Le déconfinement est sur toutes les lèvres. Le gouvernement envisage plusieurs scénarios pour sortir petit à petit de cette crise sanitaire. Le confinement laissera des traces à certains d'entre nous. Deux spécialistes nous préparent psychologiquement pour le déconfinement.
Depuis le 16 mars, tous les Français sont confinés, pour endiguer la propagation du coronavirus Covid-19. Le temps est parfois long alors le déconfinement est très attendu. Mais les spécialistes martèlent : "Ce ne sera pas pour tout de suite."
Le déconfinement pas si libérateur ?
Au téléphone, Clément Guillet psychiatre à Dijon et Emmanuel Benoît, directeur de la SEDAP (Société d’Entraide et d’Action Psychologique) alertent sur les risques d'un déconfinement brutal. "S'il doit avoir lieu prochainement, il doit se faire de façon progressive." Il y a en effet un risque d'une deuxième vague de contamination, mais il y a aussi tous les risques psychologiques liés au confinement. Sortir de cette situation brutalement pourrait créer des situations d'angoisse.
Emmanuel Benoît craint le développement de nouvelles phobies, notamment l'agoraphobie : la peur du monde, de l'autre mais aussi la peur de rencontrer d'autres personnes malades. "Pour un match de foot par exemple, qu'est-ce qui prendra le dessus ? La peur de la maladie ou l'envie d'aller voit un match ?"
La peur de la maladie déclenchera peut-être des mécanismes d'auto-protection. "Au bureau, si un collègue éternue, on lui demandera peut-être de rentrer chez lui ou de porter un masque."
Être confiné trop longtemps peut aussi déclencher des angoisses et parfois même, des formes de dépression. Pour Clément Guillet, "il est possible qu'il y ait un afflux de patients en consultation de psychiatrie".
La crainte des surconsommations
La sortie du confinement pourrait aussi entraîner des comportements compulsifs. "Pendant le confinement, certains perdent le contrôle et font des achats compulsifs sur internet. Quand on sortira de la crise, il risquent d'avoir une envie effrénée d'acheter tout ce qu'ils pourront." La frustration du confinement pourrrait en être la cause, selon Emmanuel Benoît. "On est désorienté, on a envie de se jeter sur toutes les choses qu'on a pas pu faire pendant cette période."
Ces comportements compulsifs pourront causer de nombreux accidents. "C'est le cas pour toutes les drogues et l'alcool qui n'auront pu être consommés pendant le confinement" s'inquiète Clément Guillet. Une consommation excessive, mettant en danger les individus, contribuerait à embouteiller de nouveau les urgences. "Toutes ces urgences du quotidien (comas éthyliques, overdoses, accidents de la route) qu'on a vu disparaître pendant le confinement, pour faire de la place aux patients Covid, on craint de les voir réapparaître à la sortie de la crise."
"Et si je n'avais pas ma place dans ce monde ?"
Le retour à la "vie sociale" ne s'annonce pas aussi simple que ça. "Il faut anticiper que le déconfinement sera partiel. Les activités reprendront progressivement. Il est nécessaire de se projeter dans une reprise progressive et ne pas penser qu'on reprendra le cours de nos vies normalement" préviennent Clément Guillet et Emmanuel Benoît. Même si aucune mesure officielle n'a encore été annoncée par le gouvernement, le port de masque à chaque sortie est une éventualité. "En Asie, ils le portent sans problème. Mais nous, dans les pays latins on n'a pas ces habitudes. Mais peut-être qu'il faudra penser à ne plus s'embrasser ou se serrer la main par exemple." prévient Clément Guillet.
On sait qu'il va falloir changer nos habitudes, notre mode de consommation.
- Emmanuel Benoît
Le directeur de la SEDAP prend l'exemple d'une réunion organisée à Paris. "Plutôt que de faire 1h30 de train, on se dira que peut-être qu'on peut le faire en visio."
Le confinement est aussi propice aux réflexions personnelles et parfois professionnelles, aux "ruminations" selon Clément Guillet. Le déconfinement symbolisera l'aboutissement de ces réflexions. Mais "prudence avec toutes ces réflexions" rappellent les deux spécialistes. Le confinement et l'isolement exacerbent nos doutes, nos interrogations. "Certains se disent par exemple que s'ils sont en chômage technique ou en télétravail, c'est que leur métier n'apporte rien au monde." Cette remise en cause du travail interroge aussi la place occupée dans le monde professionnel et dans le monde tout court, de façon plus générale. "Il n'est donc pas impossible que beaucoup démissionnent et changent de métier à la fin de cette crise."
D'autres claqueront peut-être la porte du domicile conjugual. "Il n'y a plus d'exutoir, plus de possibilité de s'échapper actuellement." En Chine, le nombre de demandes de divorce a très largement augmenté à la levée du confinement. "Mais ça ne veut pas forcément dire qu'il n'y a plus d'amour. Nous ne sommes juste pas forcément habitués à vivre les uns avec les autres aussi longtemps et dans ce contexte encore plus particulier." Les deux spécialistes s'accordent ainsi et préviennent qu'il serait plus judicieux d'attendre plusieurs semaines avant de prendre une décision impactant le quotidien. "Il va falloir que petit à petit, nous reprenions un rythme de vie normal et nos habitudes."
Le déconfinement mènera à des demandes d'explications du gouvernement. "Beaucoup attendent la fin de la crise pour demander des comptes. Mais il faut envisager que le gouvernement ne puisse y répondre, ou du moins pas tout de suite" prévient Emmanuel Benoît.
Le monde est comme "mis sur pause actuellement", mais gardons en tête que "la crise que nous traversons touche le monde entier et continuera de nous impacter même après." Il est donc important de se préparer et d'anticiper au mieux une sortie de crise en douceur.
Quand aura lieu le déconfinement ?
Aucune date n'a encore été annoncée. Le pic de l'épidémie, c'est-à-dire la saturation des lits de réanimation dans les hôpitaux, n'a pas encore été atteint partout. Le déconfinement ne pourra être envisagé que lorsque le nombre de nouveaux contaminés diminuera.
Plusieurs scénarios de sortie du confinement sont à l'étude par le gouvernement.
- Un déconfinement par région ?
En fonction des lits de réanimation disponibles dans les hôpitaux, les régions les moins sous-tension pouraient être les permières à lever le confinement, comme dans l'ouest de la France. Mais pour ce faire, toutes les personnes présentant des symptômes devraient être testées. Les porteurs du virus devront être isolés, ainsi que tous les cas contacts.
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- Un déconfinement selon l'âge ?
Les personnes âgées sont les personnes les plus fragiles et exposées au Covid-19. Elles pourraient rester chez elles tandis que les plus jeunes d'entre nous seraient autorisées à sortir de nouveau.
- Un déconfinement en fonction du profil sanitaire ?
Ce scénario permettrait aux personnes testées et immunisées de reprendre leurs activités. L'option n'est envisageable que si des milliers de tests sérologiques sont mis à disposition des laboratoires.