La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) appelle à une attention accrue. Depuis le début du confinement, certains groupes considérés comme « déviants » profitent de la situation pour étendre leur influence.

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Le 26 avril dernier, la Préfecture de Saône-et-Loire prévenait que « des faits de prosélytisme par téléphone » avaient été signalés. Elle ajoutait : « ce prosélytisme peut se faire aussi par courriel ou par courrier manuscrit déposé directement dans les boîtes aux lettres ». La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ainsi que les associations de prévention et de lutte contre les dérives, alertent et demandent de « maintenir le contact avec les personnes isolées et les plus fragiles (…) pour les inciter avec bienveillance à suivre seulement les recommandations officielles des autorités sanitaires ». 

Paradoxalement, l’association Cercle laïque contre le sectarisme déclare n’avoir reçu que très peu d’appels depuis le début de la crise sanitaire. « On est confinés, les groupes déviants le sont donc aussi. » Ils sont moins présents physiquement, « sur le terrain », à tracter par exemple dans la rue ou à faire du porte-à-porte. Mais pas forcément moins actifs. Ils trouvent aujourd’hui de nouveaux canaux de communication pour s’adresser à leurs « fidèles » ou pour recruter. « Certains reçoivent par exemple des courriers, ou des messages sur les réseaux sociaux ». 

Des prophètes qui prétendent avoir les réponses

​​​​​Mais comment peut-on rentrer dans le jeu de ces groupes ? « On vit une période très anxiogène » affirme le psychiatre dijonnais Clément Guillet. « La crise sanitaire que nous traversons nous questionne beaucoup. Elle interroge notre rapport à la mort et plus généralement, elle soulève des angoisses existentielles ».
Cette recrudescence anxieuse est donc propice aux approches des groupes sectaires. « Ces gens essaient d’apporter des réponses aux angoisses de chacun. Ils profitent de la situation. » Certains peuvent être avides d’explications, en quête de réponses en cette période incertaine, et « c’est un appel d’air pour les dits-prophètes ou gourous ».

L'isolement comme facteur d'embrigadement

Il y a ceux qui sont déjà fragiles psychologiquement, qui sont donc davantage surveillés par le corps médical. Mais il y a tous les autres, qui n’avaient pas forcément de signes précurseurs et qui, aujourd’hui, se retrouvent isolés. « L’isolement psychologique et géographique facilite les discours sectaires ». Ne plus pouvoir se déplacer, à cause des mesures de confinement, peut entraîner aussi une forme d’angoisse existentielle. « Pour se prémunir, il est essentiel de garder un lien fort avec ceux qui comptent. » Amis, familles, collègues, voisins… Conserver un contact n’a jamais été aussi important. 

Nous le disions, l’épidémie que nous traversons soulève un tas d’interrogations… et engendre parfois un manque de confiance. Est-ce que certains se tournent vers de « belles paroles » parce qu’ils n’ont plus confiance en la médecine traditionnelle ? « Il faut dire à tous ces gens que la médecine fait tout son possible. Elle lutte contre le coronavirus mais il n’y a pas de miracle possible. » Clément Guillet alerte quand aux tentations de se tourner vers des médecines parallèles. « On peut évidemment se tourner vers ces nouvelles pratiques. On peut alterner les deux. Mais attention, là aussi il n’y a pas de remède miracle. Et surtout pas de discours plus savant qu'un autre. » 

Trois phases d'aliénation

La Miviludes a mis en place sur son site toute une procédure pour trouver des interlocuteurs. Vous y trouverez aussi une liste d’acteurs de terrain à contacter en cas de signalements ou de doutes. Les associations locales comme l’ADFI (Association de Défense des Familles et de l’Individu) peuvent aiguiller toute personne qui s’interrogerait, ou qui aurait une connaissance en passe d’embrigadement. « Mais jamais nous ne dirons aux gens comment agir. Chacun doit rester libre de penser. Sinon, ce serait jouer le jeu des groupes sectaires. »

Chantal Sorlin, membre de la maison diocésaine de Dijon et en charge des « nouvelles croyances et dérives sectaires », rappelle que les trois phases qui déterminent l’aliénation d’une personne à un groupe sectaire sont : la séduction, la déstabilisation et le formatage. Elle s’inquiète du phénomène « d’émiettement des groupes sectaires ». Avant l’ère du numérique, les groupes étaient identifiés et connus de tous. Aujourd’hui, il est impossible de connaître le nombre de groupes actifs. 

Que dit la loi ?

Alors comment sévir contre ces « dérives sectaires » ? En France, il reste difficile d’identifier et d’appréhender les sectes. Christophe Macone, en 2008, dans l’article « Les différentes réponses de l’Etat français aux dérives des groupes sectaires », paru dans la revue Criminologie, définissait la secte comme un « groupe constitué de personnes suivant l’enseignement d’un leader (…) conduisant à une marginalisation plus ou moins grande par rapport à la société ». Au regard de la loi, il n’existe pas, en droit français, de définition de « secte ». On lui préférera d’ailleurs le terme de « dérives sectaires ». 

La législation s’est toujours refusée à définir cette notion afin de ne pas contrevenir à la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, garante de la liberté de conscience, d’opinion et de religion.
Cependant, la loi réprime les agissements attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Elle sanctionne également les actions commises dans le cadre de l’emprise mentale. La loi du 12 juin 2001, loi “About-Picard”, s’érige en défenseur de ces actes malveillants, actant : “Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse (...) d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire cette personne à un acte qui lui est gravement préjudiciable.
En clair, pour reconnaître le caractère « sectaire » d’un comportement et le condamner, l’intégrité d’un sujet doit être atteinte

Le rapport parlementaire déposé par le député Alain Vivien en 1995, à la demande du Premier ministre, expliquait l’absence de définition juridique du terme « secte » pour ne pas « les faire apparaître comme des martyrs ». L’association Cercle Laïque contre le sectarisme rejoint ce point de vue et sur son blog, s’en tient à ne jamais attaquer frontalement les groupes déviants pour « ne pas jouer leur jeu ». 

 
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