Depuis 48 heures, le ministre de l’Economie relance les aides faites aux entreprises pour fermeture administrative. Parmi elles, le PGE, le prêt garanti par l’Etat. Les banques peuvent néanmoins le refuser. Explications
Aucun revenu depuis un mois, dix salariés au chômage partiel et bientôt, 200 000 euros de pertes prévisionnelles sur le chiffre d’affaires. Au Domaine des Prés Verts, en Côte d’Or, l’avenir paraît morose. « Jusqu’au 10 mars dernier, l’établissement était complet ! Aujourd’hui, il est voué à disparaître » confie Jérémy Leleu, co-gérant de l’hôtel-SPA de luxe. Mais cette inquiétude vient aussi du refus de prêt bancaire auquel son domaine hôtelier est confronté.
Le PGE, Prêt à Garantie de l’Etat a été mis en place par le gouvernement le 25 mars dernier, garantissant jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts aux professionnels, sur 5 ans maximum.
Ce que le communiqué ne précise pas, en revanche, ce sont les critères d’attribution. « Les banques sont et seront là » peut-on simplement lire en conclusion. D’emblée, Jérémy Leleu a pris rendez-vous avec sa banque, le Crédit Mutuel de Saulieu, pour obtenir son PGE. Mais c’est un refus immédiat. « Mon banquier a même ironisé, me disant que j’étais un gourmand ! » se souvient-il.« Ce dispositif inédit permettra à l’ensemble des entreprises françaises de surmonter la perturbation importante de leur activité induite par la crise sanitaire actuelle […] soit près de 15% du produit intérieur brut » détaille le communiqué du ministère de l’Economie.
"J’étais venu faire un prêt de 180 000 euros. Puisque j’y ai droit je ne vois pas pourquoi il a dit non ! On dirait qu’on vient leur demander un cadeau, mais pas du tout ! C’est un prêt, on sait très bien qu’on va le rembourser ! » insiste le gérant d’hôtel.« On dirait qu’on vient leur demander un cadeau, mais pas du tout ! C’est un prêt, on sait très bien qu’on va le rembourser ! ». Jérémy Leleu, Domaine des Prés Verts
« Je n’ai même pas su le motif du refus, reprend Jérémy. La Banque de France, à Dijon, m’a confirmé que les banques n’étaient pas tenues de justifier leurs décisions quand elle s’opposent à un PGE » témoigne-t-il. « Notre prêt était destiné à rembourser les annulations des clients, maintenir les salaires du personnel, à payer les factures de nos fournisseurs et les charges fixes. Et puisque je ne suis pas clients dans d’autres banques, elles ne peuvent pas m’accorder de prêts non plus » déplore-t-il enfin.
Les organisations patronales satisfaites
A l’instar de Jérémy Leleu, au Domaine des Prés Verts, il pourrait y avoir jusqu’à 35% d’entreprises de Bourgogne Franche-Comté en dépôt de bilan après la crise du coronavirus. « Mais ce ne sont pas les banques qui en seront responsables » estime Geoffroy Sécula, président de la Confédération des PME de Côte d’Or. « Dans ce contexte, elles sont beaucoup moins strictes sur les prêts puisque déjà 80% des demandes de nos adhérents ont été acceptées » précise-t-il.
« Moi je trouve juste regrettable qu’un banquier demande des plans de trésorerie à ses clients, alors que lui-même n’est pas en mesure de savoir ce qu’il va se passer économiquement dans les 6 prochains mois » opine à son tour Régis Penneçot, président de la Chambre des métiers et de l’Artisanat de Côte d’Or. « A part cela, en ce moment, je n’ai rien à leur reprocher, je considère aussi qu’elles jouent le jeu pour faciliter les PGE à nos artisans en difficulté » lance-t-il.
Moins de 5% de refus
Les chiffres nationaux rendus publics par la Fédération Bancaire Française confirment la tendance. Elle comptabilise 187 000 dossiers de Prêt à garantie de l’Etat acceptés, contre 8 000 refus. Cela représente moins de 5% des demandes nationales à ce jour.Localement, la CPME de Côte d’Or indique, elle, que 2 patrons de PME sur 3 ont déjà obtenu cette garantie des banques. « On peut même dire, chez nous, que 80% des nos établissements ont le sentiment d’avoir été bien soutenus » indique Geoffroy Sécula.
2 milliards d’euros de prêt par jour
« Pendant la crise en 2008, il fallait sauver les banques et les grandes entreprises, là aux moins ce sont les petites structures que l’on veut sauver » analyse à son tour Régis Penneçot. « Il ne faut pas toujours imaginer que les banques ont des mauvaises intentions. En ce moment, les chiffres qui nous viennent directement du ministre Bruno Le Maire, sont encourageants. La semaine dernière, il y a eu 20 milliards d’euros de prêts garantis par l’état, cette semaine ce sont 2 milliards d’euros chaque jour ». Mais alors pourquoi les artisans ou les PME craignent à ce point la faillite ?
« Les entreprises ont vite besoin de liquidités »
Geoffroy Sécula, Président CPME de Côte d'Or
La perte de chiffre d’affaires très rapide serait l’explication la plus évidente. « A la CPME de Côte d’Or, 95% de nos entreprises ont déjà perdu plus de 50% de leur CA sur les mois de mars et avril » détaille Geoffroy Sécula.
« L’impact est très net, et le prêt ne sera pas suffisant non plus. Les entreprises ont vite besoin de liquidités » insiste le président de la CPME.
L’Etat a pourtant mis en place un fonds de solidarité. Une aide mensuelle de 1250 euros est accordée aux travailleurs indépendants et une de 1500 euros pour les entreprises de moins de 10 salariés. « Il y a maintenant un volet 2 du fonds de solidarité, qui peut débloquer une aide de 1500 à 5000 euros. Les entreprises vont devoir compter dessus » lance Geoffroy Sécula.
La médiation du crédit, l’ultime recours au PGE
Il existe aussi la Médiation du Crédit. Le dernier recours, avant le refus définitif du prêt garanti par l’Etat. L’organisme est rattaché à la Banque de France, dans le but justement d’aider les entreprises confrontées à un refus de prêts de la part des banques.
« En ce moment, les demandes de médiation explosent, notamment de la part des TPE » raconte le médiateur Frédéric Visnovsky à nos confrères de la Tribune. « Mais ce sont déjà des dossiers que nous avions pour habitude de traiter avant l’arrivée de la pandémie » détaille-t-il.
En Bourgogne, aucune banque sollicitée ne s’est exprimée sur la question, et la Médiation du crédit n’a pas souhaité nous en dire davantage. « Ceux qui n’ont pas de PGE avaient forcément des grosses difficultés avant la crise sanitaire » lance simplement une médiatrice anonyme, avant de couper court à la conversation.