Procès Kurniawan à New York : trois Bourguignons dénoncent la contrefaçon de vins

Trois responsables de grands domaines de Bourgogne (Laurent Ponsot, Aubert de Villaine et Christophe Roumier) ont témoigné jeudi 12 décembre 2013 à New York dans le procès du collectionneur de vins Rudy Kurniawan.

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Rudy Kurniawan est accusé d'avoir vendu des centaines de faux grands crus français, qu'il fabriquait dans sa cuisine en Californie. Certains flacons proposés à la vente étaient présentés comme des bourgogne des domaines Ponsot, Roumier ou Romanée-Conti, autrement dit des vins particulièrement réputés. Rudy Kurniawan risque jusqu'à 40 ans de prison.


  • Comment le faussaire a-t-il été démasqué ?

Laurent Ponsot, co-propriétaire du Domaine Ponsot, a raconté à la barre comment il a été alerté par e-mail en avril 2008, deux jours avant une vente aux enchères à New York. Les organisateurs proposaient notamment 97 bouteilles de son domaine, estimées entre 440 500 et 602 000 dollars.

"Depuis quand produisez-vous du Clos Saint-Denis ?", lui a demandé un ami. "Pourquoi ?", lui répond le vigneron. C’est alors que l'ami lui a expliqué que la vente proposait du Clos Saint-Denis des années 45 et 49. "C'est une appellation que nous avons commencée en 1982", a expliqué Laurent Ponsot aux jurés new-yorkais.

Le viticulteur bourguignon a alors contacté la maison d'enchères, Acker, Merrall et Condit, pour demander que ses vins soient retirés. Le "oui" qu'il a obtenu au téléphone ne l’ayant pas rassuré, il avait décidé de se rendre à New York. "Je suis arrivé dix minutes après le début de la vente", raconte Laurent Ponsot. Les vins, proposés par Rudy Kurniawan, ont alors été retirés.




  • Quelles techniques utilisait Rudy Kurniawan pour tromper les clients ?

Lors du procès, Laurent Ponsot a expliqué comment Rudy Kurniawan a procédé pour tromper les clients. Grâce à plusieurs bouteilles exposées dans la salle d'audience, le viticulteur de Côte d’Or a détaillé les étiquettes et les capsules. "Celle-là est évidente. Du Clos Saint-Denis de 1945, cela ne peut pas exister. Et une étiquette (du revendeur) Nicolas ? Nous n'avons jamais vendu à Nicolas", explique-t-il en anglais, bouteille à la main. Un Clos de la Roche 1929 ? "Nous n'avons commencé à mettre en bouteille au domaine" que dans les années 30.

Laurent Ponsot a pointé les nombreuses erreurs : une étiquette des années 50 sur un prétendu Clos de la Roche de 1945 ; la signature de son grand-père au lieu de celle de son père sur une autre bouteille ; une capsule dorée quand le domaine n'en a jamais utilisé. Le Bourguignon raconte avoir déjeuné avec Kurniawan le lendemain de la vente pour lui demander d'où venaient ses vins. "Il regardait son assiette. Il m'a dit «  je ne sais pas, j'achète tellement de bouteilles ». J'ai trouvé ça bizarre". Laurent Ponsot décide alors de relancer Kurniawan par e-mail en mai. Le faussaire lui donne un nom, qui ne conduit nulle part.

A l'époque, Rudy Kurniawan achetait et vendait des milliers de bouteilles par an, ce qui lui rapportait des millions de dollars. En juillet, Laurent Ponsot invite Kurniawan à déjeuner à Los Angeles et insiste. L’Indonésien lui écrit deux numéros de téléphone sur un papier en lui expliquant que c'est à Djakarta. Ceux-ci sont également de faux numéros. Le viticulteur revoit encore Kurniawan en mai 2009 et lui demande les détails qu'il n'a jamais fournis. "Il me les a promis pour le lendemain, je les attends toujours", a raconté Laurent Ponsot au tribunal.



  • La contrefaçon est-elle un phénomène répandu ?

Christophe Roumier, du domaine du même nom, a lui aussi témoigné de contrefaçons évidentes. Il a cité notamment un autre grand cru de Bourgogne, un Bonne Mares datant de 1923 … autrement dit un an avant la création du domaine.

Aubert de Villaine a été le troisième Bourguignon à témoigner. Le co-gérant du domaine de la Romanée-Conti (l'un des domaines les plus prestigieux au monde) a été invité à regarder certaines étiquettes datées 1899, 1906... trouvées chez Kurniawan. "C'est extraordinaire, tant d'étiquettes pour des vins qui ont complètement disparu. Je n'en ai jamais eu autant dans la main", a-t-il déclaré, en déclenchant les rires de l’assistance. Après l'audience, il a dit espérer "une vraie condamnation de la contrefaçon". La technique de Kurniawan "était déjà sophistiquée, mais depuis deux ans en Europe, il y en a qui sont encore plus sophistiquées", a-t-il confié. "On se devait d'intervenir", a estimé aussi Christophe Roumier. "Ce cas là n'est pas unique". 
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