Les 20 et 27 juin, les élections régionales et départementales vont se tenir dans un contexte particulier de crise sanitaire. Quel impact sur la participation ? L'abstention peut-elle jouer en faveur du Rassemblement National ? Le politologue Benoît Cautrès nous livre son analyse en six questions.
Les élections régionales et départementales sont officiellement prévues les 13 et 20 juin prochains. Des élections qui ne suscitent pas vraiment pour le moment la mobilisation des électeurs. La participation reste donc la grande inconnue de ces scrutins. Est-ce que le risque d'abstention forte pourrait jouer en faveur de certains partis comme le Rassemblement National ? Eléments de réponse avec le politologue et chercheur au Centre national de recherche scientifique, Benoît Cautrès.
Pour l'instant, ces élections ne passionnent pas. Qui pourrait être favorisé en cas de faible participation ?
Bruno Cautrès : Quand il y a une faible participation à des élections, c’est tout le monde qui est perdant généralement. Par contre, on peut dire qu’il y a un certain nombre de forces politiques qui sont déjà dans les startings blocks des échéances nationales de 2022 et dont l’électorat est très mobilisé. Je pense en particulier au Rassemblement national qui dispose de l'électorat le plus loyal à ces choix de vote. C’est un électorat qui est très motivé, très mobilisé déjà. S’il y a un parti qui peut être avantagé par une faible participation, c’est probablement le Rassemblement National car il dispose d’un électorat extrêmement mobilisé.
Dans le même temps, c’est une formation politique qui ne dispose pas d’un ancrage régional aussi important que ceux dont disposent les socialistes ou les Républicains. Il y aura donc une sorte de balance entre la mobilisation de certains électorats mais aussi l’ancrage territorial dont il dispose déjà.
Cela veut-il dire que le rassemblement national pourrait donc glaner plus d'élus en Bourgogne Franche-Comté qu'aux élections de 2015 ?
C’est une des régions où l’implantation du Rassemblement National a sensiblement augmenté au cours des dernières élections présidentielles ou européennes. On voit que c’est une des régions de France ou le RN a pris des parts de marché.
C’est une des régions où le RN obtiendra de bons scores. En tout cas, c’est ce que laisse prédire l’ensemble des données dont on dispose aujourd'hui.
Obtiendra-t-il pour autant des élus ?
C’est une autre histoire. Obtenir des élus et faire de bons scores, ce n’est pas forcément la même chose. On sait qu’on a là un mode de scrutin qui a toujours une prime majoritaire donc il y aura bien des élus du RN soit dans l’ensemble de la France soit dans l'ensemble des conseils régionaux. On voit qu’aujourd’hui, on est sur une trajectoire favorable pour le RN dans un certain nombre de régions dont la Bourgogne Franche-Comté.
C’est donc particulièrement le RN qu’il faudra observer durant ces scrutins ?
Oui. On a peu parlé pour le moment de la région Bourgogne Franche-Comté. La vedette lui a été volée par ce qu’il se passe dans la région PACA ou dans les Hauts-de-France. Cela a un peu masqué les enjeux en Bourgogne Franche-Comté qui sont pourtant importants. Au cours des 10-15 dernières années, le RN a clairement progressé dans les élections locales. Au départ, c’était un point faible. La situation a considérablement évoluée. On n'est plus du tout sur un parti qui a dû mal à composer des listes. C’était le cas il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, ce n’est quasiment voire plus du tout le cas.
Concernant les alliances de l'entre-deux tour ou les soutiens, les soutiens au second tour, faudra-t-il en tirer des conclusions nationales ou uniquement locales ?
Il y aura un dosage entre les deux. Les élections locales sont assez préfiguratrices de ce qui va se passer au niveau de l’élection présidentielle. Il faut se garder de faire le calque entre les élections régionales, départementales et l’élection présidentielle. Mais on peut dire quand même qu’il s'agit des dernières élections avant la présidentielle. Tout cela va se cristalliser autour de l’implantation du Rassemblement national et de l’attitude que les partis politiques adopteront vis-à-vis du RN.
Quelle peut-être le poids de ces élections en vue de l'élection présidentielle ?
Ces élections seront extrêmement politiques. Nous sommes dans une période de reconfiguration de la vie politique et de la vie partisane. Cette reconfiguration a commencé bien avant l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Le Rassemblement national, ancien Front national, s’est installé comme un élément et un acteur structurel de notre vie politique depuis le milieu des années 90.
Ce sont des élections qui restent pour le moment moins mobilisatrices que l’élection présidentielle. En 2015, la moyenne de l'abstention était de l’ordre de 50% voire un peu plus. Ce sont des élections à composante locale, faiblement mobilisatrice. D'un point de vue des stratégies des appareils politiques, elles commencent à nous dire des choses impotantes, notamment au niveau des Régionales. Car l’exécutif régional, cela commence à s’apparenter à une petite élection présidentielle.