Depuis le 26 décembre, un mouvement de grève est porté par le collectif "médecins pour demain" qui demande une revalorisation de la consultation médicale à 50 euros. Très critique à l'égard du gouvernement quant à "son manque de considération", le syndicat MG France se démarque pourtant du mouvement, dont il considère les revendications exagérées.
Alors que le collectif "médecins pour demain" a lancé une seconde semaine d'appel à la grève et prévoit de manifester le 5 janvier prochain à Paris, nous avons échangé avec le docteur Anne-Laure Bonis. La Déléguée régionale de MG France déplore le manque de considération des pouvoirs public mais considère qu'augmenter de 100% la tarification de la consultation est exagéré au regard de la conjoncture économique.
Pourquoi le syndicat MG France n'appelle pas officiellement à manifester sur Paris le 5 janvier prochain ?
Anne-Laure Bonis : Le mouvement de contestation qui a été lancé début décembre par le collectif "médecins pour demain" est très légitime. Il témoigne d'un ras le bol généralisé de notre profession face au manque criant de reconnaissance des pouvoirs publics vis à vis de notre travail. Mais demander une revalorisation de la consultation qui passerait alors de 25 à 50 euros n'est pas réaliste. Quand vous savez qu'un seul euro d'augmentation induit un coût de 220 millions d'euros pour la Sécurité Sociale, imaginez le coût à supporter pour atteindre les 50 euros demandés. Je vous passe le calcul, cela reviendrait à 7 milliards d'euros. C'est impossible.
Il ne faut donc rien changer à la situation?
A.-L. B. : Bien sûr qu'il faut demander une revalorisation de nos actes, mais de façon plus raisonnable, plus réaliste. La dernière augmentation que nous avons perçue dans la tarification de nos soins remonte à 2017. Nous étions passés de 23 euros à 25 euros la consultation. Rien depuis, et avec l'inflation que nous subissons nous avons tous besoin de mesures de compensation. Nous demandons que la consultation passe à 30 euros et que le gouvernement cesse de détricoter notre métier. L'accès direct aux kinésithérapeutes ou aux infirmiers est une fausse bonne idée. Il faut comprendre que nous sommes le premier maillon d'une chaîne de soins qui permet de poser un diagnostic et d'orienter les patients vers le bon spécialiste. Nous ne sommes pas de "simples" médecins généralistes !
Quelles améliorations réclamez-vous?
A.-L. B. : Ce qu'il faut, c'est permettre aux médecins généralistes de passer plus de temps au contact de nos patients, en nous déchargeant un maximum des taches non médicales telles la désinfection du cabinet, ou encore la mise à jour du carnet de santé. Pour ce faire, nous réclamons la possibilité d'avoir des assistants médicaux. Le président Macron dit vouloir un médecin traitant pour chaque Français, alors il faut refaire de ce métier un métier attractif en le revalorisant à sa juste mesure !
Entendez que pour chaque patient que nous prenons en consultation, nous passons en moyenne 18 minutes avec lui. Et pour chacun de ces cas, il y a en environ 3 à 4 motifs de consultation différents. Regardez comme l'Allemagne a fait face avec efficacité à l'afflux de patients lors de la première vague de Covid-19 que nous avons traversée. Et bien, si cela c'est passé ainsi chez eux, c'est qu'ils donnent les moyens à leurs médecins d'exercer leur profession dans de bonnes conditions. Ce n'est pas le cas chez nous.
Parfois, nous nous retrouvons dans notre cabinet face à des patients qui sont dans des "situations complexes". Il s'agit par exemple d'une vieille dame amputée d'un membre, qui présente une plaie infectée, a de la fièvre et en plus des problèmes de tension. Pour ce genre de cas, il n'y a rien qui existe ! Nous souhaiterions que ce genre de consultations puisse passer à 60 euros, à l'image des visites longues à domicile qui bénéficient depuis avril 2022 d'une tarification à 70 euros.
Toutes ces améliorations pourraient permettre à notre profession de stopper l'hémorragie. Avec la 4ème année d'internat de médecine à effectuer en zone rurale et le manque patent de considération des autorités de santé pour notre profession, il ne faut pas s'étonner que de plus en plus de médecins généralistes prennent la décision de décrocher leur plaque ou d'étudiants celle de renoncer à cette spécialité. Car oui, la médecine générale est une spécialité à part entière, qui mérite d'être respectée !