2S2C dans les écoles : "Ce doit être du provisoire" disent les enseignants, les maires, eux, face à un casse-tête

L’épidémie de coronavirus a réduit la capacité d’accueil dans les classes. Comment prendre en charge tous les enfants ? Le ministère de l’Education mise sur les activités 2S2C.  Elus et enseignants se posent encore beaucoup de questions sur ce dispositif qui pourrait bien durer.

2S2C, une combinaison de lettres et de chiffres qui vous intrigue ? Vous séchez ? Derrière cet acronyme, se cachent les mots Sport, Santé, Civisme et Culture. Le dispositif est présenté ce jeudi 4 juin par le ministre de l'Education et la ministre des sports.
 

 


Depuis le 2 juin, en Bourgogne Franche-Comté, l’une des zone rouges sur la carte du confinement, les écoles ont fini par rouvrir. Comme partout en France, les mesures de distanciation sociale y sont en place. Classes à moins de 15 élèves, gel hydroalcoolique, masques, parcours dans les établissements… Et 2S2C par endroits. Le dispositif n’en est qu’à ses débuts. Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer compte sur le développement de ces activités "sport, santé, civisme et culture " par les collectivités locales, pour permettre un accueil complémentaire des enfants en dehors du cadre scolaire. Mais sur le temps scolaire.

Pour le moment, seules une centaine de communes en France ont signé une convention pour la mise en place des 2SC2, affirmait fin mai Agnès Le Brun, porte-parole de l'Association des maires de France (AMF), en charge de l'éducation.  Elles seraient 1000 désormais selon Jean-Michel Blanquer.  En Franche-Comté, les villes de Gray, Lons-le-Saunier Sainte-Suzanne ont annoncé avoir signé des conventions. Idem à Belfort, Grandfontaine, Sancey-le-Grand. Au total, une trentaine de conventions sont signées à ce jour pour 80 communes environ.


Activités manuelles, sports, musées, à Gray en Haute-Saône, les 2S2C se mettent en place


Pour trouver une commune où les 2S2C sont déjà en place, direction l’académie de Besançon.  La ville de Gray en Haute-Saône est l’une des communes à avoir passé une convention avec l’Education Nationale. Elle concerne les écoles maternelles et primaires. Triathlon, foot, canoë, roller, découverte de la citoyenneté avec les pompiers ou la police, découverte des musées, des bibliothèques…. Dans cette ville de 6600 habitants, les 2SC2 fonctionnent depuis le 2 juin à l’école primaire Moise Lévy située en réseau d’éducation prioritaire (REP). Elles le seront dès le 9 juin dans l’école primaire Edmond Bourg. « C’est un dispositif qui monte en puissance. À Gray, on a la chance d’avoir un tissu sportif et associatif important. Les structures sportives sont accessibles à pied, les gens se connaissent bien, les parents font confiance aux clubs et associations » explique le maire Christophe Laurençot pour qui mettre en place ces activités ne semble pas avoir trop posé de soucis. À l’école Moïse Levy, ce sont les animateurs du centre social Cap Gray qui vont intervenir sur certains créneaux auprès des écoles. Ils assuraient déjà le temps périscolaire.
 



Une aide de l’Etat de 110 euros par groupe de 15 enfants


Pour l’instant, pour financer les 2S2C, l’Etat apporte une aide de 110 euros bruts par groupe de 15 enfants. « Si l’aide de l’Etat est maintenue, et qu’elle n’est pas dégressive, ce dispositif est amené à perdurer » estime le maire de Gray. « On est tous gagnant-gagnant, les enfants découvrent le patrimoine, la citoyenneté, la culture. Les jeunes intégreront peut être des associations, des clubs sportifs » ajoute l’élu. « Ces 2S2C, c’est aussi une reconnaissance du monde sportif et associatif, et ce dispositif est conventionné » précise Christophe Laurençot.

 

 

 

 

 

 

"Les 2SC2, c’est du temps scolaire, et on demande aux communes de le prendre en charge !"


L’équation des 2S2C est loin d’être résolue partout. Si Gray, petite ville a réussi à mettre en place ce dispositif, ailleurs d’autres problèmes se posent. « Les difficultés que rencontrent les maires, c’est pour beaucoup une incapacité logistique, et humaine à proposer les choses » explique Patrick Genre, maire de Pontarlier et président de l’association des maires du Doubs. « Il y a plein d’associations prêtes à faire des choses, mais il faut des moyens financiers, des locaux, de l’encadrement, du personnel en capacité d’encadrer des enfants » ajoute l’élu. « Les maires feront le nécessaire mais dans la limite de ce qu’ils pourront faire" dit-il. « Si on utilise nos personnels municipaux pour ces 2S2C, le coût sera de zéro » dit l’élu. L’aide de 110 euros de l’Etat pourrait couvrir selon lui 30 à 40% du coût des 2S2C si des prestataires extérieurs doivent intervenir.  « La grosse difficulté de ces 2S2C, c’est que ce n’est pas du périscolaire, c’est du temps scolaire et on demande aux communes de le prendre en charge » gronde Patrick Genre. Comme d’autres élus, qui ont du gérer la crise sanitaire, il aimerait bien que le gouvernement annonce clairement les choses pour la rentrée de septembre. « Il faut qu’on ait ces éléments avant la fin juin pour y travailler, j’espère que le 22 juin, le Premier ministre Edouard Philippe annoncera avec la phase 3 du déconfinement des consignes précises ».


Au niveau national, l'association des Maires de France (AMF) dénonce les conditions de la mise en place du dispositif 2S2C. "Nous sommes, en ce moment, dans une temporalité très complexe. Avec, d'un côté, les nouveaux maires qui sont en train de s'installer et qui prennent tout juste connaissance des dossiers. Et, de l'autre, les premiers magistrats qui se trouvent dans un entre-deux électoral et qui, par conséquent, ont du mal à s'engager sur de nouveaux projets. Le fait que l'Education nationale nous prenne ainsi de court est d'autant plus lourd à supporter. La place d'un enfant est, avant tout, à l'école, dans une salle de classe. Il revient donc au ministère de l'Education nationale d'assurer majoritairement l'accueil des élèves, sans se décharger comme il le fait sur le temps périscolaire. Et, par là même, sur les communes" confie dans les colonnes de l'Express Agnès Le Brun, vice-présidente de l'Association des Maires de France (AMF) et rapporteure de la commission éducation.

 

 

 

 

 

 

"C’est dans une école qu’on apprend le mieux, avec un enseignant"


Du côté des syndicats enseignants, les 2S2C soulèvent beaucoup d’interrogations. « La mise en place de ces activités va dépendre des moyens financiers des communes et pourrait créer des inégalités entre territoires» s’inquiète Alexandra Bourgeois, secrétaire départementale UNSA du Doubs. « Et puis on s’interroge. Si on fait venir des enfants en plus, il faut des locaux qui doivent être nettoyés ». Directrice d’école maternelle, Alexandra Bourgeois veut encore croire à une rentrée de septembre dans des conditions normales. « J’espère qu’on pourra accueillir alors un maximum d’élèves dans des conditions normales. L’apprentissage est primordial, c’est dans une école qu’on apprend le mieux, avec un enseignant. Les plus petits en maternelle notamment ont besoin encore plus de rythmes que les autres, ils n’aiment pas changer d’adultes tous les jours. Ces 2S2C, ce ne serait pas adapté pour des tout-petits » estime l’enseignante.

 

Un enseignant, ça coûte plus cher qu’un éducateur, on ne veut pas que cette vision-là soit pérennisée


Dans le département voisin, le Jura, Laure Monamy, enseigne en elle en primaire. Elle craint qu’avec ces 2S2C, la place de l’enseignant ne recule. « Dans le premier degré, on suit les enseignements sur toutes les matières. On a une vue globale. Là, ça réduirait notre mission à l’apprentissage lire, dire, compter » s’inquiète la co-secrétaire départementale de l’UNSA 39. « On reste vigilants » dit-elle. « Mettre en place ces 2S2C pour le mois de juin, cela me parait démesuré. Les communes ont eu beaucoup de pression pour mettre en place le protocole sanitaire. "Passer maintenant des conventions, trouver des intervenants, ça parait difficile. Au mieux ce sera pour mi-juin, mais pour combien de temps ? » s’interroge t-elle.

« Ces 2S2C, il faut que soit du provisoire. On comprend que pour les gens qui vont travailler, il faut accueillir les enfants » explique Karine Laurent du SNUIPP25. Mais l’enseignante de maternelle à Besançon s’inquiète et regrette que la place des enseignants ne soit pas clairement définie selon elle dans ce projet : « Il faut que ce soit provisoire et qu’on revienne dès que possible à la normale. Qu’on ne pérennise pas ce dispositif des 2S2C. Un enseignant, ça coute plus cher qu’un éducateur, on ne veut pas que cette vision là soit pérennisée » dit-elle. L’enseignante espère qu’en septembre, la situation sanitaire permettra un allègement du protocole sanitaire. Et surtout que le retour à l’école sera bien obligatoire pour tous les élèves. Même si….. cela doit être à temps partiel.

Quelle place pourraient prendre ces activités 2S2C dans l'agenda des élèves en septembre ? Rien n'est défini à ce jour. La circulaire de rentrée de l’Éducation nationale devrait préciser les choses, précise l'Académie de Besançon.
 

 

 

 

 

 

2S2C, c’est quoi ? Focus sur l'académie de Besançon
Le dispositif Sport, santé, civisme, culture (2S2C) a pour objectif d’offrir aux élèves des activités éducatives sur le temps scolaire, pour compléter le travail en classe et/ou à la maison explique un document de l’Académie de Besançon.

Les collectivités locales qui le souhaitent pourront s’inscrire dans ce dispositif, en lien avec les secteurs associatifs sportif et culturel, ainsi qu’avec les opérateurs du service civique.

Au sein de l’éducation nationale, le dispositif 2S2C s’organisera sous l’autorité du directeur d’école et de l’IEN de circonscription pour le premier degré, et du chef d’établissement pour le second degré.

Qui animera ces 2S2C ?
Selon l’académie de Besançon, les activités peuvent être animées par :
  •  des intervenants associatifs
  •  des intervenants de statut privé non associatif (salarié, autoentrepreneur, étudiants, etc.)
  •  des parents
  •  des enseignants
  •  des personnels municipaux (éducateurs sportifs, ATSEM, bibliothécaires, jardiniers, etc.)
  •  des bénévoles (parents d’élèves, retraités, étudiants…) la pratique sportive et la santé des élèves.

Théâtre, balade sensorielle, atelier cinéma, biathlon, course d’orientation, apprentissage des maths par le sport (Learn’O), civisme, écologie.... les thématiques des activités 2S2C sont multiples. A Sancey le Grand : visite en forêt, visite de la caserne des pompiers, découverte et lecture en médiathèque

A Grandfontaine par exemple, les enfants pratiquent lors de ces 2S2C, poterie mosaïque, botanique, théâtre d'improvisation (instruction civique), Land Art, danse, chants. A Belfort, la ville s'appuie sur les musées ou le conservatoire pour mettre en place les 2S2C. A Sancey le Grand, sont au programme, visite en forêt, visite de la caserne des pompiers, découverte et lecture en médiathèque


 
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