Avec ses 158 résidents, cette maison de retraite est la plus importante du département du Doubs. Depuis samedi dernier, elle est devenue une véritable forteresse, afin de résister au mieux à la pandémie.
Plus d'allées et venues vers le monde extérieur et des déplacements extrêment contraints et contrôlés à l'interieur des bâtiments. La stratégie mise en place au sein de l'Ehpad de Blamont est rarissime. Une mesure devenue indispensable, pour Maïlys Couffin-Kahn la directrice de l'établissement. « Nous avons commencé à réfléchir à ce confinement total il y a une quinzaine de jours. Nous étions bien conscients qu'à chaque déplacement de nos agents, nous nous mettions tous en danger : les résidents et les membres du personnel. Ce virus est vraiment sournois car certaines personnes contaminées sont asymptomatiques et c'est ce qui nous effraie le plus. ».
« La situation était devenue ingérable... »
Face à l'ampleur de la menace, la direction de l'établissement a donc décidé de déployer les grands moyens. Et tout s'est fait en plusieurs phases. Dès le 6 mars, les visites des familles de résidents ont été interdites et l'accueil de jour a été fermé. « La situation était devenue ingérable » explique Maïlys Couffin-Kahn. « Nous devions surveiller tous les gens qui sortaient, tous ceux qui entraient, c'était extrêmement lourd. Et malgré les gestes barrières, le risque était important ».
Dans les jours suivants, l'ensemble du personnel a été consulté. Chaque agent a pu s'exprimer librement. Et très vite une question s'est imposée pour la direction. Les agents étaient-ils prêts à être hébergés 24h sur 24 dans l'établissement, de manière préventive ?
« 73 Agents se sont portés volontaires... »
« Le débat a été très intense. Les agents voulaient savoir combien de temps durerait ce confinement. Nul n'est malheureusement en capacité de leur répondre. Nous avons bien sûr précisé à tous, qu'ils étaient libres de refuser cette option et que même s'ils l'acceptaient, ils pourraient renoncer et rentrer chez eux à tout moment. Mais malgré tout, l'idée a fait son chemin et dès la fin de semaine dernière, 73 agents se sont portés volontaires. C'est remarquable car il n'est pas simple du tout de quitter sa famille pour venir vivre, plusieurs semaines peut-être, sur son lieu de travail ».
En 3 jours, tous ces agents ont pu être soumis au test de dépistage du Covid 19 et ce ne fût pas chose facile. Mais dès samedi soir, le confinement total a pu commencer. « Nous nous trouvons dans un très vieux batiment, un ancien hospice tenu autrefois par des religieuses, mais notre chance est qu'il est coupé en deux parties distinctes. L'une accueille 64 résidents. L'autre 94. Les deux sont reliées par une galerie couverte. Nous avons décidé de les dissocier et de les rendre indépendantes l'une de l'autre. Seuls les chariots repas sont admis dans cette galerie, ainsi que le matériel de première nécessité : médicaments, prélèvements de laboratoire, linge de toilette.. Nous réduisons au maximum la présence humaine afin de minimiser les contacts et le matériel est déposé devant les portes. Si malgré tous nos efforts, l'un des batiments était contaminé, cela permettrait à l'autre d'être préservé ».
« Des lits de camps fournis par la Croix-Rouge »
Autre chance pour l'établissement, il possède une salle à manger à chaque étage. Une configuration qui là encore permet de reduire les contacts et les risques de contamination. De son côté, le personnel a su faire preuve d'une très grosse capacité d'adaptation afin que le confinement se déroule dans les meilleures conditions possibles « L'ambiance est magnifique. Il n'y a plus aucune notion de hierarchie, juste la volonté collective de protéger au mieux nos résidents » confirme La directrice. « La Croix-Rouge nous a fourni une quarantaine de lits de camps et autant de sacs de couchage. Certains agents ont amené leurs matelas gonflables et leurs couettes. Nous avons installé des lits dans plus d'une vingtaine de pièces afin de proposer des conditions d'hébergement satisfaisantes. Mais même si nous avons réduit les horaires de travail, la charge est lourde pour chacun. Les lingères, le personnel soignant, les cuisiniers... tous font preuve d'un état d'esprit exceptionnel ».
« Nous bénéficions d'un très fort soutien et ça fait du bien »
Déterminé et solidaire, le personnel de l'établissement s'apprête à vivre une période éprouvante mais pour tenir le choc, il bénéficie depuis le début de la crise d'un soutien très important. Le conseil général du Doubs, qui gère l'établissement, la municipalité de Blamont et aussi la population. Une aide spontanée qui galvanise tous les salariés et leur directrice « On sent que tous ces gens sont derrière nous. Les familles de résidents nous soutiennent aussi. Et ce soir par exemple, 30 pizzas vont nous être livrées par un restaurateur. Nous les réceptionnerons en appliquant bien sûr toutes les mesures barrières nécessaires, et cette solidarité nous touche énormément ».
A l'Ehpad de Blamont comme ailleurs, chaque jour qui passe est un jour de gagné sur la pandémie. Isolés du monde extérieur, le personnel et les résidents vont poursuivre leur combat. Et Maïlys Couffin-Kahn de conclure : « Nul ne peut dire que nous parviendrons à empêcher des contaminations. Mais au moins nous aurons fait le maximum pour préserver nos résidents... ».