Le projet d'une piscine d'entreposage de déchets nucléaires à Belleville-sur-Loire (Cher) a été définitivement abandonné. Le président de la région centre François Bonneau (PS) l'a annoncé en début de semaine, lundi 29 juin. Le projet avait des retombées sur la commune voisine de Cosne-sur-Loire.
En février 2018, une information révélée par le site d'informations écologiques Reporterre dévoilait le projet de création d'une piscine d'entreposage géante pour les déchets radioactifs à Belleville-sur-Loire, sur le site de la centrale nucléaire existante. La commune proche de Cosne-sur-Loire était concernée par les retombées économiques d'un tel projet. De nombreux nivernais du bassin économique de Cosne sont employés à la centrale.
EDF change de stratégie
C'est le président de la région Centre-Val-de-Loire, François Bonneau (PS) qui a annoncé l'abandon du projet de piscine d''entreposage, dans les colonnes du Berry Républicain :« Grâce à une grande mobilisation, au combat des associations, des habitants et des élus locaux, et car nous n’aurions su accepter que notre si belle région devienne la poubelle nucléaire de la France, la décision de ne pas implanter cette piscine d’entreposage de déchets nucléaires en Centre-Val de Loire m’a été annoncée ce lundi 29 juin 2020. »
En effet EDF envisage d'utiliser le site de retraitement du combustible nucléaire de la Hague du groupe Orano (ex-Areva) pour y implanter sa future piscine centralisée, a indiqué le mardi 30 juin le producteur d'électricité à l'AFP.
Cosne-sur-Loire, un bassin d'emploi pour la centrale
La ville de Cosne-sur-Loire toute proche représente un bassin d'emploi important pour la centrale de Belleville. En effet, il suffit de traverser la Loire pour rejoindre le site de la centrale. Même si le projet de piscine de stockage n'abordait pas la partie "emploi", pour les élus locaux, il était fort probable que cela ait un impact avec des sociétés sous-traitantes.Pour l'ancien Michel Veneau (DVD) battu aux dernières élections, en réaction à l'annonce de l'abandon du projet : "Belleville n’est pas retenue. Au moment de l’annonce, pas beaucoup d’emplois annoncés, de l’investissement, pour faire travailler les entreprises locales avec les sous-traitants au niveau des retombées locales. Par rapport aux infos qu’on avait eues, il n’y avait pas beaucoup d’emplois de créés. Mais on n’avait pas le dossier, on n’avait rien de notre côté." Et il conclut "Moi je ne me prononce pas, sans avoir le dossier. Il y avait juste l’effet d’annonce. Ce projet a souffert d'un déficit d’image : c’est pas dans l’air du temps de créer des piscines de stockage comme celles-là sur notre territoire ou ailleurs."
Alain Dherbier (DVG) lui aussi ancien maire (mars 2008 à mars 2014) a réagi, par la parole de Hicham Boujlilat (conseiller régional PS). Ce dernier a déclaré : "C’est une excellente nouvelle, on s’en félicite. C’est le fruit d’un intense travail de lobbying, un travail de longue haleine. On a été entendus. On comprend qu’on puisse déplorer la perte d’emplois, mais si on veut renforcer et développer l’attractivité de notre territoire, qui est déjà affaibli, on n’a pas besoin de ça. Alors nous, on lance un appel à EDF à fin de créer de l’emploi autour de la transition écologique afin de faire autre chose."
Pour Daniel Gillonier, nouveau maire, élu le 29 juin (DIV) : "On se félicite de cette décision, on est quand même un territoire où l'on veut miser beaucoup sur l'accueil, sur le tourisme, sur ces choses-là. Par contre à un niveau citoyen, il faut bien être conscient que les piscines se fassent ailleurs. S'il y a possibilité de la faire à la Hague, où cela pourrait être moins coûteux, il y a déjà des structures en place, oui c'est pas plus mal[...] Les territoires comme les nôtres si on veut être attractifs, côté tourisme, cadre de vie, cela va compter beaucoup, et cela aurait été un frein quand même"
Sur les éventuels emplois impliqués par le projet, le nouveau maire de Cosne déclare :"Comme l'Autorité de Sûreté Nucléaire l'avait dit il y a quelques semaines, le projet était vide, il est difficile de se prononcer sur un projet qui ne fait pas figurer d'emplois."
Les associations anti-nucléaires se félicitent
La Coordination « Piscine Nucléaire Stop » avait immédiatement attiré l'attention sur ce dossier et ont milité contre le projet.Ainsi, Mmes Pouzet (administratrice et présidente) et Moreau (administratice) du Réseau Sortir du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye ont déclaré à France 3 Bourgogne, à la suite de l'abandon du projet : "On espère y être pour quelque chose ! On est contents pour ici à Belleville, mais on va suivre l'étude de faisabilité demandée à Orano (site de La Hague ndlr), et on va suivre cela de près. Le travail de recherche et de documentation sur le projet va servir à nos collègues de l'association en Normandie."
Les militantes anti-nucléaire font toutefois le constat que : "le projet de piscine centralisée pour les déchets nucléaires, c'est aussi un moyen de pérenniser l'industrie nucléaire en France, et du coup, on n'en sort plus, avec tous les dangers que ça comporte !"
Le collectif Piscine Nucléaire Stop est un regroupement des associations suivantes :
ADENY (Association de Défense de l'Environnement et de la Nature dans l'Yonne) Anti Décharge Nucléaire-Belleville (collectif de la Nièvre) ATTAC 18, ATTAC 45, ATTAC 58, ATTAC 89 AVEC (Association de Veille Environnementale du Cher) Avenir Citoyen 45 (association du Giennois-Loiret) Collectif d'Alarme Nucléaire Orléanais C3V (Comité des 3 vallées- Maison citoyenne)-Yonne Comité Centrales (Collectif du bassin versant de la Loire) Lucytoyens (Association pour la défense de l'environnement) -Yonne Radieux du Gâtinais (collectif du Loiret) SDN Berry-Giennois-Puisaye (asso pour la sortie du nucléaire Cher-Loiret-Nièvre-Yonne) Vivre Notre Loire (association de défense de l’environnement du Cher)
Qu'est-ce qu'une piscine de déposage ?
Le combustible nucléaire non-recyclable doit être entreposé dans des conditions permettant son refroidissement et contenir son rayonnement radioactif.Cette "piscine" "d'entreposage centralisé" était destinée à entreposer le surplus de déchets nucléaires issus des bassins de stockage de la centrale de la Hague, qui sont pleins.
Planifié par EDF et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ce grand équipement devait accueillir entre 6.000 et 8.000 tonnes de métal lourd irradié, selon les informations de Reporterre, soit "l'équivalent de 69 à 93 coeurs de réacteur nucléaire de combustibles brûlants et hautement radioactifs".
Ce bassin accueillerait principalement du MOX, un mélange d'uranium et de plutonium. "L’entreposage en piscine de matières radioactives est risqué. En effet, les assemblages doivent être refroidis en permanence sous plusieurs mètres d’eau, sous peine de s’échauffer et de rejeter d’énormes quantités de matières radioactives dans l’atmosphère", explique Reporterre.
La centrale de Belleville aurait été choisie en fonction de plusieurs critères : un emplacement central dans l'Hexagone, un raccordement direct au réseau ferroviaire, de la place restante sur le site qui couvre 170 hectares.