Centrale nucléaire de Fessenheim : à quand la fermeture ?

Il faudra une loi pour fermer la centrale nucléaire de Fessenheim. Quand la promesse de François Hollande durant la campagne de l'élection présidentielle pourra-t-elle être effective ? Des éléments de réponse, notamment avec Henri Proglio, le patron d'EDF.

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La promesse de François Hollande de fermer fin 2016 la centrale alsacienne de Fessenheim apparaît intenable avec les procédures actuelles, nécessitant un recours à la loi jugé "très vraisemblable" mardi par le PDG d'EDF Henri Proglio.
Selon l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), il faut compter un délai difficilement compressible de cinq ans pour déclarer un réacteur français administrativement fermé, en l'occurrence deux ans pour que l'opérateur constitue un dossier solide, et environ trois ans après le dépôt du dossier jusqu'au décret d'arrêt définitif.
"C'est un ordre de grandeur, mais il ne peut pas être beaucoup réduit", a confirmé dans un entretien à l'AFP le directeur général de l'ASN, Jean-Christophe Niel.
Un calcul d'écolier suffit alors à conclure qu'en l'état actuel des choses, Fessenheim ne pourra probablement pas être fermée avant 2018.

Cette perspective suscite l'inquiétude des opposants au nucléaire, inquiets de voir la seule promesse concrète de François Hollande en vue de l'objectif de 50% d'électricité nucléaire en 2025 menacée par une éventuelle défaite de la gauche lors des rendez-vous électoraux de 2017.

Le gouvernement, qui a maintenu le calendrier d'une fermeture fin 2016, s'oriente donc vers la solution d'une loi l'autorisant à fermer une centrale nucléaire, alors qu'aujourd'hui seul l'exploitant --EDF-- peut amorcer la procédure (hors arrêt ordonné par l'ASN pour raisons de sûreté).
Cette possibilité figure dans la synthèse du "débat national sur la transition énergétique", qui doit déboucher cet automne sur un projet de loi devant être discuté au Parlement l'an prochain et dans lequel devrait figurer la fermeture de la plus vieille centrale de France (36 ans d'activité).

EDF indemnisé

"Il est très vraisemblable qu'une loi prévoira la fermeture de Fessenheim", a d'ailleurs souligné dans un entretien au Monde daté de mercredi le PDG d'EDF, Henri Proglio, assurant que celle-ci serait "respectée" par son groupe
Après avoir montré un entrain limité, le géant français de l'électricité, qui exploite les 19 centrales et 58 réacteurs nucléaires hexagonaux, a annoncé mardi avoir commencé à travailler au dossier de fermeture.
"Mes équipes ont commencé à travailler avec Francis Rol-Tanguy", le délégué interministériel à la fermeture et à la reconversion du site, a indiqué M. Proglio, sans plus de précisions.
"Il y a effectivement un travail qui s'effectue", a confirmé à l'AFP M. Rol-Tanguy. Selon "Monsieur Fessenheim", le calendrier du gouvernement est bien "crédible" mais "effectivement suppose un passage par la loi sur la transition énergétique".
Une façon d'accélérer le processus qui ne devra pas se faire au détriment de la sécurité nucléaire, souligne l'ASN.
"Si le gouvernement et le Parlement décident d'introduire de nouvelles dispositions, nous n'avons pas d'avis là-dessus", estime M. Niel.
"En revanche, on sera très attentifs à ce que cela n'obère pas la sûreté et qu'on puisse faire notre travail d'autorité de sûreté indépendante", a-t-il prévenu.
La loi devra aussi être solide juridiquement pour éviter d'être torpillée par un recours, fréquent dans le domaine de l'énergie.
A la volonté politique et à la faisabilité technique de fermer Fessenheim s'ajoute un troisième critère: le coût financier.
EDF, qui vient de décrocher auprès de l'ASN l'autorisation d'exploiter les deux réacteurs de 900 mégawatts de Fessenheim jusqu'en 2022-2023, compte bien être indemnisé pour son manque à gagner.
Aucun chiffre n'a été avancé officiellement --"c'est à discuter. Je n'ai pas commencé cette discussion, les chiffres que l'on peut lire ici ou là n'ont donc aucun fondement", a dit Henri Proglio mardi-- mais la facture pourrait se chiffrer en milliards d'euros.
Plusieurs groupes allemands et suisses (EnBW, Alpiq, Axpo et BKW), qui financent la centrale à hauteur de 32,5%, en échange d'une part équivalente de sa production, pourraient eux aussi demander des compensations.
Or plus Fessenheim sera fermée tôt, plus cette indemnisation du manque à gagner grossira, un enjeu lourd en période de disette budgétaire.


L'interview de Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)


Il explique qu'en l'état actuel de la procédure un délai de cinq ans peu compressible est nécessaire entre la constitution d'un dossier de demande d'autorisation d'arrêter un réacteur et la publication d'un décret l'autorisant.

* Question: comment s'enclenche une procédure d'arrêt définitif d'une centrale?

R: La loi sur la transparence et la sûreté nucléaire de 2006 définit les procédures de création des installations et de leur démantèlement. Dans un cas comme dans l'autre, c'est une procédure lourde. L'arrêt définitif d'une centrale nucléaire va de pair avec une autorisation de démantèlement. Aujourd'hui, la procédure ne s'enclenche que parce qu'il y a un opérateur qui le demande. L'exploitant doit d'abord effectuer un travail important pour constituer son dossier. Il lui faut deux ans, en s'y mettant vraiment. Nous n'avons pas d'infos sur ce que fait EDF
sur le sujet, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'y travaillent pas. Une fois la demande d'autorisation déposée, la loi impose un délai de trois ans maximum jusqu'au décret autorisant le démantèlement: c'est le temps du traitement technique et administratif du dossier. Le tout nous fait arriver à environ cinq ans. C'est un ordre de grandeur, mais il ne peut pas être beaucoup réduit.

* Question: pourquoi l'instruction du dossier est-elle si longue?
R: La procédure a deux grandes composantes, l'une technique, l'autre administrative. La composante technique est basée sur le rapport de sûreté, un document détaillé qui explique comment l'opérateur garantit la sûreté des opérations qu'il va engager, pour que le démantèlement se passe proprement. L'ASN, l'IRSN et d'autres experts instruisent ce dossier, qui dès le départ doit être de qualité pour éviter les allers-retours. La procédure administrative comprend la consultation de services administratifs nationaux et locaux et une étude d'impact soumise à enquête publique.
Cela implique des délais réglementaires, comme pour l'enquête publique, mais aussi des délais pratiques. Une fois que tout cela est fait, il y a publication d'un décret, après consultation de l'ASN.

* Question: dans ce cadre, une fermeture de Fessenheim fin 2016 est t-elle possible?

R:  Entre le moment où l'exploitant décide de construire un dossier d'autorisation de démantèlement et l'autorisation de démanteler, c'est de l'ordre de cinq ans.
Maintenant l'arrêt de l'installation peut se faire n'importe quand. EDF fait des arrêts très régulièrement, en cas d'incident, de travaux de maintenance, de sûreté, de renouvellement du combustible. Mais un arrêt définitif doit aboutir au démantèlement.
Pour l'ASN, ce démantèlement doit s'engager le plus rapidement possible, pour le faire avec des gens qui sont sur place, qui connaissent les installations, qui ont les compétences. Et pour engager le démantèlement, il faut un décret. En l'absence de décret, les travaux autorisés sont limités.

(AFP)

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