Trois responsables de grands domaines de Bourgogne (Laurent Ponsot, Aubert de Villaine et Christophe Roumier) ont témoigné jeudi 12 décembre 2013 à New York dans le procès du collectionneur de vins Rudy Kurniawan.
Rudy Kurniawan est accusé d'avoir vendu des centaines de faux grands crus français, qu'il fabriquait dans sa cuisine en Californie. Certains flacons proposés à la vente étaient présentés comme des bourgogne des domaines Ponsot, Roumier ou Romanée-Conti, autrement dit des vins particulièrement réputés. Rudy Kurniawan risque jusqu'à 40 ans de prison.
Comment le faussaire a-t-il été démasqué ?
"Depuis quand produisez-vous du Clos Saint-Denis ?", lui a demandé un ami. "Pourquoi ?", lui répond le vigneron. C’est alors que l'ami lui a expliqué que la vente proposait du Clos Saint-Denis des années 45 et 49. "C'est une appellation que nous avons commencée en 1982", a expliqué Laurent Ponsot aux jurés new-yorkais.
Le viticulteur bourguignon a alors contacté la maison d'enchères, Acker, Merrall et Condit, pour demander que ses vins soient retirés. Le "oui" qu'il a obtenu au téléphone ne l’ayant pas rassuré, il avait décidé de se rendre à New York. "Je suis arrivé dix minutes après le début de la vente", raconte Laurent Ponsot. Les vins, proposés par Rudy Kurniawan, ont alors été retirés.
Quelles techniques utilisait Rudy Kurniawan pour tromper les clients ?
Laurent Ponsot a pointé les nombreuses erreurs : une étiquette des années 50 sur un prétendu Clos de la Roche de 1945 ; la signature de son grand-père au lieu de celle de son père sur une autre bouteille ; une capsule dorée quand le domaine n'en a jamais utilisé. Le Bourguignon raconte avoir déjeuné avec Kurniawan le lendemain de la vente pour lui demander d'où venaient ses vins. "Il regardait son assiette. Il m'a dit « je ne sais pas, j'achète tellement de bouteilles ». J'ai trouvé ça bizarre". Laurent Ponsot décide alors de relancer Kurniawan par e-mail en mai. Le faussaire lui donne un nom, qui ne conduit nulle part.
A l'époque, Rudy Kurniawan achetait et vendait des milliers de bouteilles par an, ce qui lui rapportait des millions de dollars. En juillet, Laurent Ponsot invite Kurniawan à déjeuner à Los Angeles et insiste. L’Indonésien lui écrit deux numéros de téléphone sur un papier en lui expliquant que c'est à Djakarta. Ceux-ci sont également de faux numéros. Le viticulteur revoit encore Kurniawan en mai 2009 et lui demande les détails qu'il n'a jamais fournis. "Il me les a promis pour le lendemain, je les attends toujours", a raconté Laurent Ponsot au tribunal.
La contrefaçon est-elle un phénomène répandu ?
Aubert de Villaine a été le troisième Bourguignon à témoigner. Le co-gérant du domaine de la Romanée-Conti (l'un des domaines les plus prestigieux au monde) a été invité à regarder certaines étiquettes datées 1899, 1906... trouvées chez Kurniawan. "C'est extraordinaire, tant d'étiquettes pour des vins qui ont complètement disparu. Je n'en ai jamais eu autant dans la main", a-t-il déclaré, en déclenchant les rires de l’assistance. Après l'audience, il a dit espérer "une vraie condamnation de la contrefaçon". La technique de Kurniawan "était déjà sophistiquée, mais depuis deux ans en Europe, il y en a qui sont encore plus sophistiquées", a-t-il confié. "On se devait d'intervenir", a estimé aussi Christophe Roumier. "Ce cas là n'est pas unique".