Contrôles aux frontières des skieurs : "c’est mission impossible", "on a mieux à faire" estiment des douaniers

Jean Castex a annoncé ce mercredi 2 décembre une série de mesures pour dissuader les Français d’aller skier à l’étranger, en Suisse notamment. Parmi ces mesures, des contrôles aux frontières laissés à l’appréciation des préfets.

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Au nom de "l'équité", le Premier ministre Jean Castex a annoncé sur BFMTV que le gouvernement envisageait une période d'isolement de sept jours pour les Français rentrant du ski à l'étranger afin de les empêcher "d'aller se contaminer dans les stations" suisses, espagnoles ou autrichiennes restées ouvertes. Des contrôles aléatoires seront donc instaurés aux frontières, pour un isolement à domicile ou dans un lieu d'hébergement.

Les préfets du Doubs et du Jura appliqueront-ils les mesures à la frontière suisse ? Il est trop tôt pour le dire. La perspective de se faire contrôler aux postes frontières de Vallorbe, La Cure ou au col des Roches interroge les Comtois qui pourraient être tentés de goûter à partir du 15 décembre aux joies de la poudre blanche sur les pistes suisses. Les remontées mécaniques étant à l’arrêt en France au moins jusqu’au 20 janvier.

"Un contrôle systématique des skieurs, c’est impossible"

Renaud Goyatton est secrétaire régional Solidaires Douanes en Franche-Comté. Comme les autres douaniers, il a pris connaissance des derniers propos de Jean Castex. "L’annonce du Premier ministre, si elle n’était pas faite dans ce contexte morose, prêterait à sourire. Depuis 15 ans, à la douane, on a perdu des emplois. Aux frontières, en Franche-Comté, il ne reste plus que sept brigades de surveillance contre 20 dans les années 80. Aujourd’hui, la frontière est une véritable passoire pour qui veut la passer" explique le syndicaliste.

"Cette annonce de Jean Castex nous laisse dubitatifs" 

Alors, la perspective de contrôler les automobilistes français pendant les fêtes, pour savoir s’ils reviennent du ski à l’étranger, le laisse dubitatif. Il ne reste que 190 à 200 douaniers armés et en uniforme le long des frontières avec la Suisse. "Avec les saignées en effectifs que nous avons eu, contrôler les skieurs, c’est impossible" selon lui. Et puis : “Comment distinguer des gens qui ont des skis sur le toit, de ceux qui ont loué en Suisse en stations ?" se questionne le douanier. Sans compter ceux qui ne font que transiter en Suisse en provenance des Alpes pour rentrer dans le Doubs ou le Jura. 

Renaud Goyatton se demande aussi sur quels textes, le gouvernement s’appuiera pour faire appliquer cette mesure. Certes, l’état d’urgence sanitaire lui donne une latitude. "Nous sommes une administration fiscale, pas de police. À quel titre allons nous contrôler ces gens, il n’y a rien dans le code des douanes", explique-t-il. "C’est une aberration de nous inclure dans un tel dispositif… Contrôler les touristes qui vont skier, c’est exposer nos collègues à des invectives. Cela risque de déclencher des réactions à la frontière si les files d’attente s’allongent en raison des contrôles" lance le syndicaliste douanier. "Et puis contrôler les skieurs, ce sera au détriment d’autres missions."

"On a beaucoup mieux à faire en cette période sur nos douanes" 

Magali Groussot, secrétaire régional Bourgogne SNAD-CGT connaît bien le travail aux frontières. Elle a été en poste à La Cure, la douane de la station des Rousses dans le Jura. "On va vérifier quoi dans les voitures, que les gens ont des skis, des chaussettes ?" s’interroge-t-elle. "On ne peut pas cautionner cette idée" d’après elle. "Depuis le début de la pandémie, les douaniers ont eu un rôle capital au niveau de l’importation des matériels médicaux, des masques, des respirateurs, ce sont des missions plus nobles que d’aller contrôler des skieurs" lance la douanière. Magali Groussot se demande aussi comment le gouvernement va procéder pour mettre en place les mesures annoncées par Jean Castex. Cela passera-t-il par un décret avec de nouvelles prérogatives pour les douaniers ? Un renfort des gendarmes, de la police de l’air et des frontières ?

"Si on veut vraiment sécuriser une frontière, on y remet des effectifs" 

En France, on compte selon Solidaires 17.400 douaniers. Après les attentats de 2015, il y a eu un renfort d’environ 500 douaniers. "Mais on n’est pas des Playmobil bleus, il faut arrêter les effets d’annonce. Si on veut vraiment sécuriser une frontière, on y remet des effectifs" lance Renaud Goyatton. Et ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour. "On s’attend à 200 à 300 suppressions d’emplois à nouveau en 2021", précise-t-il. On a bien d’autres soucis que contrôler des skieurs estime Magali Groussot. "On est en proie à deux réformes d’ampleurs qui se superposent et qui vont conduire au démantèlement de la maison" analyse la cégétiste.

Y aura-t-il des skieurs contrôlés à Noël aux douanes entre France et Suisse ? Les syndicalistes n’y croient pas vraiment, ou pas encore. "Cela reste une annonce politique qui n’a pas de déclinaison douanière pour l’instant" conclut le secrétaire régional Solidaires Douanes Franche-Comté.

Les politiques montent au créneau sur la question des contrôles des skieurs aux frontières

"On ne peut pas contrôler nos frontières pour éviter la venue des terroristes (comme celui de Nice), des clandestins, des trafiquants, mais comme par magie, on peut contrôler les frontières pour empêcher les Français d'aller sur un tire-fesses suisse ?!", a ironisé la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen sur Twitter.

"En tant que députée d'une circonscription frontalière avec la Suisse, je sais que les policiers frontaliers ont bien d'autres sujets de préoccupation, comme le grand banditisme et la criminalité organisée !" a affirmé de son côté la députée LR de Haute-Savoie Virginie Duby-Muller.
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