A la veille de sa rentrée politique dans son fief bressan de Frangy-en-Bresse demain dimanche, le ministre de l’Economie Arnaud Montebourg a vilipendé la politique économique de l’Allemagne dans une interview au journal Le Monde
Dans une interview accordée au journal Le Monde, le ministre français de l'Economie Arnaud Montebourg a estimé samedi qu'il faut "hausser le ton" vis-à-vis de l'Allemagne "prise au piège de la politique austéritaire", dans un contexte où la France ne peut "plus (se) laisser faire".
La France n'a pas vocation à s'aligner sur la droite allemande
"Il faut hausser le ton. L'Allemagne est prise au piège de la politique austéritaire qu'elle a imposée à toute l'Europe. Quand je dis l'Allemagne, je veux parler de la droite allemande qui soutient Angela Merkel. La France n'a pas vocation à s'aligner sur les axiomes idéologiques de la droite allemande. Je ne peux que remercier Sigmar Gabriel, mon homologue socialiste à l'économie, qui pousse dans le même sens que nous", a déclaré M. Montebourg dans une interview au journal Le Monde. Mais nous ne pouvons plus nous laisser faire", a insisté le ministre.
Le contrepied de l'attitude du président
Ces déclarations interviennent après la fin de non recevoir infligée par Berlin à l'appel de François Hollande à une politique allemande plus favorable à la croissance. "Les déclarations très générales en provenance de Paris ne fournissent aucune raison pour de quelconques corrections dans la politique économique", avait indiqué le 6 août le gouvernement allemand, après des propos du chef de l'Etat français attendant de l'Allemagne "un soutien plus ferme à la croissance". La volonté de confrontation avec l'Allemagne de M. Montebourg prend le contrepied de celle d'apaisement affichée par M. Hollande après cet épisode, ce dernier ayant déclaré mercredi ne pas vouloir de "face à face" avec Berlin.
Le ministre de l'Economie stigmatise les "faucons de l'inflation"
Outre l'attitude du gouvernement allemand, M. Montebourg stigmatise également l'Allemagne, sans la citer, pour son rôle à la BCE dans la détermination de la politique monétaire en zone euro. Selon lui, "aujourd'hui, malheureusement, les faucons de l'inflation qui combattent l'inflation quand elle disparaît en oubliant de combattre l'essentiel, le chômage de masse, sont surreprésentés à la Banque centrale européenne", a déclaré M. Montebourg. Aux premiers rangs de ces "faucons" figurent les Allemands qui estiment traditionnellement que le rôle de la BCE doit se limiter à limiter l'inflation, et qui son opposés à l'idée qu'elle puisse racheter des obligations d'Etat, ce qui reviendrait à financer presque directement les pays. Arnaud Montebourg l'assure: "la BCE doit changer de braquet et se mettre à faire ce que font toutes les banques centrales du monde, notamment des pays qui ont su faire repartir la croissance, à savoir racheter de la dette publique", a-t-il exigé."Nous avons deux problèmes: la politique budgétaire européenne, avec l'accumulation des plans d'austérité dans tous les pays de l'Union, et la politique monétaire, excessivement verrouillée. Les leçons des années 1930 devraient nous faire comprendre que c'est le chômage qui provoque un durcissement et une montée de la violence dans les sociétés européennes", a-t-il résumé.
A. Montebourg défend "la règle des trois tiers"
Concernant la politique budgétaire française, M. Montebourg, qui joue sur l'aile gauche du dispositif gouvernemental, a estimé que "la mi-temps (M. Hollande est à mi-mandat) est toujours le moment de la revue tactique et stratégique". "Je défends la règle des « trois tiers »" concernant la répartition de l'effort de 50 milliards d'euros d'économies voulu par le gouvernement. "J'ai adressé une proposition en ce sens au Premier ministre et au président de la République. Un premier tiers de ces économies doit servir à réduire le déficit (...) Un deuxième tiers est déjà affecté au soutien des entreprises (...) Enfin, le dernier tiers doit être consacré aux ménages pour stimuler leur pouvoir d'achat et la croissance. Il serait d'ailleurs très bon que tous les pays européens fassent de même". "Pour l'instant, je fais des propositions. Je souhaite qu'au sein du gouvernement et de la majorité nous puissions les faire progresser", a-t-il ajouté.
Les réactions des élus bourguignons
Donc le ministre de l'économie explique publiquement qu'il n'est pas d'accord avec la politique économique du PR. #Normal
— Guillaume Larrivé (@GLarrive) 23 Août 2014
journalistes du Monde écrivent avoir rencontré "un Montebourg enjoué...". État d'esprit très adapté pour le ministre de l'économie en crise!
— Arnaud Danjean (@ArnaudDanjean) 23 Août 2014
itw @montebourg dans @lemondefr: utile au pays et à la gauche, sérieux, pas conformiste mais convaincant. Débat urgent partout en Europe.
— Christian Paul (@christianpaul58) 23 Août 2014
Les réactions politiques à ces déclarations
- Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République (DLA): "Cette prise de conscience soudaine plus de deux ans après être entré au gouvernement est bien tardive, mais révèle le malaise profond au sein de l'exécutif (...) Si les convictions affichées d'Arnaud Montebourg sont sincères, il se doit de démissionner car il est en totale opposition avec la politique menée par Françoi Hollande, ce dernier ayant encore déclaré il y a quelques jours qu'il n'y aurait aucun « face-à-face » avec Angela Merkel et qu'il était nécessaire de poursuivre cette politique aberrante" (communiqué)
- Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'EELV: "Je suis ravie qu'Arnaud Montebourg trouve un chemin commun avec les écologistes. J'espère qu'il dira ça sur les gaz de schiste" (à la presse aux universités d'été EELV)
- Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs EELV: "La ligne que nous portons depuis le début, celle de la contestation de la politique économique, est aujourd'hui renforcée par les frondeurs, par Arnaud Montebourg. (...) Il faut desserrer l'étau de l'austérité et de la rigueur.(...) Arnaud Montebourg démontre qu'on peut être dans les responsabilités et utile à son camp par un devoir de sincérité" (à la presse aux universités d'été EELV)
- Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris, représentante de l'aile gauche: "Arnaud Montebourg fait un diagnostique très comparable au nôtre et considère que le débat est toujours ouvert au sein du gouvernement et je m'en félicite (...) Il y a besoin de ce débat approfondi, il y a besoin d'une réorientation et que le ministre de l'Economie s'engage est positif. Maintenant il ne faut pas que ça reste lettre morte et il faut que le débat aille à son but, c'est-à-dire effectivement donner du pouvoir d'achat, faire une politique plus favorable à l'emploi (...) Il nous faut convaincre et convaincre là où nous sommes: les parlementaires au Parlement, Arnaud Montebourg au gouvernement" (sur BFMTV)
- Florian Philippot, vice-président du FN: "Je ne pense pas que l'on puisse parler de couac, chacun est dans son rôle. Arnaud Montebourg a ré-enfilé son traditionnel costume d'enfumeur électoraliste. Régulièrement, Arnaud Montebourg nous fait ce genre de sorties -purement verbales parce que rien ne suit derrière- et bien évidemment l'objectif est de tromper, de leurrer quelques électeurs qui pourraient croire qu'il y a une volonté de réorienter l'Europe, de réorienter la politique économique et sociale. Malheureusement, ça fait plus de deux ans qu'Arnaud Montebourg est au gouvernement et il n'a obtenu aucun résultat (...) Tout cela est une espèce de pièce de théâtre" (sur BFMTV)