Les cas d'agriculteurs qui quittent tout ne sont plus rares. Depuis 2018, la Région a mis en place un "coaching" à destination des agriculteurs et des éleveurs qui souhaitent changer de métier.
"J'ai failli faire des bêtises". Jean-Luc Laffuge préfère manier l'euphémisme lorsqu'il parle de son moral de paysan, son ancien métier qu'il a pratiqué de 1984 à 2019. Durant 35 ans, il a géré, avec quatre autres personnes, une exploitation de 180 vaches laitières, combinée à plusieurs cultures céréalières, à Saint-Léger-Triey (Côte-d'Or) .
Les lourds investissements consentis pour se moderniser d'un côté, la baisse du prix du litre de lait de l'autre, la ferme de Jean-Luc n'était plus rentable. En 2019, il décide de quitter le métier. Cette situation financière intenable lui a fait perdre le goût de la profession, et plus encore. "Je n'avais plus envie d'aller travailler", dit-il simplement aujourd'hui. A 58 ans, la MSA (Mutualité sociale agricole) ne lui promet que 650 euros de retraite. Insuffisant pour vivre. Il doit trouver une nouvelle activité professionnelle.
"Une coach 360 degrés"
Depuis quelques années, les cas d'agriculteurs qui quittent tout ne sont plus rares. Un accompagnement a d’ailleurs été mis en place. Pour sa transition vers son nouveau métier, Jean-Luc a bénéficié de 2.400 euros d'aide à la reconversion de la part de la chambre d'agriculture. Il a aussi reçu quelques tuyaux de la part du service Tournesol. Depuis 2018, la région Bourgogne-Franche-Comté a mis en place ce service pour aider les agriculteurs dans leur questionnement ou dans leur projet de reconversion. Il est joignable au numéro 09 71 04 73 79.
Le visage humain de ce programme c'est Marie-Paule Guyot. Elle explique directement que l'accompagnement qu'elle dispense "va bien au-delà de la réorientation. Je me trouve face à des personnes perdues". A écouter le récit de ses rencontres avec les agriculteurs, on comprend mieux le surnom de "coach à 360 degrés", qu'elle a choisi pour décrire son travail.
Je me trouve face à des personnes perdues.
Une fois c'est l'histoire d'un agriculteur coincé dans un divorce qui lui coûte son exploitation. Une autre c'est celle d'un homme qu'il faut convaincre d'aller voir un médecin car sa santé est en danger. "Ce sont bien souvent des personnes en grande détresse, empêtrées dans des situations complexes qui mêlent famille et économie", diagnostique-t-elle.
La réputation et l'avis des autres, des freins à la reconversion ?
Ce dispositif est volontairement un peu à l'écart des acteurs institutionnels du secteur. "Certains négligent le côté humain", estime Marie-Paule, qui fait remonter le ressenti des agriculteurs. Ils tirent quand même dans la même direction : les travailleurs sociaux de la MSA ou de la chambre d’agriculture redirigent parfois les agriculteurs vers Tournesol.
Aussi, le dispositif de la Région permet de sortir d'un milieu agricole souvent fermé, où la réputation et l'avis des autres peuvent être des freins à la reconversion. "Le but est de libérer la parole", termine Marie-Paule, une experte qui n'est pas du sérail.
Selon les chiffres communiqués, depuis le lancement de Tournesol, il y a 3 ans, il y a eu 53 démarches d’accompagnement. 31 ont abouti. 18 accompagnés se sont reconvertis dans la métallurgie, les transports, la plomberie, la grande distribution, le service bancaire ou le service à la personne. 6 exploitants ont entrepris un bilan de compétences, 5 agriculteurs se sont engagés dans un parcours de formation et 2 d'entre eux ont finalement poursuivi leur activité.
C'était la bonne décision, je revis. Je suis épanoui et heureux.
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