Depuis le 27 juillet, une famille étrangère avec trois enfants a été expulsée de l’abri de nuit du 115, situé rue des Creuzots à Dijon. La préfecture estime qu'elle ne remplit plus les critères pour être accueillie dans cet hébergement d'urgence.
Un foulard, un t-shirt avec une poche avant, un sac, une voix tremblante... et c'est à peu près tout. Jean-Luc* refuse que son identité soit révélée, par peur de la préfecture. En effet, depuis le 5 août, lui et sa famille ont été expulsés de l’abri de nuit du 115 situé rue des Creuzots à Dijon. "On nous a dit qu'on ne remplissait pas les critères pour continuer à vivre dans cet hébergement d'urgence," explique-t-il.
Emmené dans un autre centre, il doit signer un papier pour pouvoir y rester. Problème, ce document stipule qu'il doit quitter le territoire. Il s'agit du dispositif DPAR, ou dispositif de préparation au retour. Il permet d'obtenir un centre d'hébergement temporaire pour les étrangers en situation irrégulière qui font le choix de retourner dans leur pays d'origine.
Présent avec sa famille et ses trois enfants, Jean-Luc* refuse de signer ce document et quitte les lieux. Mais depuis, il se demande toujours : "Quels sont les critères pour lesquels je ne peux plus avoir accès à l'abri de nuit, et quels sont les critères pour lesquels nous pouvons être relogés ?" Il n'a pas réussi à trouver de solutions pérennes.
"On loge dans des salons, dans des cagibis. On peut passer la journée et la nuit dans des endroits différents. On ne peut pas être là tout le temps. J'ai trois enfants, donc c'est compliqué pour les personnes qui veulent nous aider. On nous dit parfois de dormir dans le salon et de partir le matin même," explique-t-il.
Plusieurs jours passés en gare
Faute de places trouvées par le 115, il a dû passer plusieurs nuits à dormir dans la gare de Dijon. Un moment traumatique, surtout pour ses enfants. "C'était difficile. Jusqu'à 3 heures du matin, les enfants n'avaient pas sommeil. Une heure plus tard, ils ont commencé à se plaindre de maux de tête à cause de cela. On a dû trouver un endroit sans courant d'air pour qu'ils puissent somnoler."
Il ajoute : "On a appelé l'école pour les prévenir que nos enfants viendraient, mais qu'ils seraient faibles. C'était difficile pour eux aussi. Tout le poids de la journée, et la nuit, cela les avait vraiment affaiblis." Une situation qui n'est malheureusement pas inconnue partout en France. D'après le baromètre de l'UNICEF, dans la nuit du 19 août, 2 043 enfants étaient sans solution d'hébergement.
Jean-Luc demande donc à ce que l'État lui fournisse un hébergement. "Maintenant, c'est compliqué. Il faut expliquer la situation aux enfants, mais ils peuvent ne pas la comprendre et se mettre à pleurer. Chaque jour, c'est une équation que l'on ne sait pas résoudre," lance-t-il. Présent depuis quatre ans et demi sur le territoire, il a tenté de régulariser sa situation.
Mais rien n'a avancé. "Depuis deux ans et demi, cela a été un combat chaque jour avec mes filles. Nous demandons donc la régularisation, pas pour bénéficier des aides sociales, mais pour pouvoir travailler et prendre soin de mes enfants."
La LDH dénonce une procédure "perverse"
Au total, sept familles sont dans cette situation. Elles sont accompagnées par la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) et par des bénévoles de l’association SOS Refoulement. Regroupés le 5 septembre dernier pour une mobilisation, ils ont dénoncé une procédure qualifiée de "perverse" par Paul Garrigues, coprésident de la section de Dijon de la LDH.
Il estime par ailleurs que cette situation "est une atteinte aux droits fondamentaux." La LDH demande donc plus de places d'hébergement d'urgence et surtout qu'une "politique de régularisation massive soit mise en place pour qu'ils puissent se loger, se nourrir, vivre normalement quoi !"
* Prénom d'emprunt