Produire des masques en France, un créneau toujours porteur ? Faute de demande, certaines entreprises bourguignonnes ont arrêté d'en confectionner, après le confinement. Mais aucune ne regrette de s'être lancée. Tour d'horizon.
Rappelez-vous. Lorsque le pic de l'épidémie de Coronavirus était encore devant nous, les Français découvraient, un peu effarés, que les masques étaient une denrée rare. La France n'avait pas suffisamment de stock pour répondre à la demande, que les masques soient homologués ou plus artisanaux. Certaines entreprises n'avaient alors pas hésité à adapté leur production et tournaient à plein régime. Qu'en est-il aujourd'hui, à l'heure où le masque est devenu obligatoire dans les lieux clos ? Tour d'horizon non exhaustif.
Elle a arrêté : la compagnie Dumas, à Tonnerre (Yonne)
La société spécialisée dans les couettes et les oreillers a produit 400 000 masques. La demande s'est effondrée lors du déconfinement, ce qui a conduit à l'arrêt de la production. "Le téléphone s'est arrêté de sonner, ça a été brutal, confie le dirigeant Edouard Dumas. Ce qui me déçoit, c'est que les pouvoirs publics n'ont pas totalement rempli leur part du contrat. On nous a sapé le travail en allant chercher des masques à l'export. Ceux de la commune d'Epineuil, par exemple, viennent du Pakistan".Malgré les 15 000 € investis pour adapter les automates, la reprise de la production de masques n'est pas à l'ordre du jour : la Compagnie Dumas a encore 100 000 masques en stock. Edouard Dumas reste "particulièrement satisfait" de cette période qui restera historique : "d'un point de vue social, le fait d'avoir continué notre activité a changé la donne pour notre personnel. On a su s'adapter, pour produire plus vite et plus fort. Tout le monde s'est senti utile, et nous sommes fiers d'avoir participé à l'effort national".
Ils ont arrêté, puis repris : Les Meubles Despont, à Varennes-Vauzelles (Nièvre) :
Des meubles aux masques, lavables 40 fois. La production s'était arrêté en juin, avec un bilan total de 110 000 masques livrés. Et le renfort de 15 couturières pour honorer toutes les commandes. "Mais la machine est repartie, constate le patron Nicolas Despont. On vient de recevoir une nouvelle commande d'un hôpital, de plusieurs milliers de masques". Les stocks de tissu sont suffisants pour répondre à de nouveaux besoins.Les Meubles Despont ont investi plusieurs dizaines de milliers d'euros pour adapter l'outil de production. Des coûts aujourd'hui amortis. "C'était un pari. On s'est jetés à l'eau, sans projet à long terme, explique Nicolas Despont. Humainement, ça a été très positif. Ça a été une belle période en termes d'engagement citoyen".
Elle continue : Géochanvre, à Lézinnes (Yonne)
Des masques à base de chanvre, biocompostables, de 65 centimes à 95 centimes l'unité. Près de 500 000€ d'investissement et à l'arrivée, un succès commercial. Géochanvre a produit 1 million de masques en kit. La demande, comme partout, a baissé très fortement lors du déconfinement. "A cause des masques importés, détaille Sandrine Bouchier, responsable du marketing commercial. Le patriotisme en a pris un coup. Mais on a vu l'importance de maintenir des savoir-faire nationaux, il ne faudrait pas que les gens l'oublient".La dynamique reste positive. Les masques de Géochanvre sont désormais proposés montés, et personnalisables. Et depuis que les masques sont devenus obligatoires dans les lieux clos, la demande est repartie. "On continue, car nous sommes les seuls à proposer des masques biocompostables. On est fiers de ce qu'on a fait ! C'était une prouesse technique." 2 personnes ont été embauchées.
Ils ne produisent que sur demande : les ateliers Gauthier, à Chalon
Au plus fort de la crise, les ateliers Gauthier, réputés pour leurs chemises haut-de-gamme, ont produit jusqu'à 900 masques par jour. Au total, ce sont 33 000 masques qui ont confectionnés à Chalon-sur-Saône. La demande, aujourd'hui, est quasiment nulle. "Contrairement à certains, nous n'avons pas de stock, précise le dirigeant Michel de Saint-Jean. Mais notre savoir-faire fait que l'on peut réagir vite. On est prêts à repartir si besoin".Le bilan de cette période n'est pas négatif. "Le personnel a pu garder la main, estime Michel de Saint-Jean. Car sinon les couturières perdent le rythme. C'était valorisant pour elles". Du côté des déceptions : "je comprends que les administrations cherchent le moindre coût et se fournissent en Asie, mais quand on cherche à valoriser le "fabriqué en France", ça fait un peu tâche". Les ateliers Gauthier ont aussi produit 2000 blouses pour les hôpitaux.