Le meurtre de Christelle Maillery au Creusot le 18 décembre 1986 est ce qu'on appelle un "cold case". Une affaire vieille de 29 ans. Au 2ème jour du procès de l'accusé Jean-Pierre Mura, c'est toute l'enquête qui a été retracée. Les erreurs du passé, comme les avancées récentes.
Techniques policières datées ou lacunes de la procédure ? L'enquête sur le meurtre en 1986 au Creusot de Christelle Maillery, la première des "disparues" de Saône-et-Loire, a laissé entrevoir, jeudi devant la cour d'assises de Saône-et-Loire, certaines faiblesses. "On est passé à côté parce que des gens se sont tus pendant des années", s'est défendu le coordonnateur de l'enquête depuis le départ de l'affaire, Toussaint Poggiale.
Le 18 décembre 1986, le corps de Christelle Maillery, collégienne de 16 ans, avait été retrouvé peu après sa disparition dans une cave de sa résidence,
lardé d'une trentaine de coups de couteau. C'est le premier d'une série de meurtres dans les années 1980 et 1990, toujours non élucidés, de jeunes filles, connues sous le nom des "disparues de l'A6", peu approprié dans le cas de Christelle Maillery. Un couteau à cran d'arrêt, retrouvé à 105 mètres des lieux du crime deux mois après les faits, a été au cœur des débats jeudi. Pourquoi ce couteau n'a-t-il pas été trouvé aussitôt après le crime ? "On a eu beau passer dix fois devant, on ne l'a pas vu", a déploré le policier, désormais retraité.
Et pourquoi le découvrir deux mois plus tard ? Il a fallu attendre "la fonte des neiges". Le couteau, sur lequel aucune trace de sang ni aucune empreinte n'ont été retrouvées, avait été analysé par une pharmacie, et non par un laboratoire de police scientifique. "A mon avis, c'était au minimum une erreur mais ce n'est pas la faute de la police", a estimé l'ancien enquêteur. S'adressant à ce dernier, l'avocat de la défense, Me Michel Grebot, a déclaré : "trouvez-vous normal que, compte tenu de ces insuffisances, on se retrouve ici 28 ans après ?". "Il n'y a pas que le couteau !", a objecté depuis le banc des parties civiles, Me Didier Seban.
Reportage de Pauline Ringenbach et Christophe Gaillard :
Evolution des techniques d'enquête
Après un non-lieu prononcé en 1990, le dossier avait été rouvert en 2005, grâce aux éléments issus de l'enquête d'un détective privé mandaté par l'association "Christelle", qui regroupe des familles de victimes. Mais entre-temps, en 2001, les scellés avaient été détruits. Les enquêteurs de la police judiciaire, qui ont repris l'enquête, ont rappelé que les techniques d'investigations policières ont beaucoup évolué depuis les années 1980, notamment sur la précision des procès-verbaux et l'utilisation de l'ADN. 18 "pistes sérieuses" vont être à nouveau étudiées dans ce dossier.
"C'est une affaire exceptionnelle car elle est très ancienne, qu'elle n'est pas frappée par la prescription et qu'il n'y a pas de preuve scientifique irréfutable", a estimé le directeur de la police judiciaire de Dijon, Paul Montmartin, jugeant que la responsabilité de Jean-Pierre Mura ne fait "pas de place au doute". La piste de Jean-Pierre Mura, 47 ans, schizophrène, a été creusée après le recueil du témoignage de l'ancien petit-ami de la victime. Ce dernier et des témoins ont rapporté que M. Mura s'était accusé du meurtre au cours d'une soirée arrosée en 1993. Les investigations révéleront que M. Mura s'était accusé à plusieurs reprises, ce qu'il conteste.
Jean-Pierre Mura, qui possédait plusieurs couteaux, fréquentait régulièrement dans les années 1980 l'immeuble où vivait la famille Maillery pour rendre visite à ses amis. L'homme avait également tenu un carnet, détruit depuis, où il compilait des éléments sur cette affaire. Selon le dernier enquêteur dans ce dossier, Raphaël Nedilko (en charge de l'enquête de 2009 à 2012), le mobile du meurtre pourrait être "la convoitise", Christelle étant "une très jolie fille". En décembre 2011, M. Mura, qui nie les faits, a été mis en examen pour meurtre. Mercredi, au premier jour de son procès devant les assises, l'accusé a assuré "ne pas connaître" la victime et ne pas l'avoir tuée. Puis il a déclaré avoir "voulu la connaître pour sortir avec" elle.
Il encourt 30 ans de réclusion criminelle. Le verdict est attendu le vendredi 19 juin au plus tard.
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