Le secrétaire général de la CFDT était à Dijon ce jeudi 9 janvier 2020. Un déplacement pour présenter le Pacte du pouvoir de vivre. Mais où il est forcément question de la réforme des retraites.
Laurent Berger est arrivé à Dijon ce 9 janvier 2020 avec 66 propositions. Une étape dans son "tour de France" pour le Pacte du pouvoir de vivre. Un manifeste de syndicats et d'associations, 54 organisations, pour une réforme sociale et écologique en pleine journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Entretien.
Vous présentez un pacte du pouvoir de vivre au moment d’une nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites. Pensez-vous qu’il y a un problème de hiérarchisation des enjeux du côté des syndicats ou du mouvement associatif ?
Le propre d’une association ou d’un syndicat, c’est de prendre les sujets quand ils arrivent. Mais à travers ce pacte du pouvoir de vivre, nous avons voulu reposer la question du temps long. Ce qui préoccupe aujourd’hui les citoyens, ce sont les inégalités et la question climatique. C’est ce sentiment que l’on ne va pas pouvoir continuer. On va dans le mur, parce que les richesses ne sont pas réparties équitablement aujourd’hui dans notre société. On ne peut pas continuer à vivre avec de plus en plus de personnes sans logement dans nos rues. Ce n’est pas du misérabilisme, c’est une réalité. On ne peut pas continuer avec 20 % des enfants qui sont en situation de pauvreté dans notre pays. On a trop peu parler en France de ce qu’il se passe en Australie, mais c’est un désastre énorme ! Nous pouvons construire un autre modèle de développement qui intègre des emplois durables et décents. Un modèle qui intègre une protection sociale, qui prenne en compte les évolutions du monde du travail, qui se préoccupe davantage des plus fragiles et qui intègre que l’on peut vivre différemment. Peut-être pas en ayant plus, mais en ayant mieux, autrement.
Dans ce pacte, il y avait la question du pouvoir d’achat, ce n’est pas anodin. Il y a aussi la question du vivre ensemble, un environnement sain, sur une planète durable. Vivre dans un logement correct, qui ne soit pas une passoire énergétique. De bénéficier de mobilité et enfin d’voir des capacités à agir. C’est aussi un appel à ne pas faire sans celles et ceux qui tous les jours, dans leurs associations, dans leurs organisations, prennent leur part pour changer le monde.
Irez-vous négocier demain [ndlr: vendredi 10 janvier] avec le gouvernement si l’âge pivot n’est pas retiré ?
La CFDT ne pratique jamais la politique de la chaise vide. C’est le meilleur moyen de ne pas avoir de résultats. Mais tout le monde le sait. La balle est dans le camp du gouvernement. Il faut retirer cet âge pivot. C’est faire payer aux plus fragiles les questions d’équilibre. Je rappelle que le principe de l’âge-pivot, c’est de demander à des personnes qui ont déjà tous leurs trimestres de partir plus tard à la retraite pour prendre en charge le déséquilibre financier de tout le système. Il faut retirer cette mesure. J’espère que le gouvernement l’entendra.
Pourquoi les choses bougeraient après 36 jours de blocage ?
Par exemple parce que l’on doit approcher les 80 000 personnes qui ont signé la pétition de la CFDT pour demander le retrait de cette mesure depuis 3 jours. Il peut y avoir une prise de conscience que cet âge pivot est injuste et totalement rejeté par la population. Il n’est jamais trop tard pour corriger les choses.
La question du financement du système de retraite ne nous a jamais désintéressés. Y compris pour un système universel ! Nous avons proposé une conférence de financement pour parler du financement à long terme, de l’équilibre à court terme ou encore du financement de mesures spécifiques comme le relèvement du minimum de pension, une mesure que nous soutenons. Il faut parler du financement ! Mais si dans le projet de loi, il y a déjà cette mesure injuste qu’est l’âge pivot, cela n’a pas de sens.
Nous irons aux réunions. Nous redirons qu’il faut retirer cette mesure et discuter du financement à moyen et long terme.
Pensez-vous que le gouvernement peut céder ?
Quand on est syndicaliste, on est convaincu que l’on peut réussir, sinon il faut aller à la pêche. Il n’y a pas, chez nous, de volonté d’avoir des gagnants et des perdants. Ce qui nous guide, c’est la justice sociale. Et cet âge-pivot ne répond pas à cette exigence de justice sociale.
Nous sommes déterminés mais avec le sens des responsabilités. Personne ne pourra dire que la CFDT n’a pas essayé de faire des propositions. Nous avons fait des propositions. Nous attendons maintenant un geste du gouvernement.
Le secrétaire général de la CFDT, absent des cortèges aujourd'hui, assume ses choix. Ce vendredi 10 janvier, il sera attendu à Matignon et il l'assure, la CFDT réaffirmera son opposition à l'introduction d'un âge pivot dans le projet de réforme des retraites.
Un reportage de Guillaume Desmalles et Rodolphe Augier avec Cécilia Ngoc :