Cinq ans après le décès d'un jeune homme, tué lors d'une violente altercation à Val Cenis, en Savoie, ses proches se sont mobilisés pour dénoncer "l'attente interminable" d'un procès. Le procureur de Chambéry répond que ces délais ne sont pas inhabituels pour une affaire dans laquelle le suspect est de nationalité étrangère.
Une quarantaine de personnes s'est réunie ce jeudi 25 avril devant le palais de justice de Chambéry. Parmi eux, des membres de la famille et des amis de Benoît Buffard, saisonnier tué après une violente altercation à Val-Cenis-le-Haut, en Savoie. Massés sur la place faisant face au tribunal, les proches du jeune homme sont venus exprimer leur lassitude face à l'attente d'un procès.
"Benoît, tu n'avais que 30 ans quand tes agresseurs t'ont violemment et gratuitement arraché la vie. Cinq ans déjà et nous attendons toujours que justice soit faite", peut-on lire sur une large banderole déployée par les participants, arborant des insignes "justice pour Benos", le surnom de la victime.
"Nous avons été largement dociles, patients et respectueux face au système judiciaire mais la réalité est là. Soixante mois d'une attente interminable et rien, toujours rien", a dénoncé la sœur de la victime, Sabine Buffard, lors d'une prise de parole.
Cinq années d'attente
Le drame remonte à plus de cinq ans. Au cours de la fête des saisonniers de Val Cenis, à 2 heures du matin le 30 mars 2019, une altercation a éclaté entre plusieurs saisonniers. La victime, originaire de Saint-Jean-de-Maurienne, aurait tenté de s'interposer, recevant un violent coup à la tête. Gravement blessé, Benoît Buffard est décédé trois jours plus tard des suites de ses blessures au centre hospitalier de Grenoble.
Une enquête a rapidement été ouverte, les gendarmes auditionnant des témoins qui les ont conduits à deux suspects de nationalité bulgare, arrêtés puis mis en examen. L'enquête, initialement ouverte par le parquet d'Albertville, a alors été transmise au tribunal de Chambéry en raison de la nature criminelle des faits.
L'un des deux hommes, âgé d'une trentaine d'années, s'est donné la mort en détention provisoire, dans sa cellule de la prison de Chambéry, six mois après les faits. Reste un mis en cause, un temps écroué avant d'être placé sous contrôle judiciaire, qui pourrait être renvoyé devant une cour criminelle pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
L'information judiciaire a été clôturée en septembre 2023 mais depuis, la famille de la victime reste dans l'attente du procès. "On entend que la justice manque de moyens mais quand on est dans cette situation, ce n'est plus possible. Les délais sont largement dépassés. On a été très discrets jusqu'à aujourd'hui pour laisser la justice faire son travail et on s'aperçoit qu'en ne disant rien, rien ne bouge. Pour nous, le dossier est aux oubliettes", regrette Sabine Buffard, en "colère" après cette longue attente et trouvant "injuste" la remise en liberté du suspect.
"Ma vie s'est arrêtée"
"Je crois que je ne ferai jamais mon deuil. Ma vie s'est arrêtée le 30 mars 2019, ajoute Tania, la compagne de la victime. Je sais qu'un procès ne nous ramènera pas Benoît, mais c'est difficile de savoir que l'agresseur est en liberté, qu'il continue à faire sa vie. On attend juste qu'il soit jugé, qu'il soit puni de quelque manière que ce soit."
Contacté par France 3 Alpes, le procureur de la République de Chambéry, Pierre-Yves Michau, attribue la lenteur de la procédure à son caractère international. Le suspect étant de nationalité étrangère, la justice française a dû formuler une demande d'entraide aux autorités bulgares afin qu'elles réalisent des investigations sur place, notamment dans l'environnement du mis en cause. Celui-ci ne parlant pas français, un traducteur a également dû être sollicité pour les auditions.
"La patience a trouvé ses limites, estime toutefois l'avocat des parties civiles, Me Daniel Castaldi. Il faut impérativement que ce dossier s'achève d'ici la fin de l'année. Cela devient insupportable. Ce que je vois, c'est une famille dans l'agacement mais qui reste paisible. J'imagine ce que, dans d'autres situations, ce sentiment d'impunité pourrait générer." Les proches de Benoît Buffard restent dans l'attente d'un procès, dont la date n'est pas encore connue, pour enfin faire leur deuil. Le mis en cause risque jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.