Alstom perd le contrat des trains Intercités de la SNCF au profit de l'Espagnol CAF

La SNCF vient de confirmer son choix du constructeur ferroviaire espagnol CAF pour fournir 28 nouveaux trains destinés aux lignes Intercités Paris-Toulouse et Paris-Clermont, pour un coût d'environ 700 millions d'euros. Syndicats et élus sont choqués par cette décision qui ne privilégie pas  Alstom.

Les syndicats d'Alstom avaient déjà interpellé le 10 septembre le gouvernement sur l'attribution au constructeur espagnol du marché de ces nouveaux trains qui circuleront sur les lignes Intercités Paris-Toulouse et Paris-Clermont. L'annonce de ce contrat pour CAF avait été faite par la lettre spécialisée Mobilettre
  
Dans un courrier à la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne, responsable des transports, l'intersyndicale FO, CGT, CFE-CGC et CFDT d'Alstom avait fait valoir que le groupe espagnol Construcciónes y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) "propose uniquement l'assemblage final des trains sur le territoire national dans son seul site français qui emploie une centaine de salariés" à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

En face, "l'offre d'Alstom s'appuie sur l'excellence de ses métiers et de ses compétences à travers huit de ses sites", avec des retombées en termes d'emplois en France pour Alstom allant "jusqu'à 700 personnes en fonction du produit retenu dont 200 ingénieurs et plusieurs centaines d'emplois chez les fournisseurs", indiquaient les syndicats.
    

"Si elle se confirmait, l'attribution du marché à notre concurrent espagnol risquerait de porter un coup fatal à l'avenir des sites fragilisés de Reichshoffen et Belfort ainsi qu'à la filière ferroviaire en Alsace et en Bourgogne-Franche-Comté",


ajoutait  l'intersyndicale ce 10 septembre. Ces arguments n'ont pas convaincu la SNCF.

Incompréhension à Belfort


Aujourd'hui, c'est l'incompréhension à Belfort. D'après le représentant de la CFDT Olivier Kohler, interviewé par nos confrères Vanessa Hirson et Eric Debief, cette décision de la SNCF est en totale contradiction avec les intentions de son actionnaire principal l'Etat français. 
 
Même choc pour le député européen Christophe Grudler (Modem) qui a publié en fin d'après-midi un communiqué : 

"Les règles de concurrence ont bel et bien été respectées pour cet appel d’offres, et je ne me permettrais pas de porter un jugement quelconque sous l’angle juridique ou administratif.
En revanche, je suis choqué par ce choix pour des raisons avant tout morales, liées à la défense de notre tissu industriel ferroviaire français et européen.
La SNCF a choisi d’acheter des trains à un industriel qui ne fabrique pas ses propres moteurs : les motrices et rames de CAF sont uniquement équipées de moteurs japonais Hitachi, qui ne sont pas fabriqués en Europe.
En clair, avec ce dossier, la SNCF a ouvert l’accès au marché européen à un fabricant japonais, alors que nos fabricants ferroviaires européens (dont Alstom) sont interdits d’accès au marché ferroviaire japonais.
Dès ce jour, je saisis les instances européennes, qui ne doivent pas rester les bras croisés. Il est urgent de mettre en place le nécessaire principe de réciprocité d’accès aux marchés publics dans le domaine ferroviaire.
Il faut modifier les règles en vigueur, et reprendre les discussions autour de l’IPI (International Procurement Instrument), prévu à cet effet, afin de le faire aboutir rapidement.
Si cet outil avait été opérationnel, l’issue de cette commande de la SNCF aurait assurément été différente. »


L'appel d'offres, lancé fin 2016 par la SNCF pour le compte de l'Etat, porte sur le matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET, Intercités) Paris-Toulouse et Paris-Clermont, soit 28 rames auxquelles s'ajouteront éventuellement 75 rames en option, dont 15 pour équiper la transversale Bordeaux-Toulouse-Marseille. Le budget prévisionnel pour la tranche ferme a été fixé à 800 millions d'euros, en incluant les centres de maintenance. Un pactole qui aurait assuré du travail au site alsacien de Reichshoffen mais aussi à ceux de Belfort, Ornans, Le Creusot et Paris. 


"L'offre de Caf s'est avérée la meilleure"  


Et c'est hier, mardi 17 septembre, que le Comité de Pilotage entre la SNCF et l’Etat (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer) a examiné les résultats de l’appel d’offres "plaçant l’offre de CAF en première position et s’est prononcé en faveur de cette offre" précise le communiqué de la SNCF

"Cette commande représente un coût estimé autour de 700 millions pour la tranche ferme de 28 rames. L’offre de CAF s’est avérée être la meilleure sur les critères de performance technique, d’innovation, et de coût. "

Ces nouvelles rames seront mises en circulation à partir de 2023. Elles remplaceront progressivement les trains Corail et leurs locomotives qui pour certains ont plus de 40 ans, poursuit la SNCF dans son communiqué. 

"Si le Conseil d’Administration valide le choix de CAF comme attributaire pressenti, ces rames Intercités seraient réalisées sur deux sites industriels : Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes Pyrénées et Beasain au Pays Basque espagnol. Le site de Bagnères-de-Bigorre, précise la SNCF, deviendrait un véritable « campus industriel » composé d’une usine moderne et d’un centre de formation. Le nombre d’emplois directs pourrait plus que tripler y passant très rapidement de 100 à 350 personnes. Ce seraient plus de 30 millions d’euros d’investissements nouveaux qui pourraient être réalisés sur Bagnères par CAF. Au total, ce seraient plusieurs centaines d’emplois indirectement créés par ce projet, chez CAF et chez ses fournisseurs français" affirme la SNCF. 

"La filière ferroviaire française serait de facto affaiblie"

Quant au PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, il s'était confié à nos confrères de La Tribune, avant l'annonce officielle de ce contrat pour le rival espagnol. 

« Cette commande de trains Intercités représente, avec les options, dix années d'activité pour le site de Reichshoffen et l'ensemble des sites français qui fabriquent les composants. L'offre d'Alstom est à la fois complète, compétitive et répond aux plus hauts standards technologiques. Sans cette commande, la charge du site serait durablement affectée, avec des conséquences en termes d'emploi. Je comprends les inquiétudes exprimées par les partenaires sociaux. Si l'Etat décidait de commander des trains fabriqués en Espagne, ce serait son choix, mais cela enverrait un message très fort de défiance envers la filière ferroviaire française qui serait de facto affaiblie, avec un impact mécanique sur l'emploi en France »


a-t-il déclaré.

Cette commande intervient trois ans après le sauvetage du site d'Alstom de Belfort. Le constructeur ferroviaire français dénonce de nouveau la menace qui plane sur l'avenir de l'usine alsacienne de Reichschoffen et ses plus de 800 salariés si en cas de perte de ce contrat des trains intercités. En 2016, pour sauver le site d'Alstom à Belfort, menacé de fermeture, l’Etat avait annoncé la commande directe à l'entreprise de 15 rames de TGV, sans passer par l’intermédiaire de la SNCF. Audépart , Ces TGV devaient être destinés à alimenter les lignes Intercités Bordeaux-Marseille, Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan, gérées par l'Etat, et non des lignes à grande vitesse. mais finalement, selon nos confrères des Echos, Les 15 rames viendront rejoindre, en 2019 et 2020, le parc de TGV destinés à circuler sur la ligne Paris-Bordeaux.

Si Alstom est en passe de perdre la fabrication des Intercités, le groupe français avait remporté en juillet dernier la commande de 12 rames Avelia Euroduplex pour SNCF Mobilités pour un montant de 335 millions d’euros. "Cette commande, explique Alstom complète celle de 55 trains en cours de livraison. Les 12 rames seront mises en service en 2021 et 2022. Elles remplaceront des rames plus anciennes, certaines ayant plus de 30 ans."

C'est le conseil d’Administration de SNCF Mobilités du 24 octobre 2019 qui devrait prendre la décision définitive pour cette commande d'Intercités. 

 
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