Ce fut une journée riche. Ce matin, la maman de Christelle a interpellé l'accusé. Puis, les témoins des aveux de Jean-Pierre Mura sont venus les confirmer devant la cour d'assises. Imperturbable, l'accusé nie tout en bloc : il ne connaissait pas la victime, il ne l'a pas tuée, il n'a rien avoué.
Paroles contre paroles. Paroles des témoins qui se succèdent, contre les paroles de l'accusé. Au troisième jour de son procès devant les assises de Saône-et-Loire pour le meurtre de Christelle Maillery (tuée de 32 coups de couteau dans une cave du Creusot, le 18 décembre 1986), les éléments à charge se sont précisés. Eric Benzoni et Corinne Joly, proches de Michel Bartolo (l'ex-petit ami de la victime aujourd'hui décédé), ont successivement confirmé un élément central du dossier. Tous les deux ont entendu Jean-Pierre Mura s'accuser, en pleurant, du meurtre de la jeune Christelle Maillery, lors d'une soirée à Chenôve au début des années 1990. Des aveux que l'accusé conteste. "Je n'ai tué personne, et je n'ai rien avoué", a déclaré Jean-Pierre Mura depuis son box.
Un détective privé au cœur de l'enquête
Les assises de Saône-et-Loire jugent depuis mercredi le meurtre, vieux de 30 ans, d'une des "disparues" de Saône-et-Loire, dont un détective privé relança l'enquête. C'est une des méthodes du duo d'avocats de la famille, qui a fait des "cold cases" sa spécialité. "J'ai retrouvé tous les gens entendus à l'époque", a déclaré vendredi devant la cour le détective privé Eric Bellahouel, désormais hypnothérapeute. "L'époque", c'est 1986. Plus précisément, le 18 décembre, au Creusot, quand le corps de Christelle Maillery, collégienne de 16 ans, est retrouvé peu après sa disparition, dans une cave, lardé d'une trentaine de coups de couteau. C'est le premier d'une série de meurtres de jeunes filles non élucidés dans les années 1980 et 1990, connue sous le nom des "disparues de l'A6".
Un non-lieu avait été prononcé en 1990 dans cette affaire. Mais lors de son enquête fin 2003, M. Bellahouel recueille un témoignage-clé : l'ancien petit ami de la victime, Michel Bartolo, lui confie que, lors d'une soirée en 1990, Jean-Pierre Mura s'est accusé du meurtre, s'excusant et lui proposant alors une somme de 2.000 francs. Le détective avait été missionné par l'association "Christelle", qui regroupe des familles de "disparues". Peu loquace à la barre, il avait mis au jour au total trois pistes possibles, dont celle de l'accusé.
"Madame, je tiens à vous dire une chose : je n'ai pas tué votre petite fille" Jean-Pierre Mura à Marie Pichon
Dans la matinée, ce sont les soeurs et la mère de la victime qui ont parlé de Christelle Maillery au jury. Des auditions empreintes d'une grande émotion. Marie Pichon, la maman de Christelle Maillery, a souhaité s'adresser directement à l'accusé : "Ta maman, qu'est-ce qu'elle pense de tout ce que tu as fait depuis 1986 ?" Jean-Pierre Mura a répondu. "Madame, je tiens à vous dire une chose : je n'ai pas tué votre petite fille (...) Ma mère je l'aime beaucoup, mais je ne peux pas me mettre à sa place..." Imperturbable, une nouvelle fois, l'accusé répond sur le même ton, calme et posé. Même chose, en fin de journée, lorsque Me Didier Seban, agacé, place Jean-Pierre Mura devant les nombreux témoignages, et ses déclarations passées, qui le mettent clairement en cause dans cette affaire. "Vous accusez, vous parlez du meurtre de Christelle notamment chaque année en décembre au moment où il a eu lieu, vous tenez même un carnet sur l'affaire que vous conservez comme un trésor ! Et vous dites que vous ne connaissiez pas Christelle Maillery ?" Réponse de M. Mura : "ben non, je ne la connaissais pas."
Reportage de Pauline Ringenbach et Christophe Gaillard, avec les interviews de :
- Eric Benzoni, ami d'enfance de Jean-Pierre Mura
- Me Didier Seban, avocat de la partie civile
- Me Michel Grebot, avocat de la défense
Des aveux rapportés, et une fascination pour Christelle et les couteaux
En 3 jours de procès, la cour a déroulé les 26 années d'enquête, entendu le policier qui a exploré la piste Jean-Pierre Mura, découvert sa passion pour les couteaux, et sa fascination pour le meurtre de Christelle Maillery. Elle a entendu des témoins rapporter les aveux de l'accusé. Mais, dans une affaire vieille de 29 ans, les témoignages varient, et Maître Michel Grebot, l'avocat de la défense, rappellent les contradictions des uns et des autres. Le faisceau d'indices autour de Jean-Pierre Mura est fourni, mais l'accusé nie toujours tout en bloc. Le procès se poursuivra lundi 15 juin, dès 9 heures, avec les auditions d'experts et d'amis de Jean-Pierre Mura, pour explorer la personnalité de l'accusé.
Vous pouvez suivre ce procès en direct, minute par minute, sur le site de France 3 Bourgogne.