Jeudi 28 mai en fin d’après-midi, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé que les restaurants pourraient rouvrir le 2 juin. Un délai de 4 jours, trop court pour de nombreux professionnels de la restauration mais aussi pour leurs fournisseurs.
Un délai de 4 jours avec un week-end et un jour férié, le lundi de Pentecôte... Malgré leur empressement pour faire le maximum en un minimum de temps, beaucoup de restaurateurs ont dû se résoudre à différer la réouverture de leur établissement, pour qu'elle ait lieu dans les meilleures conditions, pour eux, mais aussi pour leurs clients.
On ne peut pas techniquement se réapprovisionner en frais
Remettre un restaurant en marche, ce n'est pas une petite affaire. Les restaurants ont dû repenser leur organisation en fonction du protocole sanitaire qu'ils doivent respecter."On a eu le protocole dans la soirée dit le patron du restaurant Colombo, à Ahuy. Le lendemain matin à partir de 7 heures, j'ai appelé mes fournisseurs.
Pas de temps à perdre pour s'approvisionner. Il fallait faire vite pour être livré le plus tôt possible. Mais le problème, c'est que tous les restaurateurs ont appelé leurs fournisseurs en même temps.
Florent Colombo ne travaille qu'avec des produits frais de proximité, et ses fournisseurs sont des producteurs locaux en cycle court. "Mes oeufs proviennent d'une ferme de Gevrey-Chambertin, je fais venir les volailles de la Bresse... J'ai appelé mon fournisseur de viande, il était débordé. Il n'avait pas la quantité nécessaire pour ma commande d'entrecôtes par exemple. Mon producteur de truites, installé dans l'Aube à la limite du Châtillonnais, lui, ne peut pas me livrer avant jeudi".
Dépité, Florent Colombo a repoussé la date d'ouverture de son restaurant au 4 Juin. "On ne peut pas techniquement se réapprovisionner en frais. Ceux qui ouvrent ce mardi, tant mieux pour eux! ils ont sans doute d'autres filères d'approvisionnement, mais ils ne travaillent pas en frais à mon avis."
Certains fournisseurs n'ont pas encore repris leur activité
Même constat pour le patron du restaurant Ô P'tit Repère du Goût à Fleurey-sur-Ouche. Sa première déception a été de pas recevoir la livraison qu'il attendait vendredi soir. "Mon fournisseur ne m'a même pas prévenu pour me dire qu'il n'avait plus rien" dit Michaël Felmann. Il s'agissait de matériels et de produits désinfectants à utiliser dans le cadre du protocole sanitaire.Sa déconvenue a été encore plus grande quand il s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas non plus être livré en produits frais." Le lundi étant un lundi de Pentecôte, mon fournisseur ne pouvait pas commander pour le mardi et donc il faut attendre mercredi."
Michaël Felmann s'est heurté aussi à des portes closes. N'ayant aucune certitude sur la date de reprise d'activité des restaurateurs, certains fournisseurs n'ont pas pris de risques."Ils sont encore en chômage partiel. Ils ne pouvaient me proposer que du surgelé et pas de produits frais. J'ai l'impression qu beaucoup d'entreprises ne croient pas à la reprise" ajoute t-il.
Ce restaurateur est également déçu par la grande enseigne grossiste qui fournit les professionnels de la restauration. "Elle a réduit ses heures d'ouverture et certains rayons ne sont ouverts que le matin."
La réouverture se cera donc pour le mercredi 4 juin à midi. "J'ai décidé de ne rien changer à la carte. Ce sont des produits de saison. Pour le moment on a de la demande. On verra bien comment ça va se passer" dit Michaël Felmann avec un peu d'appréhension.
On va s'adapter. Heureusement que le chef a une trentaine d'années d'expérience!
Dans l'Yonne, l'Auberge d'Augy fait le même constat. Mardi 2 juin, elle ouvrira mais avec une carte réduite parce que beaucoup de produits manquent. "On sera obligé de faire des suggestions à nos clients" dit la co-gérante Marie Privé.Le restaurant espère que les clients seront assez compréhensifs car précise Marie Privé "ils n'auront pas tout le choix de la carte. Certains nous ont déjà dit qu'ils préféraient attendre car pour le moment nous n'aurons que 3 entrées et 3 plats à leur proposer. "
Le restaurant travaille aussi avec des produits frais mais n'a pas pû être approvisionné à temps: "On n'a pu être livré seulement en viande vendredi matin par un de nos fournisseurs qui nous appelé tard la veille.Mais pour ce qui est produits de la mer, nous proposons d'habitude des Saint-Jacques. Il n'y en a pas, on propose des gambas à la place".
Marie Privé, explique que le restaurant ne pouvait pas se permettre de passer des commandes pour mardi sans avoir la certitude de pouvoir ouvrir. "On a jeté beaucoup de marchandises quand il a fallu fermer et ce n'est pas pris en charge par les assureurs. Il a fallu de surcroît creuser encore notre trésorerie pour acheter les produits désinfectants et autres matériels du protocole sanitaire".
Les fournisseurs du marché local bien au rendez-vous
A l'Auberge de Saint-Usuge, en Saône-et-Loire, la réouverture sera un grand jour. Elle n'est pas prévue le 2, mais le 5 juin. Le restaurant a fermé pendant un an. De gros travaux ont été faits, et le redémarrage est trés attendu. Pas de souci particulier pour ce restaurant qui a pu s'approvisionner normalement."Nous sommes allés à l'ouverture chez le grossiste, on ne peut pas dire qu'il manquait vraiment grand chose. Quant à nos fournisseurs en frais, ce sont des gens du marché et ils peuvent nous livrer en temps et en heure. Mais notre fournisseur boisson était submergé, il nous livre mercredi.
Aucun problème avec l'approvisionnement direct en circuit court
L'approvisionnement en produits frais n'a posé aucun problème au Bistrot du Port. Cet établissement installé à Pont d'Ouche a depuis longtemps résolu le problème.
Sonya va elle-même chez ses fournisseurs. " Je travaille en circuit court à proximité, tout est à côté, on a aucun souci de transport. On s'organise, on a l'habitude" dit-elle.
Tout ce qui est utilisé en cuisine provient de la vallée de l'Ouche et de l'Auxois-Morvan. "Nous avons des congélateurs mais uniquement pour les glaces" dit Sonya
Pendant le confinement beaucoup de consommateurs ont fait le choix de s'approvisionner auprès des producteurs locaux.
A l'instar des consommateurs, les restaurateurs qui ont fait ce choix semblent eux aussi satisfaits.