Le Bar du Centre : un documentaire sur la vie dans un café à Pesmes en Haute-Saône

A la campagne, les bars ont tendance à disparaître. Le village de Pesmes, en Haute-Saône, a gardé le sien, le Bar du Centre. Pour ses habituésJoce, Yves,Marinette..., c'est un lieu essentiel. Le documentaire, réalisé par Jeanne Nouchi, nous emmène à leur rencontre. 
 

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Comme de nombreux bourgs,  Pesmes, en Haute-Saône,  a son Bar du Centre. Il est installé dans une bâtisse traditionnelle, au cœur d’un village classé parmi les plus beaux villages de France.

Dans ce lieu, un peu hors du temps, on parle des choses de la vie, les petites comme les grandes. C’est un véritable carrefour où il est possible de se rencontrer et se raconter.

Jour après jour, s'y retrouvent des femmes et des hommes, issus de différentes générations et milieux, sous le regard bienveillant de Sabine, la patronne, qui accueille leurs confidences sept jours sur sept.

La réalisatrice Jeanne Nouchi a posé sa caméra dans ce café. Son documentaire, Le Bar du Centre, nous permet d'approcher ces femmes et de ces hommes et de partager des morceaux de leurs vies. 
 

♦ Que représente le Bar du Centre pour ceux qui y viennent ?

 

A Pesmes, le Bar du Centre n’a pas fermé ses portes.  C'est un point de repère essentiel pour ses clients et un véritable outil d'observation de la société dans lequel s'est installée Jeanne Nouchi pendant cinq semaines. 


Après cinq semaines de tournage, en immersion de l’ouverture à la fermeture, le film que Jeanne Nouchi, 30 ans, a réalisé, ne se limite pas à une simple étude sociologique. Malgré le jeune âge de la réalisatrice, ce film répond essentiellement à un sujet que l’on retrouve tout au long de son travail : la solitude et ses différentes manifestations.

La solitude m’accompagne depuis longtemps. C’est un sujet omniprésent dans mon travail, le fil rouge des histoires que je désire raconter.  


Ce film documentaire nous emmène au cœur de l’histoire de chacun des personnages. Des femmes et des hommes dont la présence s'est imposée tout naturellement à la réalisatrice.

Je n’ai pas cherché à trouver tel ou tel profil, cela s’est fait naturellement. Je pense que c’est parce que ce sont des personnages dans la vie qu’ils sont devenus des personnages dans mon film. Jeanne Nouchi

En effet, comme assis à une table, on passe de la conversation des uns à celle des autres avec parfois de longs silences. A travers toutes ces confidences, faites avec retenue et pudeur, on devine des existences solitaires, des absences.

J’ai voulu comprendre pourquoi des personnes venaient dans ce bar. Que venaient-elles y trouver ? Faire passer le temps, trouver des personnes à qui parler ou tout simplement être seul ensemble ? Car c’est un lieu qui permet ce lien. Jeanne Nouchi


Le bar devient pour eux un espace où rompre un isolement que l’on perçoit tout au long du film.

♦ Le Bar du Centre, un lieu où on parle des choses de la vie


Avant d’entrer dans le Bar du Centre, sur le trottoir, une coquette terrasse fleurie donne l’envie au passant de s’arrêter et se poser pour un café ou une autre boisson, selon l’heure de la journée.
Parfois seul mais d’autres fois avec d’autres. C’est l’occasion de discuter de tout et de rien et parfois de choses plus importantes.

Une terrasse où Jeanne Nouchi nous ramène régulièrement, comme une ponctuation ou le refrain d’une chanson nostalgique.
Les sujets de conversation s’entremêlent : calendrier lunaire, changement de climat, position des astres... Des conseils de plantations sont donnés preuves à l’appui. Yves, une cinquantaine d’années, incarne une sorte de cowboy des temps modernes et aime parler de jardinage. Le soir venu, au lieu de se confier sur ses failles et l’absence d’amour dans sa vie, il préfère engager une discussion sur l’effet de l’amour sur les plantations.

Moi aussi mes poireaux, je les aime. Quand je les aime, ils sont sucrés et quand je ne les aime pas, ils ne le sont pas.

A l’intérieur, appuyés au bar ou attablés, d’autres clients se retrouvent autour d’un verre. Pour eux, c’est l’occasion de prendre des nouvelles des uns et des autres.
Comme leurs aînés, les jeunes fréquentent également le Bar du Centre et son babyfoot. Et tout comme pour leurs aînés, c’est l’occasion de danser, de flirter et parfois de s’ennuyer, mais ensemble.

Il ne faut surtout pas perdre de vue qu’à l’extérieur, sur la façade du bar,  la pancarte "Salle de jeux"» annonce la couleur. Ce café est aussi un endroit où on vient jouer et gratter des tickets.

C’est le cas de Bernadette, accroc aux jeux de grattage malgré la surveillance de sa famille.

Mon fils, quand je vais le voir ne veut pas que je gratte. Chez lui, j’ai été privée de grattage et ça m’a un peu sevrée. 

Mais très vite, son addiction revient au galop. Elle n’hésite pas à essayer d’emprunter quelques centimes pour pouvoir jouer. Tout comme son fils, les clients du bar veillent au grain et lui refusent ce prêt.

Quant à Joce, son amie, même si elle aussi aime gratter un ticket de temps à autre, son principal souci est de vider la maison de son frère Eric qu’elle vient de perdre. Malgré ce deuil et son chagrin, elle propose à Bernadette les vêtements de ce frère perdu.

Il a de jolis polos mon frère, des trucs habillés, il est de la ville. 

Joce est un personnage à part dans ce documentaire. Elle sait faire parler, écouter, conseiller et au bout du compte, c’est elle qui fait le lien entre tous ces personnages. Il faut dire qu’elle les connaît bien car dans la vie Joce est factrice.

♦ Difficile d’éviter de croiser son passé quand on vit dans un petit village !


Dans le Bar du Centre, il arrive aussi que le passé ressurgisse. Parfois, de vieux couples séparés se retrouvent autour d’une table.

C’est le cas de Marinette et Michel, qui ne sont plus ensemble depuis une dizaine d’années, mais toujours mariés. Pour eux, ces retrouvailles sont l’occasion de régler de vieux comptes en se lançant quelques piques. Malgré le temps qui est passé, la relation n’est pas encore tout à fait apaisée.

Mais cela ne dure pas longtemps. Très vite, des gestes d’affection, maladroits, ressurgissent comme lorsque Michel propose des tomates de son jardin à Marinette.

Avec ses 75 ans, Marinette est une femme rare dans le milieu rural. Elle assume sa féminité, tout en se moquant du regard des autres. C’est une femme libre. Jeanne Nouchi


Mais les marques d’attention, n’empêchent pas le chagrin de Marinette qui vient de perdre son dernier compagnon Yves.

Depuis qu’Yves n’est plus là, je suis floue, à côté de mes pompes. 

C’est dans ce café qu’elle vient partager cette absence et essaie de la combler auprès d’oreilles attentives.

Accoudé au bar, un autre client, Jean-Pierre, voit passer son ex-femme dans la rue. Là aussi, ce n’est pas tout à fait anodin.
 

♦ Le bar, un lieu où on est seul ensemble ?


Jean-Pierre est toujours assis au même endroit et semble attendre. Quand soudain arrive sa fille et qu'il retrouve le sourire. Jusqu’à ce qu’elle reparte et que l’attente aussi.

Pour moi Jean-Pierre est celui qui incarne le plus la solitude. Jeanne Nouchi


Entre deux cafés, deux parties de cartes ou deux verres, jour après jour, le Bar du Centre est avant tout un endroit où on parle de la vie. L’amour, la famille, les projets et même la sexualité sont au cœur des conversations.
Mais ce bar ne se contente pas d’être un lieu d’échanges. Il est également un lieu de consolation pour toutes ces personnes  qui sont sûres d’y trouver un soutien pour faire face aux aléas et aux chagrins de la vie.

Le Bar du Centre ne nous parle pas de la solitude liée à la ruralité, mais d’une solitude plus universelle, qui nous concerne tous.

Je pense qu’on est seul et que de toutes les manières, on ne peut pas tout dire, même aux personnes les plus proches. Il faut donc l’accepter pour ne pas mal la vivre. Jeanne Nouchi

En nous ouvrant les portes du Bar du Centre et l'intimité de ses habitués, le documentaire de Jeanne Nouchi fait de nous un nouveau personnage de ce bar. On devient celui qui écoute, qui s’attache, apprend à comprendre et peut-être au bout du compte découvre une part de lui.
Extrait du film documentaire de Jeanne Nouchi tourné à Pesmes en Haute-Saône. Produit par Pierre Jestaz(Keppler22) & France Télévision
Jeanne Nouchi, la réalisatrice de ce film documentaire, a vécu à Pesmes et connaît bien le Bar du Centre. Elle l’a beaucoup fréquenté à une époque de sa vie où il lui a servi de QG. C'est ce qui lui a donné envie d’y revenir.

Lorsque je suis rentrée vivre à Paris, j'ai repensé à ce lieu et je me suis interrogée sur la place qu’il occupe dans la vie de ceux qui y viennent quotidiennement. Que représente le Bar du
Centre pour eux ? Que viennent-ils y chercher ? Mais surtout, qu'y trouvent-ils ? 

 

♦ Les bistrots, une tradition française 


En France, quel que soit le nom qu'on leur donne, les cafés, troquets, bars sont de véritables emblèmes nationaux.

Dans les années 1960, on en comptait 200 000. En 2018, ils ne sont plus que 41 000.

En Bourgogne-Franche-Comté, une région où les deux tiers de la population vit à la campagne, on compte 1 475 débits de boissons en 2018 (chiffres FAFITH). La majorité d'entre eux sont installés en ville. 

A la campagne, les bars disparaissent, ceux qui restent deviennent incontournables et représentent souvent les derniers lieux de vie et de convivialité, comme à Pesmes.

Le gouvernement a pris en compte cette réalité. En septembre 2019, le Premier ministre a présenté l’Agenda Rural dont le but est de revitaliser les zones rurales. Il a proposé la mise en circulation des Licences IV. Elles permettent la vente d’alcool et ont été baptisées "licences de revitalisation".

Cette mesure veut préserver les lieux de convivialité dans les territoires ruraux en créant 1 000 cafés. Contrairement aux autres, ces licences ne peuvent pas être transférées ou vendues à des communes plus grandes.

Agenda rural : un plan gouvernemental pour faciliter la vie des habitants des zones rurales
Le Bar du Centre, un film de Jeanne Nouchi

Avec : Bernadette, Joce, Jean-Pierre, Yves, Marinette, Bébert, Michel, Lionel

Une coproduction France Télévisions & Kepler22Productions

Diffusion le lundi 20 janvier 2020 aux environs de 23h
Rediffusion le vendredi 24 janvier 2020 à 9h15
 
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