Après deux graves accidents à moto, William Cedon et Romain Peltre ont connu la solitude d'un accidenté de la route une fois de retour de l'hôpital. Pour ne pas que d'autres vivent ce qu'ils ont pu endurer pendant des années, ils ont créé une association.
Les deux hommes sont voisins, dans la commune de Caluire-et-Cuire, au nord de Lyon. William Cedon, 49 ans, et Romain Peltre, 35 ans, ont vu leur vie basculer après un grave accident de la route, l'un en 2021, l'autre dix ans plus tôt. Tous les deux ont connu la galère de retrouver une vie à peu près normale après l'hôpital.
Leurs destins étaient faits pour se croiser. Voisins, tous les deux proches du monde de la moto, tous les deux papas d'un petit Gabin à un an et un jour d'écart... Mais surtout tous les deux miraculés d'un accident de la route, alors qu'ils étaient à moto. "C'était en février 2011, se souvient Romain. J'étais passager, mon ami conduisait."
Si Romain s'en est sorti vivant, son ami n'a pas eu cette chance. "Je me suis retrouvé en puzzle, avec de multiples fractures, un coma, trois mois à l'hôpital, deux dans un centre de rééducation... Puis le retour à domicile. Et là, je me suis retrouvé avec ma pile d'ordonnances. C'est comme si elle me disait 'Maintenant, démerde-toi'."
Un accidenté et toute une famille qui souffre
De retour à la maison, Romain s'est retrouvé alité, sans travail, ni appartement, avec un ami décédé, le tout à l'âge de 21 ans. "Tout le monde devait m'aider pour absolument tout, j'étais comme coupé du monde. Ça a eu des conséquences terribles sur ma famille. Mes parents, qui étaient mariés depuis trente ans, ont divorcé. Ma mère a fait une très grosse dépression, moi aussi... Et tout ça, personne ne le prend en compte. C'est un double accident qui n'est nullement géré."
Dans sa solitude, Romain a mis des mois à trouver les bons praticiens pour l'aider à revivre : "Mon psychologue, je ne l'ai trouvé il n'y a qu'un an. J'ai dû en appeler tellement avant de trouver celui qui a mis le doigt sur mon symptôme", souffle-t-il.
Quand tu retournes chez toi, tu ne sais pas quoi faire, ni par quoi commencer.
William Cedon
Plus récemment, en 2021, c'est son voisin, William Cedon, qui a connu "un gros carton", à Lyon. "J'ai eu une fracture du fémur, au poignet aussi. Tout s'est bien passé à l'hôpital, ils ont fait le maximum. Mais quand tu retournes chez toi, tu ne sais pas quoi faire, ni par quoi commencer. Est-ce que j'appelle ma mutuelle ? L'Assurance maladie ? Quelqu'un pour faire le ménage chez moi ? Pour faire mes courses ?", se souvient celui qui a passé six mois dans un fauteuil.
Toute une vie à repenser
Ce père de trois enfants a dû repenser tout son quotidien, du lit médicalisé à des toilettes rehaussées. "Heureusement, Romain venait tous les jours pour faire une balade ou pour m'aider à aller aux toilettes. Je dis heureusement parce que le retour chez soi est vraiment dur. On se sent exclu et tout le monde autour de nous est pris dans cette galère", continue William.
"Il y a eu dix ans entre mon accident et celui de William et j'ai l'impression que rien n'a évolué. C'est pourquoi on veut faire bouger les choses en créant notre association", ambitionne Romain. C'est ainsi qu'en décembre 2023 est née l'Association des accidentés de la voie publique.
L'accidenté sera toujours mieux compris par un autre accidenté.
Romain Peltre
Elle s'adresse à toutes les victimes d'un accident de la route, qu'elles soient à vélo, à pied ou dans un véhicule motorisé. "Notre but, c'est d'accompagner les gens, de leur rendre visite. Parce que l'accidenté sera toujours mieux compris par un autre accidenté. Et de voir quelqu'un qui vous comprend, qui est passé par ce que vous vivez et qui est debout, ça donne de l'espoir", explique Romain.
Accompagner et guider des accidentés désemparés
L'association, composée des deux amis et de la femme de Romain, poursuit d'autres buts. Depuis plusieurs mois, les deux hommes enchaînent les rendez-vous avec des psychomotriciens, des kinésithérapeutes, la Métropole de Lyon ou les Hospices civils de Lyon (HCL) pour ensuite mieux diriger les accidentés vers les professionnels qui sauront les aider.
"On conseillera tel ou tel kiné si la personne a une fracture au bras ou à la jambe ou bien tel psychologue selon le syndrome post-traumatique. Il y a aussi une grosse aide administrative entre la mutuelle, l'Assurance maladie, sur les aides que peut donner la Métropole... On a tout un protocole", complète son voisin.
Les gens ne pensent même pas à demander de l'aide, tellement il se sont pris un grosse claque dans la figure.
William Cedon
"Se retrouver dans la merde, c'est un tabou. On n'ose pas en parler parce qu'on prend déjà énormément de place dans la famille et on devient un boulet. Mais les gens ne pensent même pas à demander de l'aide, tellement ils se sont pris une grosse claque dans la figure", fait remarquer William.
En remontant le moral des accidentés et en les guidant, Romain et William veulent servir là où, à leurs yeux, les services de l'État sont défaillants. "On veut commencer par la Métropole de Lyon, puis s'étendre au niveau national, pourquoi pas." Avec comme objectif final de voir l'État pallier ces manquements, pour que leur association n'ait plus besoin d'exister.
Pour rentrer en contact avec William et Romain, vous pouvez les contacter via l'adresse mail suivante : asso.aavp@gmail.com ou par téléphone au 07 50 00 11 01.