Féminicides, la partie émergée de l’iceberg : dans le Doubs, les violences conjugales déferlent sur les tribunaux

3 femmes ont trouvé la mort tuées par leur conjoint ou ex-conjoint le 1er janvier 2022. Un macabre décompte débute une fois de plus. Derrière ces féminicides très médiatisés, 200.000 femmes seraient victimes de violences chaque année dans leur couple selon le collectif féministe #NousToutes. Parmi elles, de plus en plus osent déposer plainte.

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C’est le quotidien des tribunaux. Chaque jour, ils doivent faire face à des faits de violences conjugales. Un lundi comme un autre au tribunal correctionnel de Besançon dans le Doubs. On y juge une fois de plus des conjoints violents. Ils sont huit à l’audience à devoir répondre de harcèlement ou de violences physiques. Chaque histoire est différente. Les juges vont prendre le temps d’écouter, ces hommes, ces femmes, ces fragments de vies blessés, qui se sont pourtant aimés. Et frappés parfois. Les audiences peuvent se terminer très tard.

25 à 30% de plaintes en plus chaque année à Besançon

Depuis 2018, le tribunal de Besançon voit le nombre de plaintes pour violences conjugales augmenter de 25 à 30% par année. Un bond énorme. “Cela ne traduit pas forcément une hausse du nombre réel de violences conjugales” estime Etienne Manteaux, procureur de la République de Besançon. “Cette hausse, c’est ma conviction, est essentiellement liée à la libération de la parole, à un accès plus aisée des victimes pour déposer plainte” ajoute-t-il.

Chaque fois qu’une affaire de violences conjugales arrive dans la cité judiciaire, la crainte d’un féminicide est dans tous les esprits. Le 29 décembre, le dernier féminicide de l’année 2021 s’est déroulé à Besançon. Un homme a égorgé sa femme. La quinquagénaire secourue sur son balcon n’a pas survécu. Objectif pour la justice quand une affaire de violences conjugales est signalée : intervenir au plus vite pour stopper ou éloigner cette violence, en proposant une prise en charge adéquate aux maris violents et à leurs victimes. Éloignement, soins, protection des femmes et enfants, téléphones grave danger, bracelet anti-rapprochement, “tout cela nécessite du temps de la part des magistrats, tout cela se fait à quasi-moyens constants, et ça, c’est une vraie problématique pour nous” alerte une fois de plus le procureur du Doubs.

Conjoints violents, la réponse pénale s’est durci

Pour Etienne Manteaux, les choses progressent néanmoins. “L’évolution des attentes de la société par rapport à la justice, et le constat des féminicides qui restent en France à un niveau très élevé nous conduisent à être aujourd’hui beaucoup plus sévères qu’il y a cinq ou 10 ans” estime le procureur. Les poursuites judiciaires sont plus privilégiées. “Les procédures qui arrivent en audience correctionnelle sont massivement des affaires de violences conjugales” détaille–t-il.

“On n’ira jamais assez vite pour lutter contre ces violences faites aux femmes”

Christine Perrot est présidente de l’association Solidarité femmes Besançon. Elle a encore en tête la mort de Razia Askari, une mère de famille afghane égorgée en pleine rue en décembre 2018 par son mari à Besançon. Il n’avait pas le droit de l’approcher. Il a été condamné par la cour d’assises du Doubs en décembre 2021 à 30 ans de réclusion.

Pour Christine Perrot, le quinquennat d’Emmanuel Macron va s’achever avec un bilan décevant sur les violences faites aux femmes, malgré la tenue d'un Grenelle sur les violences conjugales. “De nombreuses voix s’élèvent pour demander des moyens, des logements supplémentaires, des moyens pour le ministère de la Justice pour instruire des plaintes, des moyens pour la police pour accueillir les plaintes des victimes. Tout est dit sur les besoins. Tout n’est pas dit sur les moyens accordés” regrette-t-elle. Selon elle, les budgets alloués à ce problème sociétal sont encore insuffisants, des progrès ont été réalisés néanmoins comme l’extension du numéro d’appel 39 19, désormais ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Marylie Breuil, membre de #NousToutes, a fustigé le 1er janvier un "énorme décalage entre les dispositifs mis en place et le nombre de femmes victimes de violences conjugales", dénombrant 379 bracelets anti-rapprochement en septembre 2021 et plus de 200.000 femmes victimes de violences conjugales.

"Les violences envers les femmes ne s'arrêtent pas avec la nouvelle année. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les féminicides sont seulement le haut de l'iceberg et qu'il y a énormément de violences psychologiques et physiques qui arrivent avant le fait de tuer cette femme", a-t-elle déclaré sur France Info alors que trois nouvelles femmes avaient perdu la vie en Meurthe-et-Moselle, dans le Maine-et-Loire et les Alpes-Maritimes.

Féminicides : 113 femmes mortes en 2021 en France

Selon un bilan du ministère de l'Intérieur, 102 hommes ont tué leur conjointe ou ex-conjointe en 2020. Ils étaient 146 en 2019. Le collectif féministe contre les violences sexistes et sexuelles #NousToutes a dénombré lui 113 féminicides en 2021.

"Le nombre de féminicides toutes les années ne faiblit pas, et c'est très grave" dénonce Marylie Breuil, membre de #NousToutes. “La plupart des politiques publiques mises en place par le gouvernement sont des politiques de répression, elles viennent punir les violences", a-t-elle estimé. Elle demande "des politiques de prévention pour éradiquer le problème à la source, des mesures d'éloignement dès que les femmes prennent contact avec la justice, et beaucoup de formation de tous les personnels en lien avec des victimes de près ou de loin".

Violences conjugales, que faire ?

L’association Solidarités femmes Besançon rappelle les consignes à toute femme en cas de danger.

  • Contacter la police ou la gendarmerie en composant le 17 ou le 114 (numéro d’urgence par sms).
  • Pour signaler des violences sexuelles et sexistes en ligne auprès d'un officier de police ou gendarme (7j/7, 24h/24) : https://www.service-public.fr/cmi
  • Pour bénéficier d'un hébergement d'urgence, contactez le 115 (7j/7, 24h/24). Vous avez le droit à tout moment de quitter le domicile avec vos enfants pour vous mettre à l'abri.
  • Si vous avez besoin d'une écoute et de renseignements, composez le 39 19 (7j/7, 24h/24).
  • Tchat avec des professionnel.les du lundi au samedi (10h-21h) sur le site : www.commentonsaime.fr
  • Application mobile gratuite pour alerter, parler, agir App-elles

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