Alison Monks-Plackett habite Pillemoine dans le Jura. 58 habitants. 7 conseillers municipaux dont la citoyenne britannique. Mais tout cela, c'est bientôt fini. A cause du Brexit. "Je suis vraiment décue, maintenant, je suis en dehors de tout cela" confie la citoyenne anglaise.
Elle fait partie des orphelins du Brexit. Ces orphelins du droit de vote désormais aux élections en France. Depuis que la Grande-Bretagne a quitté l'Union Européenne, le 31 janvier 2020, les ressortissants de l'Union Européenne résidant en France ont perdu le droit de vote qu'ils avaient aux élections municipales et européennes.
Dans son petite village de Pillemoine, près de Champagnole dans le Jura, la citoyenne britannique est pourtant parfaitement intégrée. Elle nous parle dans un français teinté d'un léger accent de la langue de Shakespeare. Arrivée en Suisse en 1976 pour enseigner les arts plastiques, Alison Monks-Plackett avait acheté une veille maison au calme dans les paysages verdoyants du Jura. Depuis 1992, et sa retraite, c'est ici qu'elle vit. Qu'elle s'y sent bien.
La citoyenne britannique avait voté aux municipales en 2014. Puis aux élections européennes en 2017.
Le Brexit est une chose très triste pour nous tous, les "citoyens Europeans"
Alison n'a rien vu venir. Pas osé croire au divorce entre son pays de naissance et l'Europe. "Jusqu'à la dernière minute, je ne pouvais pas imaginer que la Grande Bretagne acte le Brexit" dit-elle. "Je suis déçue. Mon père a combattu durant la seconde guerre mondiale, il était convaincu de l'Europe. Mon frère est parti en Hollande, moi vivre en Suisse... je me suis toujours sentie européenne, j'aimais le fait de pouvoir voyager et travailler partout. Je n'ai jamais songé à demander la nationalité suisse ou française" confie la Jurassienne d'adoption.
Un seul passeport britannique, et exit le droit de vote en France
Depuis le 31 janvier, date du Brexit, Alison a perdu un petit bout d'elle même. Elle était conseillère municipale dans son village proche de Champagnole. Elle vit ses dernières heures de mandat après six ans d'engagement. Comme les 757 conseillers municipaux britanniques désignés en 2014 par les électeurs un peu partout en France.
"Dans ma commune, je fais partie du SIVOS qui s'occupe des écoles. Je m'occupe des fleurs, d'organiser la déchetterie.... dans le village, on me surnomme madame animaux. Dès qu'il y a un animal en errance ou mort, c'est moi qu'on appelle" explique la septuagénaire avec sourire et fierté.
Moi, j'étais prête à repartir pour six ans
"J'étais intégrée, le fait de dire que je suis anglaise ne signifie pas grand chose dans le village. Pillemoine, c'est tout petit. Trouver des gens pour le conseil municipal, c'est difficile. Des anciens vont terminer leur mandat. Moi, j'étais prête à repartir pour six ans. Je suis à la retraite, je suis sur place, j'ai du temps" argumente-t-elle.
Le départ de la citoyenne britannique du conseil municipal est un crève-coeur aussi pour la petite équipe municipale. "Alison, c'est quelqu'un de parfaitement intégré. Elle oeuvrait à la vie de la commune. Elle était présente sur beaucoup de sujets. C'est bien dommage qu'elle ne puisse pas se représenter surtout dans notre petit village où il est difficile de trouver des candidats" explique le maire actuel Hervé Girardot. "Si elle veut continuer à s'engager, il restera les commissions communales où les habitants ont possibilité de s'investir" précise-t-il.
Le goût de la nature et de l'écologie
Dans son petit village du Jura, Alison ne cache pas qu'elle avait voté écologiste lors dernières élections. "Mon intérêt est pour la nature, et pour le climat. A Pillemoine, j'essaie de remettre les fleurs sauvages d'antan, et une haie d'arbustes traditionnels" confie t-elle. "Pendant mon mandat, deux anciens bâtiments ont été convertis par la commune en logements avec isolation et chauffage écologique. Le maire a planté un verger, rénové deux anciennes fontaines potables avec notre eau de source. Il a donné le feu vert pour un apiculteur pour poser des ruches. Moi, je voudrais voir plus. Les cuves posées sur tous les bâtiments communaux pour récupérer l'eau de pluie pour les habitants et les fleurs de la commune durant les périodes de sécheresse. Voilà deux étés que la source de notre village, L'Ecuelle du Chien atteint ses limites" explique Alison. Elle avait des projets comme protéger les nids d'hirondelles, ou remplacer les anciens volets pour favoriser l'habitat des chauves-souris. "C'était la prochaine étape, que j'avais envie de proposer, et je suis très déçue de ne plus en faire partie" regrette la septuagénaire.
Je ferai mon mandat jusqu'au bout
Les 15 et 22 mars 2020, Alison Monks-Plackett prendra son tour, comme elle dit à la mairie. Avec un brin de nostalgie. Deux par deux, les conseillers vont se relayer pour tenir le bureau de vote. "Je ferai mon mandat jusqu'au bout, mais ce sera frustant bien sur de ne pas voter" regrette la Britannique.
Un peu d'amertume, mais la fierté d'avoir été au service de sa petite commune de coeur. "J'ai beaucoup appris sur le système français, ainsi que sur le fonctionnement d'une petite commune, c'est passionnant" ajoute la conseillère municipale.
Son droit de vote, Alison ne peut plus l'exercer désormais, ni en France, ni en Angleterre. Elle y a perdu le droit de vote, car elle a quitté le pays depuis plus de 15 ans.