Alors qu’en France, les procès se succèdent contre Enedis, le collectif Stop Linky en Saône-et-Loire vient de lancer une action juridique. 283 plaignants dénoncent un "risque majeur de remise en cause" de leurs libertés.
Le petit boîtier vert du fournisseur d’énergie n’a pas fini de faire parler de lui. C’est via un communiqué que le collectif Stop Linky a annoncé le lancement officiel de son action juridique contre Enedis. Le groupe, assisté de l’avocat lyonnais Edouard Raffin, évoque une « lutte plus que jamais d’actualité, dans la course au tout numérique, accélérée par la pandémie actuelle ». Il dénonce, dans un premier temps, une utilisation abusive des données collectées par les compteurs Linky.
L’action juridique de Stop Linky vise une résolution amiable des litiges. Un point de conciliation doit être trouvé entre les avocats d’Enedis et Maître Raffin. Cet accord consiste en un respect du refus des usagers de l’installation des compteurs Linky à leur domicile et le retrait de ceux qui seraient déjà posés. « Nous n’avons aucune obligation à les accepter » rappelle le collectif. Si aucun accord n’est trouvé, alors la décision reviendra à un Tribunal Judiciaire de Saône-et-Loire.
A ce jour, Enedis n’a encore apporté aucun élément de réponse. Mais que reproche concrètement Stop Linky ?
"Une forme d'espionnage grâce aux données collectées"
En avril dernier, Christian Estrosi, maire de Nice, « sensibilisait les autorités de l’Etat afin qu’elles puissent solliciter Enedis pour vérifier que les résidences secondaires ne soient pas occupés pendant la période des vacances, afin de faire respecter la période de confinement. » Nos confrères de Checknews ont cependant rappelé que la collecte des données nécessite soit l’intervention d’un agent pour relever les compteurs, soit une télétransmission via les Linky eux-mêmes. Rapidement, les syndicats se opposés à une telle démarche, demandant « que les données que récolte le compteur ne soient pas utilisées à des fins autres que la distribution d’énergie. »Joint par téléphone, Stop Linky craint un « risque majeur de remise en cause de nos libertés ». Cette première proposition du maire de Nice fait craindre aux usagers du compteur Linky qu’il ne se transforme en « mouchard, pour surveiller tous les appareils qui marchent dans une maison et ainsi savoir si elle est occupée ou non. » L’INC (Institut National de la Consommation) rappelle qu’à l’heure actuelle, les compteurs Linky relèvent des courbes identifiant les périodes de forte consommation dans la journée, dans le mois ou dans l’année. Des index quotidiens (l’abonnement heures pleines/heures creuses par exemple) sont aussi relevés à distance et transmis une fois par jour à Enedis, entre minuit et 6 h du matin. Ainsi, le consommateur a accès, via son espace client, à sa consommation. « En théorie, l’usager donne son accord pour la collecte des données. En pratique, la consommation électrique de nos appareils est enregistrée et permet de savoir ce qui fonctionne. On sait donc si les usagers sont présents. C’est une lecture de l’activité de nos maisons en direct » dénonce le collectif Stop Linky.
Pourtant, toujours selon l’INC, « les données communiquées par le compteur ne peuvent être identifiées qu’indirectement (…) Les noms ou adresses ne passent pas par le compteur. La seule information qui permet une identification est le numéro du compteur. Il faut ensuite croiser ce numéro avec le fichier des consommateurs. »
Les opposants au compteur Linky se méfient de l’installation du système "ERL" (Emetteur Radio Linky). Celui-ci devrait être installé sur les compteurs Linky et enregistrerait la consommation des objets connectés, « quand le monde des objets connectés va se mettre en place ». Aujourd'hui, Enedis n'a encore installé aucun de ces dispositifs.
Dans son communiqué, le collectif mentionne également la mise en place de l’application Stop Covid, pour comparer l'utilisation abusive des données des compteurs, « sans véritable débat démocratique, dans une société du tout connecté, déshumanisée et liberticide ».
Une mise en danger de leur santé
Au-delà de la collecte des données, Stop Linky souligne toujours aujourd’hui le danger que représenteraient les compteurs pour la santé. Sur 283 plaignants en Saône-et-Loire, environ trente seraient électro-hypersensibles. Ils souffriraient de symptômes provoqués ou aggravés par des ondes électromagnétiques. En cause, selon l'association, les ondes émises par les compteurs Linky.Pourtant, ce mois-ci, l’ANFR s’est montrée rassurante sur le sujet. Un rapport publié récemment démontre que le niveau d’exposition aux ondes émises par les compteurs électriques est « largement inférieur aux valeurs limites réglementaires ». « Dès qu’on s’éloigne de quelques dizaines de centimètres de la source de rayonnement, le niveau d’exposition baisse fortement » ajoute l’ANFR. « Il est faiblement probable que l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants engendre des effets sanitaires à court ou long terme. »
Mais, le 10 mars 2020, la Cour d’appel de Grenoble a donné raison à un particulier atteint d’hypersensibilité électromagnétique, qui refusait l’installation d’un compteur Linky. « Les juges d’appel, confirmant les mesures protectrices ordonnées en référé, ont estimé qu’Enedis avait violé le principe de précaution en ne tenant pas compte des incertitudes sanitaires reconnues par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) » a rappelé Le Figaro. Car « faible probabilité » ne veut pas dire « nulle ». Le principe de précaution l’emporte alors. De quoi prolonger le débat…