Un accord annoncé vendredi 5 mars entre les Etats-Unis et l'Union européenne suspend pour quatre mois les surtaxes douanières pénalisant notamment les viticulteurs français.
L'administration Biden a provisoirement suspendu de façon réciproque pendant quatre mois les droits de douane additionnels mise en place dans le cadre du contentieux sur l’aéronautique.
Le monde de la viticulture soulagé en Bourgogne
Du côté de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB), son président, Thiébault Huber est enthousiaste :
"Cette taxe de 25% nous faisait très mal, on a perdu un quart de notre chiffre d'affaires sur les Etats-Unis. C'est énorme, on a perdu beaucoup de parts de marché, parce que les italiens en ont repris [...] Pour l'instant, ce n'est parti que pour 4 mois, mais j'espère que c'est le temps de la mise en place de l'administration Biden pour après l'entériner, et l'enterrer définitivement, ce problème de taxe, dont on était pris en otage."
Le marché va se desserer sur les 4 mois qui se présentent, selon Thiébault Huber : "Ca va redonner un peu d'oxygène sur nos exportations [...] on a des millésimes 2018 et 2019 qui arrivent sur le marché qui sont des millésimes fantastiques, on est content que les américains puissent les avoir au bon prix.[...] Je pense que les réservations vont changer, et que les segments d'appellation "village" et "1er cru" qui souffraient un peu, vont peut-être profiter pleinement de ce changement de taxation. C'étaient elles qui en avaient souffert de cette taxation."
Fin de la taxe "Airbus"
"Enfin, nous sortons de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe, qui ne fait que des perdants", s'est félicité de son côté le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. "Je me réjouis pour nos viticulteurs français", a-t-il ajouté, alors que ces derniers ont fait les frais d'un conflit qui ne les concernait pas.
La taxe de 25% imposée en octobre 2019 par les Etats-Unis, premier marché pour les vins français, a coûté 500 millions d'euros à la filière en 2020. Une taxe ensuite étendue au cognac et à l'armagnac par Donald Trump en janvier 2021, juste avant de quitter la Maison blanche.
Cette trêve "va apporter un soulagement (...) aux exportateurs qui, depuis 18 mois, subissent ces taxes injustes issues d'un conflit qui leur est étranger", a réagi la Fédération française des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS) dans un communiqué.
Elle a appelé toutefois à mettre à profit "ces quatre mois pour trouver une solution définitive à cet interminable conflit sur l'aéronautique et ainsi sécuriser nos entreprises sur le marché américain".
Même satisfaction du côté du Bureau national interprofessionnel du cognac, qui a dit attendre "beaucoup de ces quatre mois". "On a le sentiment que nos craintes ont été prises en compte et on espère que tout sera mis en oeuvre pour sortir de cette situation absurde", a réagi Raphaël Delpech, son directeur général, auprès de l'AFP.
"Cette suspension qu'on demandait depuis des mois était attendue(...) Il faut que dans les quatre mois, le dossier soit réglé sur le fond et que la filière viticole ne soit plus l'otage d'un conflit qui n'est pas le sien", a pour sa part commenté Jérôme Despey, secrétaire général du syndicat agricole majoritaire FNSEA.
Il a rappelé la demande de la filière de voir l'Union européenne "réparer le préjudice que le secteur des vins et spiritueux a subi depuis un peu plus d'un an", par le biais d'un fonds de compensation.
"Pendant cette période, la France a perdu des parts de marché au profit des Italiens et d'autres pays extra-communautaires, parce que les 25% des droits de douanes supplémentaires nous sortaient du marché", a souligné M. Despey, également président du conseil spécialisé viticulture de France AgriMer, organisme semi-public chargé des marchés agricoles.
Airbus et son concurrent américain Boeing, et à travers eux l'Union européenne et les Etats-Unis, s'affrontent depuis octobre 2004 devant l'OMC sur les aides publiques versées aux deux groupes.
Le rappel des faits
Les Etats-Unis avaient été autorisés en octobre 2019 à imposer des taxes sur près de 7,5 milliards de dollars (6,8 milliards d’euros) de biens et services européens importés chaque année, à hauteur de 25% pour les vins et spiritueux, et de 15% pour les avions Airbus.
L’administration Biden avait annoncé le 11 février le maintien pour le moment des taxes supplémentaires sur certains produits européens, entrées en vigueur le 12 janvier dernier, à quelques jours de la fin du mandat de Donald Trump.
Les réactions à Chablis (Yonne) recueillies par Baziz Djaouti et Claude Heudes
Intervenants :
- Fabien Moreau, vigneron à Chablis
- Jean-Paul Durup, vice-président de la fédération de défense de l'appellation Chablis