Ce mercredi, la direction de la clinique de Cosne-sur-Loire a annoncé le dépôt de bilan de l'établissement. Un coup de massue pour les 90 personnels soignants. Il fait suite à la décision de l'ARS de suspendre les services de chirurgie pour "manquements répétés à la sécurité des soins".
La décision a été annoncée ce mercredi 13 novembre à l'ensemble des salariés. La clinique de Cosne-sur-Loire va déposer le bilan d'ici 15 jours. Une fermeture de fait faute de pouvoir maintenir son activité. La veille, l'Agence régionale de Santé a en effet suspendu l'activité de chirurgie au sein de l'établissement après "des manquements répétés à la sécurité des soins".
L'ARS avait mise en demeure l'établissement de remédier aux différents dysfonctionnements constatés dans un délai de six mois. Mais faute de pouvoir poursuivre son activité, la survie de l'établissement est en jeu. "La chirurgie, l'ambulatoire (sic) et la stérilisation sont fermées, constate le Dr Dana, président du conseil médical d’établissement de la clinique de Cosne. Pour nous, ce n'est pas possible de travailler sans chirurgie" deplore-t-il.
"Une fermeture brutale et inhumaine"
Dans un communiqué, l'équipe médicale dénonce "une fermeture brutale et inhumaine ne tenant compte en rien des intérêts des malades récemment opérés, et qu’il a fallu déménager dans l’urgence." Médecins et soignants regrettent l'absence d'investissements et protestent contre un conflit entre l'ARS et les dirigeants de la clinique.
"Rien ne met en péril la sécurité des patients à la clinique de Cosne si ce n’est la volonté de l’ARS depuis deux ans (date de la fermeture de la maternité) de fermer définitivement le Pôle de Santé de Cosne/Loire. Nous protestons contre ce conflit entre l’ARS de Bourgogne et le groupe KAPA pour lequel la clinique de Cosne et la population locale sont pris en otage."
– Communiqué du conseil médical d’établissement de la clinique de Cosne, 13 novembre 2019
Les patients évacués
Ce mercredi, la trentaine de patients présents dans la clinique a été transférée vers les hopitaux de Bourges et Nevers ainsi que dans plusieurs Ehpad du département précise la communauté médicale. Aucun nouveau patient ne devrait être accueilli à l'exception des consultations déjà prévues ces prochaines semaines. Pour les 90 personnels soignants et médecins, la situation est plus confuse. Les salaires seront versés durant les 15 prochains jours. "Au delà, nous n'avons aucune garantie sur le versement des salaires, pas de détails sur le calendrier ou les conditions de l'arrêt de l'activité" explique le Dr Dana. "On a vu des gens pleurer. Nous, médecins, on n'aura pas de mal à travailler ailleurs, mais c'est beaucoup plus inquiétant pour le reste des personnels".
Les élus stupéfaits
Au delà des salariés, c'est un bassin de vie de 75 000 personnes qui est impacté. Dans un communiqué publié mardi, le président PS du conseil départemental de la Nièvre, Alain Lassus, faisait part de sa "stupéfaction" suite à l'annonce de l'ARS.Je suis conscient de la nécessité que les patients puissent être soignés en toute sécurité, puisque c’est le motif avancé, mais je ne comprends pas qu’on ne soit pas capable de travailler en amont pour éviter l’arrivée d’une telle situation.
– Alain Lassus, président PS du conseil départemental de la Nièvre
Il poursuit : "Je suis choqué pour le bassin de population de Cosne-sur-Loire qui perd un outil de proximité absolument nécessaire et je découvre qu'à partir de demain matin [mercredi], il n'y aura plus qu'un seul endroit où on va opérer dans l'immense territoire Nivernais : à Nevers ".
Une sécurisation insuffisante, pour l'ARS
Mais la décision de l'Agence régionale de santé n'a pas été prise en quelques jours. Elle est la conséquence de manquements constatés lors de différentes inspections diligentées par l'ARS au sein de l'établissement depuis 2017.
Malgré plusieurs allers-retours entre les questions soulevées par les inspections et les réponses de l'établissement, l'ARS a adressé une nouvelle lettre d'injonction en septembre 2019 portant sur :
"une organisation et un fonctionnement ne garantissant pas la qualité et la sécurité du parcours-patient en chirurgie ambulatoire,
une présence anesthésique ne permettant pas la garantie d'une continuité en toutes circonstances,
un processus transfusionnel chez le sujet âgé ne répondant pas aux exigences définies par la Haute autorité de santé,
une sécurisation insuffisante des prescriptions médicamenteuses du fait notamment de l'absence d'informatisation du dossier patient et de la prescription médicamenteuse."
Selon l'ARS, les réponses de l'établissement "ne permettent pas de lever l'ensemble des manquements qui lui ont été notifiés et plus particulièrement sur l'organisation et le fonctionnement de la chirurgie ambulatoire et le processus transfusionnel chez le sujet âgé".
De plus, les éléments relevés lors des dernières inspections de juin et octobre dernier "démontrent que l'établissement n'assure pas la pérennisation des mesures mises en œuvre suite aux différentes inspections préalablement effectuées et plus particulièrement concernant la présence anesthésique et la gestion des évènements indésirables graves et le management de la qualité et de la gestion des risques."
"Une décision infondée et brutale", pour Kapa Santé
La clinique du Nohain date de 1968. Elle a été reprise en 2009 par le groupe Kapa Santé. La clinique a très vite été adossée au Centre Hospitalier de Cosne-sur-Loire et s'est ensuite développée avec les activités de médecine et d'urgence. Fondé en 2002, par les frères Hervé et Claude Kadji, le groupe Kapa Santé compte huit cliniques, réparties en métropole et outre-mer.Dans un communiqué transmis le 14 novembre, le propriétaire de la clinique de Cosne-sur-Loire dénonce "un acharnement impitoyable de l’ARS".
La décision de l’ARS conduit inéluctablement à l’arrêt de l’ensemble des activités de la SAS Clinique de Cosne sur Loire. Dès lors, le groupe Kapa Santé indique sa volonté de cesser son activité avec comme conséquence un dépôt de bilan inévitable et le licenciement contraint de la totalité du personnel soit plus de 100 personnes.
– Communiqué de Kapa Santé, 14 novembre 2019
"Le groupe Kapa Santé déplore que l’ARS n’ait tenu aucun compte du travail effectué par les équipes de la Clinique pour répondre aux recommandations et écarts constatés par l’agence au cours des inspections incessantes diligentées ces deux dernières années, ajoute le communiqué.
L’établissement est resté en permanence à l’écoute des demandes de l’ARS. Les délais exigés rendaient impossible la correction de toutes les anomalies retenues et ceci est extrêmement dommage car une démarche volontariste de l’ensemble du personnel avait déjà abouti. Un acharnement impitoyable de l’ARS a eu pour conséquence la suspension de nos activités."
La maternité avait déjà fermé en 2017
Si elle n'est plus autorisée à pratiquer la chirurgie, elle continue cependant à assurer ses missions de service public : accueil des urgences, SMUR, médecine. Les activités d’imagerie conventionnelle et de scanner fonctionnent normalement.Rappelons qu'en décembre 2017 la maternité de Cosne-sur-Loire avait définitivement fermé ses portes, sur décision de l'ARS, en raison d'une trop faible activité. En mars 2018 un centre périnatal de proximité a pris le relais pour assurer les suivi des femmes enceintes : consultations prénatales et post-natales, cours de préparation à la naissance. Les accouchements se font à Nevers.
En 2013, le groupe avait déposé le bilan de la clinique de Cluses (Haute-Savoie) dont il assurait la gestion. Une décision prise suite à la fermeture administrative du service des urgences.
La décision de l'ARS en intégralité
L'intégralité du communiqué de Kapa Santé
L’ARS Bourgogne-Franche-Comté a procédé à la suspension de l’autorisation d’exercer la chirurgie à la clinique de Cosne-Cours-sur-Loire. Cette décision, qui concerne l’hospitalisation complète comme la chirurgie ambulatoire, a pris effet ce mercredi 13 novembre 2019.La décision de l’ARS conduit inéluctablement à l’arrêt de l’ensemble des activités de la SAS Clinique de Cosne sur Loire. Dès lors, le groupe Kapa Santé indique sa volonté de cesser son activité avec comme conséquence un dépôt de bilan inévitable et le licenciement contraint de la totalité du personnel soit plus de 100 personnes.
Le groupe Kapa Santé déplore que l’ARS n’ait tenu aucun compte du travail effectué par les équipes de la Clinique pour répondre aux recommandations et écarts constatés par l’agence au cours des inspections incessantes diligentées ces deux dernières années. L’établissement est resté en permanence à l’écoute des demandes de l’ARS. Les délais exigés rendaient impossible la correction de toutes les anomalies retenues et ceci est extrêmement dommage car une démarche volontariste de l’ensemble du personnel avait déjà abouti. Un acharnement impitoyable de l’ARS a eu pour conséquence la suspension de nos activités.
Le groupe Kapa Santé estime que cette décision, infondée et brutale, aura un impact négatif important sur la population du bassin Cosnois représentant environ 75 000 habitants. En effet, la fermeture de l’hospitalisation complète et des services de chirurgie ambulatoire entraînera un arrêt de l’offre de soins et la mise en péril du Pôle de santé de Cosne-Cours-Sur-Loire (et vraisemblablement du service des urgences).