Il est des endroits où il fait meilleur être confiné que d’autres… A la campagne, sous le soleil, entre Loue et Mont Poupet, la première journée complète de confinement était ici moins dure qu’en ville pour des jurassiens qui n’ont guère eu envie de quitter leurs maisons.
Après un moment de flottement mardi après-midi, le Jura, et plus particulièrement la campagne autour du triangle d’or Arbois-Salins-Poligny, est vraiment passé en mode confinement ce mercredi. Malgré un soleil éclatant et des températures plus que printanières, les quelques commerces encore ouverts n’ont pas vu grand monde et les sentiers, chemins et bords de Loue sont restés bien déserts.
A Ounans, après un coup de feu hier matin et un pic de 200 clients dans la journée, l’épicerie du village, ouverte 7 jours sur 7 depuis 1947, a vécu aujourd’hui une matinée de grand calme. Une première pour Zette, 75 ans, et sa fille, les propriétaires des lieux : « les gens sont venus seuls, sans enfants, ont gardé leur distance et se sont pressé de repartir avec ce qu’il leur fallait », explique Zette. « Beaucoup étaient tristes, inquiets, voire de mauvaise humeur », précise sa fille : « une drôle d’ambiance ».
À Saizenay, dans les hauteurs de Salins-les-Bains, le café-restaurant du Poupet, ouvert depuis 4 générations, a baissé le rideau pour la première fois en pleine saison des grenouilles. Derrière les volets fermés, Nicole, la patronne, 76 ans, s’active. « Je vide les placards, je nettoie, je range », nous explique-t-elle au téléphone. « Depuis que j’ai repris en 1991, je n’ai jamais fermé que deux semaines par an, au moment des fêtes de fin d’année ». Fataliste, Nicole voit s’envoler le chiffre d’affaire de sa meilleur période de l’année avec philosophie : « nous avions des réservation tous les jours, midi et soir, même si quelques personnes avaient commencé à annuler à cause du virus. Heureusement, j’ai pu décommander les livraisons du lundi et du jeudi à temps ». Son fils, Christophe, le cuisinier du restaurant, a été placé au chômage technique. « Il ne nous reste plus qu’à attendre la fin de tout ça », conclut-elle.
A Port-Lesney, le patron de l’Edgar, l’hôtel restaurant du centre du village, a décidé d’offrir jusqu’à samedi les repas qui lui sont restés sur les bras : « nous avions 60 réservations pour dimanche midi », explique-t-il, « alors autant en faire profiter les gens, sinon ça va partir à la poubelle ». Au menu, il y avait entre autre des queues d’écrevisses en gratin, de la croute aux morilles, du Pluma de porc. « Nous avons tout conditionné sous vide pour pouvoir conserver les plats. Si des personnes âgées ou seules du village et des alentours sont intéressées, elles peuvent nous contacter, nous leur offrirons avec plaisir. »
Dans le petit village touristique, où hier encore, malgré le début du confinement, on croisait quelques promeneurs à pied ou en vélo et des adeptes de la bronzette sur la plage au pied du pont, on n'a vu aujourd'hui personne dans les rues ni sur les chemins. A peine quelques clients pressés à la boulangerie, sitôt entrés, sitôt sortis. Et des pêcheurs adolescents en mal d'école buissonnière. La vie s’organise désormais dans les jardins et à l’intérieur des maisons. Dehors, la nature a repris ses droits.