mais en gros je ne me sens pas dans mon pays. Quand je vais au bled en Tunisie pour eux je suis français et quand je vais en France pour eux je ne suis pas français" soupire Sofian.

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