Les organisateurs de festivals de musique de la région sont dans une situation délicate. Certains ont été contraints d'annuler ou reporter leur événement. D'autres, dont les événements sont prévus après la mi-juillet, sont dans l'attente. Tour d'horizon et paroles d'organisateurs, dans cet article.
La Franche-Comté est une terre riche de culture et de musique. On en prend encore plus la mesure à l'approche des beaux jours, quand les festivals en tout genre sortent de terre pour rassembler des centaines de milliers de mélomanes. Inutile de minimiser la situation, cette année est une année noire pour le milieu culturel, dans son ensemble. La crise liée au coronavirus, le confinement de la population et les distanciations sociales qui en découlent, entraînent l'annulation en cascade des événements culturels, depuis la mi-février 2020.
Après les salles de concerts, c'est au tour des Festivals musicaux de devoir prendre de lourdes décisions, entraînant la mise au chômage technique de milliers de professionnels du secteur : intermittents du spectacle, artistes et musiciens, techniciens... pour lesquels les garanties financières et les aides de l'Etat sont souvent minimes, voire inexistantes.
Le président de la République Emmanuel Macron l'a annoncé lundi 13 avril. Les grands festivals culturels doivent être annulés au moins jusqu'à la mi-juillet. Pour ceux programmés après cette date, le doute demeure.
"Il va falloir qu'on prenne des décisions"
Aurélien Bouveret, programmateur du Festival de la Paille ne cache pas que les annonces du président de la République le "mettent un peu dans l'embarras". Le festival du Haut-Doubs doit se tenir normalement du 31 juillet au 1er août 2020. Officiellement, il n'est donc pas encore annulé. Pourtant, on s'y attend du côté de Métabief. "On ne peut pas se prononcer sur une annulation tout de suite, mais on est pessimiste. En toute lucidité et toute décence, on ne voit pas comment on pourrait accueillir plus de 12 000 personnes par soir. Il va falloir qu'on prenne des décisions. On attend sur le gouvernement ou sur les instances publiques pour avoir un réel avis. On a que des questions mais personne n'a de réponse..." nous a expliqué Aurélien Bouveret.
Pour être rentable, le Festival de la Paille, dont c'est la 20ème édition cette année, doit avoir lieu à guichets fermés. Quoi qu'il arrive, cela semble compromis. "Même si l'événement avait lieu et qu'on faisait 80% de la jauge, on partirait déjà sur un gros déficit budgétaire. De toute façon, nous l'idée principale, c'est de ne rien faire qui puisse mettre en danger les spectateurs, les artistes ou les bénévoles. A partir du moment où il y a le moindre risque sanitaire, ce qui est le cas, en tout cas pour l'instant, on annulera. Ce serait indécent de prendre des risques pour faire notre édition, même par rapport aux autres festivals" détaille-t-il, tout en précisant qu'aucun artiste international n'était programmé pour cette édition 2020.
Annuler l'édition 2020 du Festival de la Paille peut-il mettre un péril l'événement pour les années à venir ? "Cela va nous fragiliser, évidemment. Globalement, on a une association solide et un bilan qui nous permettrait de survivre à une année sans. Si tout est annulé cet été, toutes les cartes vont être rebattues, beaucoup de questions vont se poser. Tout le secteur de la culture va être chamboulé" précise Sébastien Piganiol, directeur du Festival de la Paille et membre du Syndicat des musiques actuelles (SMA), regroupant environ 150 festivals français à but non lucratif.
"On a appelé à ce que l'Etat se prononce au moins 8 semaines avant chaque événement, pour que les organisateurs aient le temps de se retrourner. Après mi-mai on doit savoir si on y va ou pas" ajoute Sébastien Piganiol, tout en précisant que son syndicat a bien l'intention d'écrire une nouvelle fois au ministère de la Culture, afin d'obtenir des précisions concernant les récents propos du ministre Franck Riester annonçant que certains "petits festivals pourront avoir lieu à parir du 11 mai".
"Pas les moyens d'annuler de notre propre initiative"
Autre festival dans l'attente, le No Logo Festival de Fraisans, dans le Jura. Les organisateurs ont d'ailleurs annoncé la programmation complète de l'événement lors d'une conférence publique, jeudi 16 avril. Le No Logo 2020 aura-t-il lieu ? La question a été posée par l'animateur de Radio No Logo. "On ne le sait pas nous même. On souhaite que le festival ait lieu en 2020 mais on ne veut pas faire prendre de risques à toutes les équipes et aux festivaliers. A l'heure actuelle, on n'est officiellement pas annulé. Mais nous n'avons aucune visibilité quant aux décisions prises par la suite" a déclaré Florent Sanseigne, directeur du Festival No Logo.
Pourquoi ne pas prendre la décision d'annuler dès maintenant ? La réponse est simple. Si les festivals prévus après la date du 15 juillet annulent, sans annonce officielle de la part des autorités, les contrats évidemment déjà signés devront être payés : "On a pas les moyens d'annuler de notre propre initiative. On est engagés contractuellement avec des artistes et des prestataires. Si on annule, ce serait une rupture des contrats et nous serions obligés de verser les sommes engagées. Ce serait la mort annoncée du festival car nous n'avons pas la trésorerie pour le faire. Si l'ordre ne vient pas de l'état on ne pourra pas invoquer le "cas de force majeure".
Et de préciser : "Les assurances ne marchent pas. L'assurance annulation fonctionne pour les intempéries et l'indisponibilité des artistes. Il existe une close d'exclusion : la pandémie. La crise du coronavirus n'est pas prise en compte par l'assurance. Ce sont les petits festivals, notamment indépendants qui perdront le plus."
Si l'événement est effectivement maintenu, la programmation pourrait être modifiée. "Les artistes internationaux ne savent pas non plus si les frontières et les visas seront délivrés pour le mois d'août. Pour le moment on a aucune information à ce niveau-là" précise Florent Sanseigne. "On a pas le choix d'y croire et de rester positif" conclut-il.
Des reports risqués
Le Festival Rolling Saône initialement prévu à Gray les 21, 22 et 23 mai pourrait avoir lieu en 2020. C'est en tout cas ce que les organisateurs espèrent. Ils ont décidé de reporter l'événement à fin août : 27, 28 et 29 août 2020, toujours à la Halle Sauzay. Il faut dire qu'ils ont été réactifs, dès début mars.
"En ce moment, les choses qui sont sûres un jour ne sont plus du tout actées deux semaines après. Dès mars, on a cherché des solutions, on a décidé à ce moment là de reporter. Cela a été très difficile de retrouver une date et de tout déplacer, je ne vous le cache pas. On était alors soumis aux directives de l'Etat. Ensuite, il y'a eu l'annonce du président Emmanuel Macron sur la date du 15 juillet. Nous on a reporté, on ne regrette pas. On est très optimistes, on travaille d'arrache-pied. On préfère ça. Seule une décision de l'Etat pourra nous faire annuler la manifestation. Si l'Etat nous l'accorde, on le fera. Sinon, on reviendra l'an prochain, si nous sommes toujours là. En attendant, on continue, on essaie, on espère. On aura pas de regret en tout cas, car on aura tout fait pour que cela ait lieu en 2020" nous a précisé Camille Prieur, chargée de communication du Festival Rolling Saône.
Le festival de Montfaucon, programmé fin mai devrait quant à lui avoir lieu fin août, si c'est possible.
Les festivals annulés
Le Fimu à Belfort
Rendez-vous en 2021, du 20 au 24 mai peut-on lire sur la page du Festival international de musique universitaire de Belfort, via les réseaux sociaux. C'est l'un des premiers événements à avoir annoncé son annulation, puisque c'est l'un des festivals qui ouvrent le bal dès la mi-mai. "C'est la santé de tous qui prévaut, et ce choix s'adresse autant aux 120 000 spectateurs présents chaque année qu'aux 2 000 musiciens du monde entier" expliquent les organisateurs. En effet, le FIMU rassemble des artistes venus des quatre coins de la planète. Cette particularité le condamnait donc automatiquement puisque l'ensemble des frontières sont fermées et les vols entre les différents pays sont suspendus jusqu'à nouvel ordre.
Les Eurockéennes de Belfort
C'est LE gros festival franc-comtois, prévu début juillet. Les organisateurs ont annoncé l'annulation de l'événement après les propos d'Emmanuel Macron lundi soir. "Cette annulation nous semblait inéluctable. Malheureusement, elle pose de lourdes questions sur l'avenir du festival et de l'association Territoires de musique. Les Eurockéennes souffriront durablement de cette année noire. Le festival fait face au plus grand défi de son histoire" expliquent les responsables de l'événement.
Rencontres et Racines à Audincourt
Du côté d'Audincourt, même décision : l'annulation. Le festival était prévu fin juin. On se projette déjà à l'année prochaine. "Rencontres & Racines ne fait pas exception ; tous les événements et les acteurs du secteur culturel sont touchés par cette crise sanitaire. Dans ce contexte particulier, nous pensons et adressons notre soutien à toute ces personnes qui luttent contre la maladie, au personnel soignant, à celles et ceux qui continuent à travailler sans relâche. Nous n’abandonnons pas le navire pour autant et nous mettons désormais toute notre énergie pour inscrire la culture, la musique et la solidarité dans nos actions. On se retrouvera en 2021 et d’ici là, nous ferons en sorte que le festival vive pour que ses valeurs continuent d’exister !" précisent les organisateurs.
Festival Idéklic à Moirans-en-Montagne
Le Festival international pour les enfants devait se tenir du 8 au 11 juillet 2020. "Nous sommes tous très tristes de devoir annuler cette belle édition consacrée à la célébration de la nature plus que jamais en danger. Soyez assurés que nous ferons tout notre possible pour reporter tout ou partie de la programmation à l’année prochaine" ont précisé les organisateurs via les réseaux sociaux.
Le festival de musique baroque du Jura
Le festival de musique baroque du Jura était prévu en juin mais est également annulé. Ce devait d'ailleurs être la 35ème édition.