Meurtre d'Arthur Noyer : qui est Nordahl Lelandais, le trentenaire instable à la personnalité trouble ?

Nordahl Lelandais, 38 ans, sera jugé à partir du 3 mai à Chambéry pour le meurtre d'Arthur Noyer en 2017. L'ancien militaire a aussi bien été dépeint comme un homme "gentil", "froid" ou "impulsif" par ceux qui ont croisé sa route.

Un garçon "gentil, timide et doux" pour certains proches, "Dr. Jekyll et Mr. Hyde" pour d'autres. Au regard des témoignages de ses amis et des expertises psychiatriques, la personnalité de Nordahl Lelandais pose question. Le trentenaire, qui sera jugé à partir du 3 mai devant les assises de la Savoie pour le meurtre d'Arthur Noyer, a toujours enchaîné les contradictions au fil des auditions et interrogatoires.

Pour l'homicide du jeune caporal comme celui de la petite Maëlys, il a d'abord démenti toute implication avant d'évoquer des morts accidentelles. Mais le flou persiste autour du personnage, soupçonné d'être impliqué dans une quarantaine d'autres "cold cases". Qui est Nordahl Lelandais ? France 3 Alpes retrace son parcours.

 

Une enfance à Domessin

Arrivé en Savoie à l'âge de 6 ans, Nordahl Lelandais réside à Domessin avec ses parents, employés du secteur médical, son frère et sa demi-sœur. "Nono", comme on le surnomme, est un enfant du pays. Un garçon "gentil, timide et doux", raconte l'un de ses amis à franceinfo, même si "on peut changer".

Il fréquente l'école primaire de Pont-de-Beauvoisin et suit un parcours scolaire chaotique, jusqu'à son arrivée en sport-études. L'adolescent avait toujours voulu poursuivre son parcours dans ce domaine, mais il n'y restera qu'un an. "Il s’est passé quelque chose, mais il n’a jamais voulu m’en parler", confie sa mère au Monde. Une petite amie de l'époque évoque la possibilité d'attouchements sexuels. "Au départ, cela se passait bien, mais après, il pleurait et ne voulait plus y aller", raconte-t-elle au quotidien.

Nordahl Lelandais se lance dans un CAP carrosserie, abandonne au bout d'un an, puis s'engage dans l'armée à 19 ans. Au 132e bataillon cynophile de l'armée de Terre, dans la Marne, il pense avoir trouvé sa voie. Nommé caporal en 2003, il y apprend à dresser des chiens d'attaque et de défense. C'est aussi dans cette unité qu'il fait la connaissance de son berger ­Tyron dont il ne se séparera jamais jusqu'à son incarcération.

Mais le Savoyard est réformé de l'armée pour "inadaptation au milieu militaire". Le maître-chien aurait déclenché un incendie alors qu'il fumait un joint dans sa chambre. Il quitte l'armée en 2005 et retourne vivre chez ses parents à Domessin.

 

"Ce n'est pas un tueur froid"

A 23 ans, dans sa chambre d'adolescent, Nordahl Lelandais tourne en rond. Nourrissant toujours une passion pour les chiens, il lance une entreprise d'élevage canin à Chambéry. Mais l'affaire ne dure pas, alors il enchaîne les petits boulots en intérim. Le jeune homme fréquente les salles de musculation et, sur son compte Facebook, il poste des vidéos de courses de voitures ou des photos de boxe thaïlandaise.

Dans son livre Soit je gagne, soit j'apprends, son avocat Alain Jakubowicz le décrit comme un "paumé fruit de notre époque et de notre société et qui reportait sur la race canine l’amour qu’il ne savait ni donner ni recevoir". Pris dans une vie instable, il commence à consommer des stupéfiants, du cannabis et de l'héroïne. Lelandais est aussi poursuivi pour le cambriolage et l'incendie d'un snack-bar en octobre 2008. Condamné à un an de prison ferme, il purge sa peine sous bracelet électronique.

"Quand il était jeune, il a fait des bêtises, de petites bêtises", reconnaissait sa mère auprès de France 2 quelques jours après son interpellation dans l'affaire Maëlys, ne croyant pas en sa culpabilité. Longtemps, ses proches l'ont défendu alors que l'étau se resserrait autour de lui. Son frère Sven prend la parole pour la première fois en novembre 2017 auprès de France Soir. Il estime alors que l'enquête de gendarmerie a été menée à charge contre son frère, soutenant que ce dernier est innocent.

"On prend, on encaisse, on encaisse... Mais quand Nordahl sera dehors, on convoquera les journalistes, on racontera toute la vérité sur les ragots que tout le monde a colporté sur notre compte", raconte-t-il, évoquant des "nombreuses menaces et des injures" que sa famille et lui ont reçu à la suite de l'affaire Maëlys.

Quelques mois plus tard, Nordahl Lelandais explique avoir tué la fillette par accident. Il reconnaît aussi une "bagarre" avec le caporal Arthur Noyer qui a provoqué la mort de ce dernier. Là encore, Sven Lelandais soutient la version de son frère. 

"Nordahl, je ne le vois pas commettre l'irréparable volontairement. Je le sens incapable de faire du mal gratuitement", affirme-t-il auprès du Parisien en septembre 2018. "Je ne dis pas que Nordahl est un ange. Mais c'est un homme normal, ajoute Sven. Il n'a pas pu commettre une chose aussi horrible volontairement. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas un tueur froid, ni un tueur en série, comme j'ai pu l'entendre." La famille du trentenaire ne s'exprimera plus dans les médias après cette date.

 

"Dr. Jekyll et Mr. Hyde"

Sous le feu de l'actualité, Nordahl Lelandais voit son passé exhumé. Ses photos postées sur son compte Facebook font la une de la presse. Tandis que le "mystère Lelandais" interroge, ses ex-compagnes prennent la parole. "C'était quelqu'un de doux, de compréhensif, qui me faisait rire, une belle personne qui rigole, qui est toujours avenant", explique Nadine, sa première petite amie, sur TF1.

Un récit bien loin de celui livré par une autre femme qui a partagé sa vie pendant près d'un an. Elle décrit un homme "plutôt froid" qui ne "rigolait pas beaucoup" et qui avait "envie de créer la terreur". Ne supportant plus ses infidélités, elle met un terme à leur relation en décembre 2016. Il aurait alors commencé à la "traquer" : "C'était du harcèlement. Je le croisais en voiture, pendant mon footing, quand j'allais me promener il me laissait des signes de sa présence, il venait la nuit chez moi pour voir si j'y suis..."

Trois de ses ex-compagnes ont également déposé plainte contre lui, l'accusant d'avoir diffusé des vidéos intimes sur internet sans leur consentement. L'affaire a été classée faute d'éléments suffisants. Mais l'une des plaignantes poursuit aussi Lelandais pour "mise en danger de la vie d'autrui avec risque immédiat de mort" suite à plusieurs épisodes de violences et des menaces. Il lui aurait foncé dessus en voiture alors qu'elle était dans son véhicule. Sa plainte n'a, à ce jour, pas eu d'écho judiciaire. "J’ai l’impression d’avoir eu une aventure avec Dr. Jekyll et Mr. Hyde", confie une autre ex-petite amie au Monde.

 

Tendances pédophiles ?

Devant les psychiatres, l'ancien militaire estime que ses troubles du comportement sont dus aux femmes qu'il a fréquentées, jugées manipulatrices. "Je me suis fait un peu trop avoir avec les sentiments", estime-t-il dans une expertise psychiatrique dévoilée par le magazine GQ. Il évoque aussi des relations homosexuelles "pour découvrir". L'enquête révélera que le jeune homme fréquentait régulièrement des sites de rencontres homosexuelles.

Au fil de l'enquête, des vidéos dans lesquelles il se livre à des agressions sexuelles sur des fillettes endormies sont découvertes dans son téléphone. Il dira ne pas s’être masturbé devant ces images avant d’admettre qu'il "ne faisait pas vraiment la différence entre une femme et une enfant", révèle encore GQ.

Les psychiatres détectent "une personnalité clivée de type pervers", "avec une partie fonctionnant de façon à peu près adéquate à la réalité" et "une partie fonctionnant en ­dépit des interdits, avec des possibilités de passage à l’acte ­hétéro-agressif". Lelandais se qualifie lui-même d'impulsif et intolérant à la frustration.

Des traits de caractère qui pourraient être à l'origine de son passage à l'acte selon Gérard Lopez, médecin psychiatre et expert agréé par la cour d'appel de Paris. "Lui qui pense être tellement important est très bien face aux enquêteurs car on le prend au sérieux et on l'écoute. Mais quand on le met en cause, il peut devenir violent", expliquait-il.

Que faut-il attendre de l'ancien militaire, décrit comme froid et méthodique, à son procès pour le meurtre d'Arthur Noyer ? Imprévisible, "Lelandais ne donne que ce qu'il a décidé de donner", confie une source proche du dossier à France Bleu Pays de Savoie. Convoqué devant les assises de la Savoie à partir du 3 mai, il risque trente ans de réclusion criminelle.

 

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