Témoignages. "Pour mon fils, l'école classique n'est pas adaptée" : la difficile rentrée des enfants atteints d'autisme

Publié le Écrit par Antoine Jacquet
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Chaque année, la rentrée scolaire est difficile pour de nombreux enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme. Le manque d'intégration, le manque de places dans les classes adaptées, ou l'absence de continuité dans l'accompagnement rendent leur scolarité compliquée.

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La rentrée, c'est un moment dont chaque enfant se souvient, mais aussi chaque parent. Anny Demor, la mère d'Axel, se souvient parfaitement de cette date charnière dans la vie de son fils. "Il a commencé l'école, à sept ans, en septembre 2020, à Remilly-sur-Thil (Côte-d'Or)", explique-t-elle.

Ce moment est encore plus particulier pour les enfants atteints d'autisme. En 2021, l'association Vaincre l'Autisme estime que 80 % de ceux qui ont ce trouble ne sont pas scolarisés. Ceux qui le sont, sont parfois en difficulté.

Axel a été diagnostiqué comme ayant un trouble du spectre de l'autisme (TSA) à l'âge de deux ans. "J'emmenais mon aînée au Centre d'Action Médico-Sociale Précoce de Dijon. Le psychomotricien présent sur place a voulu voir Axel. Je pense qu'il se doutait de quelque chose, mais moi, ce n'est pas le cas. Je ne le voyais pas atteint de cela," explique sa mère.

Il présente des signes d'autisme : Axel ne peut se laver seul. Il n'arrive pas à s'habiller correctement puisqu'il "met ses habits à l'envers." Il ne se rend pas compte du danger, un accompagnateur doit lui tenir la main à chaque sortie. Surtout, il ne parle pas, parvenant à se faire comprendre seulement "grâce à des sons."  Ce qui ne favorise pas sa scolarisation.

Pour autant, Anny ajoute : "la directrice que l'on a rencontrée nous a dit : 'À six ans, l'école est obligatoire, on va le prendre.' Mais il n'y avait pas d'accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). On a dû attendre un an pour en avoir un, et donc pouvoir le mettre à l'école une heure par jour". Cette situation est peu adaptée au monde du travail.

Lorsque mon enfant a une crise, ou lorsque son éducatrice est malade, je ne peux pas simplement dire à mon patron : je m'en vais.

Anny Demor

Peu de solutions durables

Anny a réussi à obtenir trente minutes de scolarisation en plus pour son enfant, car, pour la première fois, l'AESH qui l'accompagne n'a pas changé d'une année à l'autre. Elle ne reste pas satisfaite de la scolarisation d'Axel. "J’ai toujours l’impression qu’il est pris une heure pour dire qu’il est scolarisé, pour qu'il disparaisse des listes," lance-t-elle.

D'autres solutions se sont offertes à elle, mais les portes se sont rapidement refermées. Au départ, elle voulait placer son fils dans une unité d'enseignement élémentaire autisme (UEEA), située à l'école Trémouille de Dijon. Elle accueille huit enfants atteints de TSA, à temps complet, et met en place une pédagogie adaptée pour qu'ils poursuivent leurs apprentissages.

Une solution idéale pour Anny. Mais elle n'a pas réussi à y inscrire son enfant. Trop de demandes et pas assez de places. Le rectorat lui a proposé un autre choix : une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) spécialisée dans le trouble du spectre de l'autisme située à Ladoix-Serrigny (Côte-d'Or). Ce dispositif permet également l'inclusion des enfants dans un milieu de vie.

Mais, là encore, un problème : l'école est à 40 minutes en voiture de chez eux. "On ne voyait pas l'intérêt de faire autant de trajet pour deux ans." Axel ne pourra en effet pas être admis dans des classes ULIS du collège. Il n'a pas le niveau. Anny se retrouve donc sans solution. Elle a même envisagé de déménager en Belgique, mais elle s'est rendu compte que la situation n'est pas meilleure ailleurs.

Une situation difficile à gérer

Au final, Anny Demor estime que "pour mon fils, l'école classique n'est pas adaptée. Les gens ne sont pas formés. D'autres ne veulent pas de la différence. Je subis encore des regards et des gestes lorsque Axel fait des bruits considérés comme bizarres. Et l'école reflète la société." Le regard des autres est une des nombreuses problématiques à surmonter pour ces jeunes.

Cela a poussé Suzanne Bousseau à ne plus placer sa fille dans une classe dite classique. "Au début, la rentrée en classe normale de CP s'est bien passée. Mais, lorsque l'apprentissage est devenu plus difficile, les relations avec les autres enfants se sont tendues," explique-t-elle. Kelly revenait découragée, blessée par l'accueil des autres.

Les enfants qui n'étaient pas en situation de handicap ne comprenaient pas ses difficultés pour lire.

Suzanne Bousseau

En CE1, elle a donc été placée en ULIS. Suzanne n'est pourtant pas satisfaite de ce dispositif. "On a troqué le social pour le pédagogique," estime-t-elle. En cause, notamment : la perte d'interaction sociale. "Kelly est très sociable. Les enfants, en classe avec elle, n'habitent pas à côté. Il n'y a plus ce lien copain/copine en dehors de l'école. On l'isole dans sa thérapie."

Autre problème : Kelly a ramené des comportements d'autres enfants en situation de handicap à la maison. "Un garçon dans sa classe donne des coups de pied dès qu'il est contrarié. Quand elle est revenue de l'école, elle a commencé à le faire lorsqu'elle est frustrée." D'après sa mère, cette situation nuit donc au développement de sa fille.

Elle a décidé d'inscrire Kelly à la gymnastique rythmique afin qu'elle puisse s'intégrer avec d'autres enfants de son âge, qui n'ont pas de différences. Mais, si toute cette aventure était à refaire, Suzanne ne sait pas si elle réinscrirait son enfant dans une classe ULIS.

Plus globalement, Anny Demor, la mère d'Axel, résume bien la situation : "On essaie de trouver la meilleure solution pour notre enfant et pour nous."

Que met en place l'académie de Dijon ?

Leur stratégie sur le handicap se base sur un pilier : l'école inclusive. "Le maître mot est qu'aucun enfant ne doit être en situation de ne pas être accueilli en milieu scolaire, quitte à trouver les moyens de les faire accueillir," explique le recteur de l'académie de Dijon, Pierre N'Gahane. Pour ce faire, 51 AESH supplémentaires ont été recrutés entre 2023 et 2024.

La Côte-d'Or sera également l'un des quatre départements à mettre en place des pôles d'appui à la scolarité, qui serviront à "identifier, en priorité, les difficultés des élèves et les orienter de manière appropriée."

Enfin, au niveau des établissements spécialisés, l'académie de Dijon possède 12 UEMA et sept UEEA pour accueillir les enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme. D'après le recteur, ce nombre pourrait évoluer dans les années à venir.

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