Grâce à une imprimante 3D, un service de chirurgie pionnier à Dijon reproduit les crânes des patients avec du plastique pour préparer des implants faciaux sur mesure avec plus de précision. Cela permet aussi de diminuer la durée des opérations.
Un reportage de Marianne Picoche et Damien Rabeisen, avecMathieu Guerriaud (interne), Benoît-Luc Wajsczak (médecin), Narcisse Zwetyenga (Professeur et Chef du service de chirurgie maxillo-faciale)
"On gagne en précision"
A partir d'images de scanner, l'imprimante superpose des couches de plastique thermoformable, d'à peine cent microns d'épaisseur chacune, pour reproduire, en totalité ou en partie, la face du patient.L'impression peut durer de huit à quarante heures selon la taille de la pièce demandée.A partir de cette reproduction du crâne, les chirurgiens du service de chirurgie maxillo-faciale de l'hôpital du Bocage à Dijon modèlent sur mesure les plaques en titane qui seront implantées sur le patient pour réaliser des reconstructions faciales. Cette opération de modelage se déroulait auparavant au bloc opératoire au cours de l'intervention.
"Pour une intervention complexe qui durait une heure et demie, on gagne maintenant trente minutes", explique le docteur Benoît-Luc Wajszczak. Ce gain de temps permet ainsi de "diminuer le risque d'infection et le risque anesthésique".
"On gagne en précision car on a un accès plus facile aux structures osseuses et on peut modeler très facilement les plaques en titane sans être gêné par les tissus mous" comme la peau ou la graisse, précise le médecin.
En outre, le plastique utilisé s'approchant de la densité osseuse, "on a vraiment le modèle d'un patient", se félicite pour sa part le docteur Mathieu Guerriaud.
Une imprimante coûtant entre "entre 3.000 et 4.000 euros"
Le service de chirurgie maxillo-faciale de l'hôpital de Dijon est doté depuis décembre d'une imprimante 3D, dont le coût s'est élevé à "entre 3.000 et 4.000 euros", financé par des crédits universitaires. En trois mois, "trois ou quatre patients" ont déjà bénéficié de cette technologie, notamment pour des fractures de l'orbite, a indiqué le docteur Wajszczak.Selon l'hôpital, ce service est "le seul à avoir intégré cette technique dans sa pratique quotidienne de manière opérationnelle". "L'impression 3D commence à exploser aux Etats-Unis, il ne faut pas louper le coche", estime le docteur Guerriaud.
L'hôpital de Dijon prévoit de se doter prochainement d'une seconde imprimante 3D permettant de reproduire des pièces de plus grande dimension et qui pourrait être utilisée par d'autres disciplines médicales comme l'orthopédie.
Le service de chirurgie maxillo-faciale de Dijon, en pointe en matière de microchirurgie, a réalisé 2.700 interventions en 2013. Il traite des patients nécessitant une reconstruction faciale notamment après un cancer ou une tentative de suicide par arme à feu.
Bientôt l'impression de matériaux implantables?
Pour le chef du service, le professeur Narcisse Zwetyenga, la perspective est à la généralisation de ces imprimantes et à "l'impression de matériaux directement implantables", voire "dans dix ans, la bio-impression de tissus humains". Au Royaume-Uni, un Gallois de 29 ans, défiguré après un accident de moto en 2012, a récemment reçu des implants de pommettes créés avec une imprimante 3D à partir d'un modèle reconstitué.Actuellement en France, un obstacle législatif empêche de fabriquer de tels implants car, pour des questions de certification, l'hôpital "n'a pas le droit d'être fabricant de biomatériaux" et doit donc faire appel à des entreprises spécialisées dont certaines sont basées aux Etats-Unis. Une fabrication des implants et prothèses en interne à l'hôpital serait "moins onéreuse" et "plus rapide pour les interventions en urgence", souligne le docteur Wajszczak.